Le 2 janvier 2017, des policiers birmans ont été arrêtés à la suite de violences commises sur les Rohingyas au mois d’octobre 2016, minorité ethnique de confession musulmane vivant principalement dans l’État Rakhine en Birmanie, pays majoritairement bouddhiste.
Ce peuple est, depuis la seconde moitié du XXe siècle, la cible de politiques discriminatoires et restrictives de libertés qui se sont notamment concrétisées lors de l’arrivée au pouvoir du dictateur Ne Win en 1962. En effet, les Rohingyas ont été privés en 1982 de la nationalité birmane et se retrouvent donc avec le statut d’apatrides. Depuis 2012, un « nettoyage ethnique » a été engagé par le gouvernement contre la minorité.
De la discrimination au génocide
Depuis 1948, date de l’indépendance de la Birmanie, les Rohingyas font face à une discrimination constante et grandissante. Apatrides, privés de l’accès aux soins, à l’éducation et au travail, ce peuple est « le plus persécuté du monde » selon l’Organisation des Nations Unies (ONU). Plusieurs viols, tortures, meurtres et violences leur ont été infligés lors d’« opérations de nettoyage » commanditées par le gouvernement. Les Rohingyas sont également contraints au travail forcé de la part des autorités locales, se voient confisquer leurs terres et détruire leurs maisons.
A la suite des exactions commises par les birmans, 22 000 Rohingyas ont passé la frontière du Bangladesh dans l’espoir d’échapper aux violences qui leurs sont faites. Cependant, la première ministre du pays d’accueil, Sheikh Hasina, a déclaré en décembre 2016 que son pays « ne peut pas ouvrir ses portes à des vagues de migrants » mais qu’il était prêt à aider les réfugiés déjà présents.
La violation de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
En adhérant à l’Organisation des Nations Unies le 19 avril 1948, la Birmanie a accepté de se soumettre aux dispositions de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH). La charte a pour but de protéger certaines libertés fondamentales et définir les droits devant s’appliquer de manière égale à tous les êtres humains, quelle que soit leur nationalité, leur religion, leur apparence physique ou leur mode de vie.
Au vu des violences faites à l’égard des Rohingyas, la Birmanie a violé l’article 3 de la DUDH qui dispose que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne », et l’article 5 qui assure que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
La loi birmane de 1982 viole également les articles 15 et 26 de la DUDH qui régissent respectivement le droit à une nationalité et le droit à l’éducation.
Une réaction internationale tardive
En mai 2004, Amnesty International a rendu un rapport se fondant sur une cinquantaine de témoignages reçus de Rohingyas au cours de l’année précédente et « d’autres sources fiables et crédibles ». Par le biais de ce rapport, l’organisation recommande au SPDC (Conseil d’État pour la paix et le développement) « d’amender ou d’abroger les lois sur la citoyenneté très restrictives, afin qu’elles ne soient pas discriminatoires à l’égard de groupes ethniques ». Le SPDC a tout de même continué de considérer que les Rohingyas ne faisaient pas partie des 135 « races nationales », et qu’ils étaient entendus comme résidents permanents. De ce fait, le Conseil considère qu’ils n’ont aucun droit sur le territoire birman. Tout comme Amnesty international, Médecins Sans Frontières, Action Contre la Faim et Solidarité Internationale agissent pour apporter à la minorité les soins dont elle a été privée.
Le 7 juillet 2016, le Parlement européen a appelé la Birmanie à mettre un terme à la « répression brutale » et aux « persécutions systématiques ». Cependant, aucune mesure concrète n’a été engagée de la part de l’Union Européenne.
Ce n’est qu’en novembre 2016 que l’ONU accuse la Birmanie de « crime contre l’Humanité et génocide sur les Rohingyas ». Depuis lors, onze lauréats du Prix Nobel ont demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies de mener des actions pour empêcher et en finir avec cette « tragédie humaine ». Plusieurs réactions ont vu le jour venant aussi bien de chefs d’États voisins que d’organisations non gouvernementales.
Le premier ministre malaisien a notamment dénoncé un « génocide » de la population musulmane et a demandé à Aung San Suu Kyi, la Présidente birmane, d’agir. Le commissaire aux droits de l’Homme des Nations unies, Zeid Ra’ad Al-Hussein, a qualifié la réaction du gouvernement birman comme étant « irréfléchie, contre-productive et insensible ».
La Présidente birmane, ayant reçu le Prix Nobel de la Paix en 1991, est restée pendant longtemps silencieuse face aux accusations et a dans un premier temps demandé à la communauté internationale de cesser de nourrir les « feux du ressentiment », estimant que la situation était « sous contrôle ». Cependant, début janvier 2017, Aung San Suu Kyi est sortie de son silence. A la suite de la publication d’une vidéo le 5 novembre dernier montrant des policiers birmans frapper violemment et indignement des Rohingyas, la dirigeante a annoncé que « d’autres enquêtes sont en cours pour mettre fin aux agissements d’autres policiers qui auraient frappé des villageois lors de cette opération ».
Malgré les accusations et avertissements reçus de la part d’autorités internationales, aucune sanction n’a encore été prononcée à l’encontre du gouvernement birman.
L’absence de sanction pénale internationale
Depuis le commencement des violences, l’État birman n’a jamais été sanctionné, que ce soit devant la Cour Pénale Internationale ou la Cour Internationale de Justice.
Le 24 août 2016, Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU, a accepté la mission confiée par la Présidente birmane. Il préside désormais le comité chargé de « trouver des solutions durables aux problèmes complexes et délicats dans l’État de Rakhine ». De par ce comité, une justice internationale aurait pu être envisagée et actionnée. Cependant, le comité est en réalité un comité consultatif, Kofi Annan étant chargé de « conseiller » Aung San Suu Kyi sur la situation des Rohingyas. Les recommandations du comité ne sont donc pas contraignantes.
Le 4 janvier 2017, le gouvernement birman a refusé l’ouverture d’une enquête internationale.
La situation des Rohingyas reste aujourd’hui très peu connue des citoyens du monde. Afin de sensibiliser l’opinion publique internationale, une plus forte médiatisation du sujet serait favorable. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir comment mobiliser la communauté internationale afin que la justice condamne les acteurs des ces atrocités et empêche toute récidive.
Lola Perez
Pour aller plus loin :
Rapport d’Amnesty International, Myanmar, La minorité Rohingya : déni des droits fondamentaux datant du 16 mai 2004 – Index AI : ASA 16/005/2004
Le Monde, Birmanie : 22 000 Rohingyas sont entrés au Bangladesh en une semaine, article du 9 janvier 2017
Centre d’Actualités de l’ONU, Myanmar : un rapport de l’ONU dénonce des violations graves des droits humains contre les Rohingyas