Société conservatrice où l’homosexualité est considérée comme un tabou, la Tchétchénie fait parler d’elle. Des journalistes et des ONG dénoncent depuis ce début d’année des traitements inhumains infligés à la communauté homosexuelle. Le dirigeant tchétchène, Ramzan Kadyrov, est soupçonné de commandité les tortures et les meurtres.
Un « nettoyage préventif » contre les homosexuels
Le quotidien d’opposition russe, Novaïa Gazeta, a été le premier à révéler les faits début avril 2017. Il a en effet dénoncé la mise en place de prisons secrètes destinées à torturer et tuer des homosexuels. « Là-bas, on entend des cris et on subit des douleurs horribles. Même si ce n’est pas toi qu’ils sont en train d’électrocuter, entendre quelqu’un se faire torturer, c’est très dur ». Ce témoignage est celui d’un jeune tchétchène y ayant passé une semaine.
Depuis le mois de mars, une centaine d’hommes ont été emprisonnés dans ces prisons de manière illégale, tous âgés de 16 à 50 ans. Dès leur entrée dans les lieux, leurs téléphones portables sont confisqués dans le but de trouver des contacts qui seraient également homosexuels. Trois prisons ont déjà été identifiées dans d’anciennes bases militaires et usines désaffectées.
Plusieurs témoignages de victimes concordent : « ils torturent à l’électricité et privent de nourriture. Le soir, au lieu de jeter aux ordures leurs restes de nourriture, ils les jettent dans les cellules. Ce n’est pas pour nourrir les prisonniers. C’est pour les humilier, les voir se repaître de leurs restes, raconte l’un d’entre eux. Ils les mettent en rang et les forcent à s’inventer un prénom de femme… Certains gars auraient préféré qu’on les tue tout de suite plutôt que d’avoir à subir cela ».
L’implication des autorités tchétchènes
Novaïa Gazeta a révélé l’existence d’une grande opération de répression des homosexuels qui serait effectivement menée par les autorités étatiques.
La République tchétchène est constitutive de la Fédération de Russie. Ainsi, elle est soumise aux traités internationaux que signe le gouvernement russe. Entrée à l’Organisation des Nations Unies (ONU) en octobre 1945, la Russie est soumise au respect de la déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen (DUDHC), adoptée en 1948. Ainsi, la Tchétchénie y est également soumise.
Par ces persécutions, le gouvernement tchétchène viole la DUDHC qui prône l’égalité des êtres humains dans leurs droits et leur dignité en son article premier, ainsi que la sécurité en son article 3. L’article 5 dispose que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » Cet article est également violé par les autorités. L’atteinte à la vie privée peut également être invoquée (article 12 DUDHC) en ce sens que les autorités n’ont ni à juger de la sexualité d’un individu, ni à l’emprisonner pour cette raison.
La Russie est également membre du Conseil de l’Europe. Ainsi, elle est soumise à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Les autorités tchétchènes ont ainsi violé la CEDH en ses articles 3, prohibant la torture, 8, qui prône le respect à la vie privée et familiale, et 14 interdisant la discrimination.
La réaction de la Fédération russe
Les autorités russes ont informé le 26 mai 2017 le Conseil de l’Europe de l’envoi en Tchétchénie d’une mission chargée d’enquêter sur ces persécutions. Cette mission a été saluée par le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland. Depuis quelques temps, Vladimir Poutine semblait s’inquiéter du pouvoir grandissant du dirigeant tchétchène.
Angela Merkel, la chancelière fédérale allemande, a soulevé les faits lors de sa rencontre avec le Président russe. Un scandale international aurait peut-être poussé le Kremlin à envoyer une commission d’enquête à Grozny.
Lola Perez
Pour en savoir plus:
« Envoi d’une mission russe en Tchétchénie », Le Figaro, 26 mai 2017
« Comment la Tchétchénie a organisé le ‘ nettoyage préventif ’ des homosexuels », Les inRocks, 26 mai 2017
« ‘ Nettoyage préventif ’: la Tchétchénie accusée de torturer et de tuer les homosexuels dans des prisons secrètes », L’indépendant, 11 avril 2017