Le CDI de chantier marque son grand retour au travers des ordonnances Macron.
Ce contrat n’est certes pas une nouveauté, cependant il n’existait au sein du Code du travail qu’à travers son mode de rupture (Art L. 1236-8 du Code du travail). En effet, les conditions de mise en place n’étaient pas abordées au sein du Code du travail, le CDI de chantier apparaissait dans le Code qu’à un seul article traitant de ses modalités de rupture. Suite à la proposition d’un contrat de projet dans le rapport de Virville1, l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, dite ordonnance Macron, s’est saisie de ce contrat de chantier en le nommant également « contrat d’opération », prévoyant son extension à de nouveaux secteurs d’activités et le dotant d’un véritable encadrement juridique. L’objectif affiché est de donner un véritable cadre juridique à ce dispositif afin de favoriser son utilisation tout en le sécurisant.
Il convient de rappeler que jusqu’à l’ordonnance du 22 septembre 2017 (Art 30) l’existence du contrat de chantier était exclusivement d’origine conventionnelle. En effet, en premier lieu limitée au secteur du bâtiment et des travaux publics, il avait été étendu à d’autres professions telles que l’aéronautique, la construction mécanique ou encore la réparation navale. La jurisprudence avait même considéré que tous les secteurs d’activité pouvaient être concernés (Cass. Soc, 5 décembre 1989, n° 87-40.747). Cependant ce contrat était peu utilisé en pratique.
Avec cette nouvelle appellation « contrat d’opération », il est clair que le législateur a voulu étendre son utilisation à d’autres secteurs que celui du BTP.
L’ordonnance franchit un pas, dont il convient de revenir sur les modalités de mise en œuvre du CDI de chantier ou d’opération (I) ainsi que sur les modalités de rupture de celui-ci (II).
I- Les modalités de mise en place du CDI de chantier ou d’opération
Remis au goût du jour, le CDI de chantier ou d’opération a été revisité quant aux conditions de mise en place de celui-ci. Pour mémoire nous reviendrons tout d’abord sur les modalités applicables avant les ordonnances Macron (1), puis sur les nouvelles modalités applicables désormais (2).
1- Avant les ordonnances Macron
Ce contrat est issu à l’origine de la pratique et des usages. A l’occasion d’une publication de réponses ministérielles le 27 février 1982 au JO, le législateur reconnait la pratique de ce contrat dans le secteur du BTP et des travaux publics. Et c’est en 1989 que ce contrat s’est étendu aux autres secteurs d’activité (Cass. Soc, 5 décembre 1989, n° 87-40.747). Par exemple il a été reconnu pour l’université dans le cadre d’un contrat de recherche (Cass. Soc, 7 février 2007, n° 05-45.282).
Cependant ont été exclus les branches d’activité figurant dans la liste des activités pour lesquelles il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI, conformément aux dispositions des articles L. 1242-2 et D. 1242-1 du Code du travail.
Aucun formalisme particulier n’était prévu, mais il était dans l’intérêt de l’employeur de prévoir un écrit pour ce type de contrat mentionnant notamment le poste, le lieu de chantier ou encore la durée prévisible de la mission du salarié sur le chantier (ce qui n’affecte pas la qualification de contrat à durée indéterminée du contrat de chantier, Cass. Soc, 7 mars 2007, JSL 2007, n° 212-4).
2- Après les ordonnances Macron
L’ordonnance prévoit que seule une convention ou un accord de branche étendu pourra mettre en œuvre des contrats de chantier ou d’opération. Cet accord doit alors définir les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à ce type de contrat.
Conformément aux dispositions du nouvel article L. 1223-9 du Code du travail, une liste de points devant être prévus dans l’accord est fixée :
– La taille des entreprises concernées ;
– Les activités concernées ;
– Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;
– Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés ;
– Les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;
– Les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se terme de manière anticipée.
Cette liste n’est pas limitative, il est tout à fait imaginable que d’autres mentions soient introduites dans l’accord mettant en place le CDI d’opération, telles qu’une durée minimale, ou encore une priorité de réembauche à l’issue de la mission etc.
De plus, conformément à l’article 40 de l’ordonnance n° 2017-1387, ces dispositions sont applicables aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance.
