« La pratique du sport est un droit de l’homme. Chaque individu doit avoir la possibilité de faire du sport sans discrimination d’aucune sorte et dans l’esprit olympique, qui exige la compréhension mutuelle, l’esprit d’amitié, de solidarité et de fair-play. »
La rencontre entre le sport et les libertés fondamentales est ainsi issue de la Charte Olympique où figurent les principes régissant l’ensemble du mouvement sportif : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Charte olympique doit être assurée sans discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
3 questions sur l’articulation entre sport et libertés fondamentales pour un aperçu des enjeux à soulever dans des dossiers de droit du sport.
Le sport constitue-t-il un droit fondamental ?
Si en France, le droit de pratiquer un sport ne constitue pas une liberté fondamentale[1], il existe néanmoins un principe de libre accès aux activités sportives consacré par le Conseil d’Etat comme principe général du droit[2].
L’Etat doit alors garantir le droit à la pratique du sport à tous niveaux. Tout individu doit pouvoir pratiquer l’activité sportive de son choix et être en mesure de participer à des compétitions, sans que puisse lui être opposé une incompatibilité ou un refus lié à sa situation sociale, son sexe, son âge, son origine ou son éventuel handicap.
Il revient donc aux institutions sportives, clubs et fédérations d’assurer un droit fondamental à la pratique du sport et de veiller au respect de ses valeurs et principes déontologiques que sont la laïcité, l’éthique ou l’égalité.
Le sport pourrait consituer un droit fondamental s’il était constitutionnellement garanti, comme c’est dans plusieurs pays européens, tels que le Portugal ou l’Esapgne dotés de constitutions plus récentes que celle française. Il revient à l’ensemble du mouvement sportif ainsi qu’au système juridique de diffuser les droits fondamentaux à travers les règlementations et jurisprudences sportives.
Comment sont appliquées les libertés fondamentales au sein du mouvement sportif ?
Le système juridictionnel sportif est spécifique dans la mesure où il est fondé sur une juridiction imposée aux athlètes, qui doivent se présenter devant le Tribunal Arbitral du Sport pour contester les décisions prises par leur fédération sportive. Ce recours imposé aux sportifs ne peut constituer une modalité d’exercice du droit au juge qu’à la condition d’une réelle indépendance de cette juridiction et l’assurance du respect des droits fondamentaux des athlètes. Dans les procédures à l’encontre des athlètes sont ainsi toujours avancées leurs libertés fondamentales, notamment le droit au respect de leur vie privée, la liberté de religion, le droit à l’image ou la liberté d’association. Les affaires sportives où les athlètes invoquent pour leur défense ces droits fondamentaux sont en particulier celles de dopage et de transferts de joueurs.
Par exemple, dans l’affaire opposant en 2013 le FC des Girondins de Bordeaux à la FIFA[3], fut reconnu qu’en vertu de la liberté de circulation des travailleurs, droit fondamental issu du droit communautaire, des joueurs mineurs entre 16 et 18 ans ayant la nationalité d’un Etat membre pouvaient faire l’objet d’un transfert international de club, malgré l’interdiction de principe des transferts de joueurs mineurs. Si l’ordre juridique sportif dispose d’une certaine autonomie, le droit de l’Union europénne contient toutefois plusieurs droits fondamentaux dont l’application s’impose au mouvement sportif : depuis le Traité de Lisbonne en 2009, le sport est une compétence de l’Union européenne et aucune dérogation à la liberté de circulation et de concurrence n’est admise.
L’importance des droits fondamentaux des sportifs sont tout autant reconnus au sein du système juridique national : Fabien Barthez avait ainsi obtenu la suppression d’un article de presse publié à son sujet, accompagné d’une photographie prise sans son accord, au motif que cette publication portait atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image[4].
Enfin, le mouvement sportif applique à bon escient l’ensemble des droits fondamentaux de la défense, comme stratégies de défense ou pour de réels arguments de fond dans des dossiers où la procédure paraît arbitraire envers les athlètes. On retrouve ainsi dans la plupart des décisions pour dopage la contestation du système de présomption de responsabilité (sanction automatique dès la présence d’une substance prohibée dans l’organisme) au moyen de la présomption d’innocence. La jurisprudence rejette pourtant de façon unanime cet argument. En effet, le système de présomption de responsabilité dans les cas de dopage est légal dans la mesure où il permet au sportif soupçonné de dopage de se libérer de sa responsabilité en apportant toute preuve contraire pour sa défense[5]. Autre droit de la défense invocable, le principe de proportionnalité des sanctions : le mouvement sportif admet la recevabilité de ce droit fondamental pour réviser à la baisse les lourdes sanctions infligées par les fédérations sportives. Maria Sharapova est ainsi parvenue à réduire sa sanction pour dopage de 24 à 15 mois en invoquant une sanction disproportionnée au reagrd de sa faute non significative, le meldonium détecté n’ayant pas été utilisé en vue d’améliorer ses performances[6].
Vers une prise en compte croissante des libertés fondamentales dans le sport ?
Depuis une dizaine d’années, avec l’impact des droits fondamentaux issus de l’ordrejuridique communautaire, le milieu sportif est réceptif aux libertés fondamentales devant être garanties auprès des athlètes. La France a récemment adopté une Loi sur l’éthique, la régulation et la transparence du sport[7] dans laquelle est consacré le droit à l’image pour les sportifs professionnels. Même si derrière cet arsenal législatif figure un objectif financier pour les joueurs, qui veront leur salaire distingué de leur redevance pour l’exploitation par leur club de leur image, cela illustre aussi une tendance vers la prise en compte croissante de la protection dont doivent bénéficier tous les sportifs. Au niveau de la lutte antidopage, un réel changement s’est opéré depuis la mise en place du passeport biologique : ce dispositif permet la traçabilité de toutes les performances de l’athlète au cours de sa carrière, révèlant ainsi indirectement les effets biologiques du dopage. Auparavant, était recherchée la substance au sein de l’organisme, via des contrôles inopinés dont l’efficacité était relative face au développement de produits masquants et substances dérivées. Désormais sont analysés tous les effets de la substance sur l’organisme de l’athlète. Si ce passeport biologique garantit davantage le principe d’éthique et de sincérité des compétitions sportives, il porte réellement atteinte au droit fondamental à la vie privée des sportifs, susceptibles d’être controlés tout au long de l’année, y compris hors compétition, tout en étant soumis à un système de localisation permanente.
Sport et libertés fondamentales sont articulés d’une façon délicate : d’une part les droits des athlètes sont davantage reconnus par le mouvement sportifs mais d’autre part ils sont soumis aux limitations issues d’une tendance générale vers la multiplication des dérives du sport professionnel.
Références :
[1] Conseil d’Etat, 22 octobre 2001, affaire Caillat.
[2] Conseil d’Etat, 16 mars 1984, affaire Broadie.
[3] Arbitrage TAS 2012/A/2862 FC Girondins de Bordeaux c/. Fédération Internationale de Football Association, sentence du 11 janvier 2013.
[4] Cour d’appel de Toulouse, chambre 3 section 1, 8 juillet 2004, affaire SA Hachette Filipacchi Associés c/. Barthez.
[5] Arbitrage TAS 92/63 Grundel c./ Fédération Equestre Internationale, sentence du 10 septembre 1992.
[6] Arbitrage TAS 2016/A/4643 Maria Sharapova c./ Fédération Internationale de Tennis, sentence du 30 septembre 2016.
[7] Loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et améliorer la compétitivité des clubs du 1er mars 2017.