Les “smart contracts” ou encore contrats intelligents constituent une innovation prometteuse portée par la technologie de la Blockchain. Chaque année, la Banque Mondiale dresse le classement « Doing Business ». Il se base sur de nombreux critères afin de donner une vision précise sur la facilité de faire des affaires dans chaque pays. Selon le classement 2017, la France se classe 18e dans la catégorie « exécution du contrat », 20e dans la catégorie « obtention d’un permis de construire » ou encore 100e en termes de « transfert de propriété ». En quoi les smart contracts peuvent renforcer l’attractivité du droit des contrats français ?
Qu’est ce qu’un smart contract ?
Les smart contracts ne sont pas des contrats à proprement parler. Il s’agit de procédés informatiques qui négocient ou encore vérifient l’exécution du contrat. Dans la pratique, ces procédés pourraient permettre d’éviter de passer par la case judiciaire afin que le contrat soit exécuté selon les termes convenus entre les parties.
La vie des affaires repose grandement sur la capacité des acteurs à conclure des contrats. Toutefois, encore faut-il que ces derniers puissent être exécutés. Les smart contracts peuvent s’avérer être de véritables facilitateurs en la matière. En effet, un smart contract est programmé sur une blockchain (telle que la blockchain Ethereum ou encore Bitcoin). Il s’agit de registres décentralisés permettant de valider des transactions s’opérant entre différents utilisateurs et d’en garder une preuve intangible. Ainsi, une fois l’opération effectuée, aucune partie à l’opération ou tiers ne pourra a posteriori venir falsifier la trace qui en sera gardée dans le registre. Les conditions contenues dans le “smart contract”, une fois remplies, déclencheront l’opération et la preuve sera conservée au sein d’une blockchain.
On comprend alors que les smart contracts peuvent rendre le droit des contrats français plus attractif et la vie des affaires plus fluide.
Les smart contracts : vers l’automatisation du transfert de propriété
En matière de transfert de droit de propriété, prenons l’exemple d’une vente conclue sous condition d’obtention d’un prêt. Il serait possible grâce aux smart contracts combinés à la technologie de la Blockchain d’assurer automatiquement le transfert de propriété du bien dès virement des fonds sur le compte bancaire du vendeur. Cette opération sera authentifiée par la Blockchain et il ne sera pas possible a posteriori de falsifier la date de réalisation de la condition. En cas de litige, l’acheteur disposera d’une preuve irréfutable de l’accomplissement de la condition. Pour le vendeur, en cas d’obtention du prêt hors du délai convenu, il sera lancée une procédure de refus par le smart contract. Le non accomplissement de la condition sera certifié par la Blockchain, ainsi le vendeur pourra se voir défait de son obligation de vente. Le contentieux en la matière pourrait de ce fait se raréfier. On comprend alors l’intérêt que les smart contracts représentent. Ils sont un véritable vecteur de fluidité et peuvent permettre à l’économie française de grimper dans le classement.
Cependant, il est nécessaire que le législateur admette le recours à la technologie de la blockchain en tant que mode de preuves par excellence devant les juridictions françaises.
Les smart contracts : un gain de temps dans les procédures administratives
En termes d’obtention de permis de construire la France pourrait également progresser. Il serait possible de regrouper dans une même base de données les informations d’un PLU (Plan local d’urbanisme) ainsi que les règles d’urbanisme traduites en langage informatique. Le demandeur se devra quant à lui de remplir un dossier standardisé. Le smart contract confrontera les données réglementaires au dossier de demande afin d’accorder ou non. Le résultat serait de réduire le délai actuel d’obtention du permis de deux mois à une seconde.
Les smart contracts : le renouveau de la force obligatoire du contrat
Enfin, les smart contracts pourraient redonner sens à la notion de force obligatoire du contrat. Dans le cadre d’une relation contractuelle, ces protocoles informatiques permettraient à la moindre échéance impayée de priver le débiteur de la jouissance du bien faisant l’objet du contrat. Par exemple, dans un contrat de location de téléphone mobile, un smart contract rendrait possible au moindre impayé de loyer de couper le logiciel de l’appareil. Une telle application peut s’avérer des plus efficaces.
À l’heure actuelle, le statut juridique des smart contracts reste incertain en France tandis qu’aux Etats-unis l’Arizona a reconnu aux smart contracts le même statut juridique que leurs équivalents papier. Cependant, le cadre juridique actuel pourrait dans certains cas permettre de donner aux smart contracts valeur contractuelle. En effet, dans les situations où le smart contract répond aux conditions de validité posées par l’article 1128 du code civil (à savoir le consentement et la capacité de contracter des parties ainsi qu’un contenu licite et certain ), il est fort probable que le juge lui reconnaisse la qualification juridique de contrat. Cela est la conséquence du principe communautaire de neutralité technologique issu de la directive 2000/31/CE. Quasiment tout semble prêt afin que les smart contracts donnent un nouveau souffle à la vie des affaires en France.
Par Bastien Bernard et Seguy Goudjogandaga, étudiants au sein du Magistère juriste d’affaires franco-britannique de l’université de Rennes 1 et de l’université d’Exeter.