L’épineuse question relative à l’existence d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’Hépatite B et l’apparition de la sclérose en plaque ne cesse de défrayer la chronique. Preuve en est faite avec la décision de la CJUE en date du 21 juin 2017.
Un débat toujours d’actualité
Le 21 juin 2017, la CJUE rend une décision qui a fait grand bruit traitant de la vaccination contre l’Hépatite B. On entendait alors que la CJUE aurait (enfin) reconnu le lien de causalité juridique entre la vaccination contre l’Hépatite B et l’apparition de la sclérose en plaques. Les plus sceptiques à l’encontre de la vaccination poussaient alors des cris de victoire et affirmaient que cela mettrait à mal le projet du gouvernement de faire porter l’obligation vaccinale sur 11 vaccins (au lieu de 3 actuellement). Pourtant il n’en est rien.
A l’heure actuelle rappelons que, scientifiquement aucun lien de causalité n’a jamais été reconnu. Toutes les études démontrent en effet une absence de corrélation statistique suffisamment significative permettant la reconnaissance d’un tel lien [1].
Juridiquement, la controverse est toujours en cours et divise les juges. Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris qu’aucun lien ne peut être établi en l’absence de preuves scientifiques. Toutefois, pour la Cour d’appel de Versailles, des indices graves, précis et concordants peuvent permettre la reconnaissance d’un lien de causalité juridique, assurant ainsi une indemnisation aux victimes. Quand à la Cour de Cassation, sa jurisprudence est également hésitante sur le sujet considérant parfois que la preuve du lien de causalité peut résulter de ces présomptions[2], ou exigeant que la victime apporte « la preuve de la participation du produit à la survenance du dommage »[3].
La décision de la CJUE en question:
C’est dans ces circonstances que la première chambre civile de la Cour de Cassation a décidé de saisir la CJUE de trois questions préjudicielles et pose une nouvelle pierre à l’édifice dans le cadre de l’interprétation de l’article 4 de la directive du 25 juillet 1985[4] relative aux produits défectueux[5].
Les questions préjudicielles:
Première question : l’article 4 de la directive précitée s’oppose t-il à un mode de preuve du lien de causalité via des présomptions graves, précises et concordantes nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit pas de lien entre la vaccination et la survenance de la maladie ?
Seconde question : En cas de réponse négative à la première question, l’article 4 de la directive précitée, s’oppose-t-il à un système de présomptions selon lequel l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices de causalité sont réunis ?
Troisième question : En cas de réponse affirmative à la question n° 1, l’article 4 de la directive, précitée, doit-il être interprété en ce sens que la preuve, à la charge de la victime, de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage par elle subit ne peut être considérée comme rapportée que si ce lien est établi de manière scientifique ? »
L’interprétation de la CJUE
La CJUE ayant répondu par l’affirmative à la première question, elle s’est donc intéressée à la troisième question préjudicielle. Selon la Cour, la directive ne s’oppose pas à l’élaboration par le juge national d’un système de preuve reposant sur des présomptions graves, précises et concordantes. La CJUE ne reconnait ainsi aucunement un éventuel lien de causalité entre la vaccination contre l’Hépatite B et l’apparition de la sclérose en plaques. Elle indique seulement aux Etats, qu’il n’est pas contraire à la directive relative aux produits défectueux d’aménager la preuve du lien de causalité par des présomptions dans le cas où la recherche médicale n’a pas établi de lien de causalité scientifique.
[1] Hernan M.A., Jick S.S., Olek M., Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis: a prospective study. Neurology 2004 ; 63 (5) : p. 838-842
[2] Civ. 1ère, 22 mai 2008, n° 05-10.593, n° 06-10.967, n° 06-14.962, et n° 06-18.848 ;
[3] Civ. 1ère, 9 juill. 2009, n° 08-11.073Civ. 1ère, 29 mai 2013, n° 12-20.903
[4] Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative aux produits défectueux
[5] L’article 4 précise que « La victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ».
Pour en savoir plus:
-Cour de justice de l’Union européenne, COMMUNIQUE DE PRESSE n°66/17 Luxembourg, 21 juin 2017.
-Thomas Coustet, Produits défectueux: l’incertitude scientifique peut s’effacer par présomption, 28 juin 2017.