Remarquable illustration de l’actuel manque de stabilité de la loi fiscale, le doublement du taux d’imposition de la taxe sur les acquisitions de titres de capital ou assimilés – volet principal de la taxe sur les transactions financières – avant même son entrée en vigueur, le 1er août 2012, confirme aussi le volontarisme politique de la France dans l’instauration d’un impôt qui ne fait pas l’unanimité.
I. Le taux
Désormais établie au taux de 0,2 % de la valeur des titres, la taxe représenterait, selon les estimations, 1,6 milliards d’euros par année. Si cette nouvelle recette n’est pas négligeable en ces temps de disette budgétaire, elle reste, pour autant, très en deçà de ce qu’une « véritable » taxe assise sur les transactions financières pourrait apporter. Et pour cause, la Commission européenne estimait récemment, dans sa proposition de directive du 28 septembre 2011 [1], que l’instauration d’une taxe sur les transactions financières devrait générer près de 57 milliard d’euros par an à l’échelle de l’Union européenne.
Les raisons de ce rendement limité se trouvent pour l’essentiel dans des considérations politiques. En effet, en instaurant unilatéralement une taxe sur les transactions financières dans l’espoir de créer une dynamique au sein de l’Union, la France est aujourd’hui isolée. S’il est vrai que plusieurs partenaires européens, notamment l’Allemagne, soutiennent la création d’une taxe sur les transactions financières, ils s’en remettent pour l’instant au processus européen, dont l’aboutissement est incertain en raison de l’opposition de certains Etats membres, en particulier du Royaume-Uni. Seule une issue politique a minima, celle de la coopération renforcée entre neuf Etats membres, est d’ailleurs actuellement envisageable.
La France a donc fait un pari audacieux, mais risqué, son positionnement unilatéral au sein d’un marché intégré pouvant compromettre l’attractivité des sociétés françaises auprès des investisseurs. Aussi le législateur s’est-il montré très prudent dans la détermination des modalités d’assiette de la nouvelle taxe.
En premier lieu, la taxe ne frappe que l’acquisition à titre onéreux de titres de capital ou assimilés de sociétés françaises, admises sur un marché réglementé français, européen ou étranger, et dont la capitalisation boursière excède un milliards d’euros au 1er décembre de l’année précédant l’année d’imposition. À ce jour, l’administration fiscale a identifié un peu plus d’une centaine de sociétés répondant à ce critère pour le moins très restrictif [2].
L’assiette est en second lieu rétrécie par de multiples exonérations. Certes justifiées, dans certains cas, par des motifs économiques (risque de frapper des opérations non spéculatives) ou fiscaux (risque de double imposition), elles n’en restent pas moins une autre cause du faible rendement de la taxe. C’est la raison pour laquelle le projet de directive de la Commission européenne limite les cas d’exonération afin, d’une part, d’assurer un rendement optimum et, d’autre part, de réduire au minimum les risques de fraude, d’évasion ou d’abus.
L’efficacité fiscale de la – mal nommée ? – taxe sur les transactions financières française est donc limitée, au point de ne représenter que la moitié des recettes budgétaires de son équivalente outre-Manche, la Stamp Duty Reserve Tax. Il apparaît dès lors que seule une initiative européenne, au besoin entraînée par la France, est de nature à donner un véritable poids budgétaire à ce mode de taxation.
Stéphane Raison
Notes[1] Proposition de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE, (COM(2011) 594 final). [2] Arrêté du 12 juillet 2012, JORF n° 0163, p. 11566. |