Emprunter l’identité d’un autre peut revêtir des formes variées : usurpation, substitution ou encore « vol » d’identité. Il n’est pas permis de confondre ces notions car si le tiers dont l’identité est empruntée est la victime de l’usurpation, il est le premier complice d’une substitution. Toutefois, lorsque le tiers est décédé ou disparu, l’emprunt de son identité peut constituer un « vol » d’identité, notion criminologique et non juridique.
I. Usurpation : utilisation de l’identité d’autrui sans son consentement
Le terme « d’usurpation » dérive des termes latins usus et rapio, le premier signifiant usage et le second ravir. Or, ce dernier terme implique le fait de s’emparer par violence ou ruse. Usurper l’identité d’un autre, c’est donc faire usage de son identité sans son consentement.
L’usurpation d’identité est incriminée pour elle-même à l’article 226-4-1 du Code pénal depuis la loi du 14 mars 2011.
L’article 434-23 incrimine pour sa part, un cas spécial d’usurpation d’identité, lorsque celle-ci a été opérée dans « des circonstances qui auraient pu déterminer contre celui-ci (le tiers usurpé) des poursuites pénales ». Ainsi, cette usurpation doit être susceptible d’entraîner des poursuites pour le tiers usurpé, l’absence de cette éventualité étant exclusive de l’infraction comme l’a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mars 2006.
C’est l’hypothèse de l’automobiliste verbalisé qui décline une identité autre que la sienne, faisant alors porter les conséquences de la poursuite sur le tiers usurpé.
Mais parce que l’usurpation d’identité est avant tout un mensonge, elle peut être aussi réprimée par le biais de l’incrimination de faux de l’article 441-1 du Code pénal. Effectivement, la chambre criminelle de la Cour de cassation juge depuis un arrêt du 6 avril 1933 que « le faux par supposition de personnes n’est qu’une des formes du crime de faux ».
L’usurpation d’identité peut encore être poursuivie sur le fondement des dispositions de l’article 313-1 qui incriminent l’escroquerie. Effectivement, la première des quatre modalités de l’escroquerie consiste en l’usage d’un faux nom. Ainsi, dès lors que l’agent, au service de
l’escroquerie qu’il projette, utilise le nom d’un tiers pour se faire passer pour lui et que les autres éléments de l’infraction d’escroquerie sont constitués, il sera escroc parce qu’usurpateur.
II. Substitution : utilisation de l’identité d’autrui avec son consentement
A l’inverse du vocable d’usurpation, le terme de substitution est dépouillé de dimension frauduleuse. C’est un terme neutre qui signifie remplacer une chose par une autre. Une mise en comparaison des deux termes permet de conclure que lorsque le premier implique une utilisation en fraude des droits d’un tiers, le second s’opère avec le consentement du tiers, ce qui est une hypothèse radicalement différente puisque quand le tiers est la principale victime d’une usurpation, il est le premier complice d’une substitution.
Le législateur n’a pas prévu d’incrimination autonome de substitution d’identité comme il l’a fait pour l’usurpation d’identité. La raison en est simple : là où l’usurpation fait toujours une victime (le tiers usurpé), il n’en est pas de même de la substitution d’identité puisque le tiers consent à l’utilisation de son identité par l’auteur.
Ainsi, la substitution d’identité ne sera réprimée que lorsqu’elle est une modalité d’une autre infraction pénale ou disciplinaire, notamment le faux ou l’escroquerie. En effet, dans ces derniers cas, le consentement du tiers n’enlève rien au caractère mensonger de l’emprunt d’identité.
Toutefois, la question se pose de savoir si le tiers consentant à l’utilisation de son nom par l’agent encourt la répression. Une réponse affirmative est évidente puisque souvent l’acte réalisé par l’agent est fait en faveur de celui qui lui a prêté son identité (la fraude à l’examen profite au candidat qui donne son identité à l’auteur qui compose à sa place). Il en est même couramment l’instigateur.
En matière d’escroquerie par exemple, le tiers qui a consenti à ce que l’auteur se fasse passer pour lui peut être poursuivi pour complicité par fourniture de moyen, ledit moyen étant son propre nom. Néanmoins, on constate qu’il sera aisé pour le tiers de faire croire qu’il n’a jamais consenti à ce que l’auteur de l’escroquerie utilise son nom. Il échappe ainsi à la qualité de complice d’une substitution d’identité pour devenir, à l’inverse, la victime d’une usurpation d’identité !
III. « Vol » : utilisation de l’identité d’une personne décédée ou disparue
Le « vol » d’identité n’est pas un concept juridique mais plutôt une réalité criminologique. Il n’est donc pas puni pour lui-même. Il n’est d’ailleurs en aucun cas constitutif d’un vol au sens de l’article 311-1 du Code pénal.
Le « vol » d’identité consiste entre autre pour l’agent à se faire passer pour une personne morte (qu’il a peut être tué lui-même d’ailleurs) ou disparue. C’est l’exemple célèbre des fausses Anastasia ou encore de Jeanne des Armoises, prétendue Jeanne d’Arc.
Le « vol » d’identité peut également prendre une autre forme : l’agent qui souhaite disparaître se servira d’un cadavre pour faire croire qu’il s’agit du sien (en l’habillant de ses propres vêtements, en le défigurant, etc…), modalité que l’on retrouve surtout dans la littérature criminelle comme dans Le crime du golf d’Agatha Cristie.
Eliaz Le Moulec