Enfin, à défaut d’accord de branche étendu, le contrat de chantier pourra être conclu dans les secteurs où son usage est reconnu comme habituel et conforme à l’exercice de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017 (Art L. 1223-8 alinéa 2 du Code du travail). Cela a pour but de permettre aux secteurs qui recouraient déjà à ce contrat, comme le secteur du BTP, de continuer à pouvoir conclure des CDI de chantier en application de leurs dispositions conventionnelles.
II- Les modalités de rupture du CDI de chantier
Le CDI de chantier a toujours eu pour particularité ses modalités de rupture, une fois le chantier ou l’opération terminé. Tout comme dans la première partie, nous reviendrons sur ce qui était applicable avant les ordonnances (1), puis sur ce qui en est aujourd’hui (2).
1- Avant les ordonnances Macron
Jusqu’à présent, la loi prévoyait que « le licenciement qui, à la fin d’un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de la profession, n’est pas soumis aux dispositions légales relatives au licenciement pour motif économique, sauf dérogations déterminées par convention ou accord collectif de travail. Ce licenciement est soumis aux dispositions relatives au licenciement pour motif personnel » (Ancien article L. 1236-8 du Code du travail).
En effet, la jurisprudence considérait qu’un tel licenciement relavait de la procédure du licenciement pour motif personnel (Cass. Soc, 4 octobre 1979, n° 77-41.755). De plus, la validité du licenciement prononcé en raison de la survenance de la fin d’un chantier était subordonnée à l’existence, dans le contrat de travail ou la lettre d’embauche, d’une clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés et à l’achèvement des tâches pour lesquelles le salarié a été embauché (Cass. Soc, 2 juin 2004, n° 01-46.891).
La durée effective du chantier importe peu. En effet, il est indifférent que la durée estimée du chantier ait été mentionnée au contrat et que cette durée ait été dépassée (Cass. Soc, 15 novembre 2006, n° 04-48.672). L’achèvement d’un chantier constitue une cause de licenciement si le contrat a été conclu pour la durée du chantier ; le contrat de travail peut être valablement rompu dès lors que les tâches pour lesquelles le salarié a été embauché sont terminées (Cass. Soc, 12 février 2002, n° 99-41.239).
Enfin l’employeur devait verser l’ensemble des indemnités de préavis, compensatrice de congés payés ainsi que de licenciement pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté.
2- Après les ordonnances Macron
L’article 30 de l’ordonnance n° 2017-1387 est revenu clairement sur l’objet de la rupture (a), la procédure à respecter (b) ainsi que sur les indemnités que l’employeur doit verser au salarié à la fin de son contrat (c).
a. L’objet de la rupture
Le contrat de chantier et d’opération est, par principe, un contrat à durée indéterminée, sauf s’il est conclu dans les cas de recours au contrat à durée déterminée prévus par la loi (Cass. Soc, 13 novembre 2008, n° 07-40.342). Sa durée et son terme sont incertains car liés à la durée de réalisation de l’objet du contrat. Il se termine lorsque le chantier ou l’opération pour lequel il a été conclu se réalise (fin du chantier, achèvement de l’opération …).
b. La procédure à respecter
Lorsque le salarié est titulaire d’un contrat de chantier ou d’opération, le licenciement « qui intervient à la fin du chantier ou une fois l’opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse » (Art L. 1236-8 du Code du travail). Ce licenciement relève de la procédure du licenciement individuel pour motif personnel. Cette disposition résultant de l’ordonnance Macron, rejoint la jurisprudence antérieure (Cass. Soc, 4 octobre 1979, n° 77-41.755 ; Cass. Crim, 4 janvier 1979, n° 77-92.639). Il conviendra de respecter la procédure prévue par les articles L. 1232-2 à L. 1232-6 du Code du travail : convocation à un entretien préalable, entretien préalable, notification du licenciement propre au licenciement pour motif personnel (Art L. 1236-8 du Code du travail).
L’employeur est également tenu de remettre au salarié un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi que l’attestation Pôle emploi.
c. Indemnités à verser
Comme auparavant, au moment de la rupture, l’employeur doit verser les salaires échus, l’indemnité de congés payés, ainsi que l’indemnité de licenciement.
Pour rappel enfin, la fin du contrat de chantier ou d’opération ne donne pas lieu au versement de prime de précarité, contrairement aux CDD ou contrat de travail temporaire.
Pauline PREPIN
Université de Saint Quentin en Yvelines
Juriste droit social au sein du Groupe Randstad France
1M. Virville, « Pour un Code du travail plus efficace », Rapport au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, 15 janvier 2004