Les armes nucléaires constituent un problème majeur d’insécurité mondiale. Or, la plupart des États conservent, modernisent et même renouvellent leurs arsenaux nucléaires. Les puissances nucléaires sont accusées de ne pas tenir leur engagement de poursuivre de bonne foi les négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire. En réaction, en juillet 2017, 122 États ont adopté un traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Il entrera en vigueur en fin d’année 2019 ou début 2020.
Une adoption bienvenue en matière de désarmement nucléaire
Le TIAN a été adopté le 7 juillet 2017 au siège des Nations Unies en vue d’interdire de manière totale l’emploi et l’usage des armes nucléaires dans le monde. Son entrée en vigueur s’effectuera 90 jours après le dépôt du cinquantième instrument de ratification. Il s’agit du premier accord multilatéral établissant un ensemble complet d’interdictions des armes nucléaires applicables à l’échelle mondiale. Autrement dit, il sera illégal pour les États parties d’entreprendre toute activité liée aux armes nucléaires. Son article 1 dispose « qu’il sera interdit en toutes circonstances de développer, tester, produire, fabriquer, acquérir, posséder ou stocker des armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs ». À l’heure actuelle, 71 États ont signé le TIAN et 25 l’ont ratifié. Il s’inscrit dans la continuité des traités interdisant les armes biologiques (1972), chimiques (1993), les mines antipersonnel (1999) et les armes à sous-munitions (2008).
Le TIAN contribue au respect du droit international humanitaire
Son adoption est la bienvenue à plusieurs raisons. Tout d’abord, elle permet de combler le vide juridique qui figurait dans le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). En effet, le TNP ne prévoyait aucune interdiction générale des armes nucléaires. Par exemple, le TNP autorisait la réalisation des explosions nucléaires à des conditions pacifiques. Jusqu’à présent, les armes nucléaires n’avaient pas fait l’objet d’un traité d’interdiction applicable au niveau mondial et auquel tous les États peuvent adhérer. Cette lacune a été comblée par l’adoption du TIAN. Par ailleurs, en matière de sécurité, des coopérations militaires pourraient être remises en cause pour les pays signataires, et pour ce qui est des industries, des campagnes de désinvestissement pourraient être organisées dans le cadre de ce nouvel outil juridiquement contraignant. En outre, le TIAN contribue au respect du droit international humanitaire. Le TIAN rappelle en préambule les risques majeurs associés à l’existence des armes nucléaires, les dommages inacceptables que causerait leur emploi et leur incompatibilité avec les règles du droit international humanitaire. Ainsi, l’adoption récente du traité d’interdiction rend le cadre juridique pour l’élimination des armes nucléaires plus ferme que jamais. Afin de mettre en œuvre et de respecter les dispositions du traité d’interdiction, chaque État partie devra adopter des mesures d’ordre légal, administratif et autre, y compris l’imposition de sanctions pénales, pour prévenir et réprimer toute violation commise par des personnes ou sur un territoire se trouvant sous sa juridiction ou sous son contrôle.
Un traité fortement critiqué par les États possesseurs de l’arme nucléaire
Si le TIAN a le mérite de réaffirmer un idéal qui semblait perdu, il ne comporte pas de mesures concrètes de nature à favoriser, à court terme, le désarmement nucléaire. Même s’il entre en vigueur, il ne s’appliquera qu’aux États parties au traité. Le traité d’interdiction ne conduira pas à une abolition rapide de l’arme nucléaire car ni les puissances dotées ni leurs alliés en Europe ou en Asie du Sud ratifieront le traité. En effet, le TIAN a fait l’objet de très nombreuses critiques de la part des États disposant de l’arme nucléaire ou soutenant une politique de dissuasion nucléaire. Les opposants du Traité estiment qu’il n’est pas réaliste, et qu’il exerce une concurrence nuisible avec le TNP. En outre, les puissances dotées redoutent que le TIAN ne conduise à établir une norme coutumière d’interdiction de l’arme nucléaire qui reviendrait à rendre la possession de l’arme illégitime et illégale, y compris pour les États qui ne sont pas parties au traité. À cette fin, l’entrée en vigueur du TIAN pourrait donner lieu à un retour de la question de la licéité de l’arme nucléaire devant la Cour internationale de justice (CIJ). Si cette démarche était lancée, une bataille juridique s’engagerait entre les États soutenant une politique de dissuasion nucléaire et ceux en faveur de son interdiction.
Jean-Yves André, étudiant en M1 droit international à l’université Paris-Nanterre
Pour aller plus loin :
Jean-Marie Collin, « Le Traité sur l’interdiction des arme nucléaires », Les rapports du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) 2018/9 – https://www.grip.org/
- Emmanuelle Maitre, « Le traité sur l’interdiction des armes nucléaires : vers une remise en cause des doctrines nucléaires ? », Fondation pour la recherche stratégique (FRS) – https://www.fstratégie.org/
- Assemblée Nationale, rapport n°1155 d’information de M. Michel Fanget et Jean-Paul Lecoq, « L’arme nucléaire dans le monde, 50 ans après l’adoption du Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) » – assemblee-nationale.fr/