À la suite du veto posé le 28 octobre dernier par la CFDT et la CGT sur le retour des 39 heures chez Smart, un focus sur la véritable portée des référendums en entreprise semble être nécessaire.
Actuellement très médiatisé, le référendum en droit du travail est représenté comme une véritable arme à destination des salariés. Toutefois, il est important de replacer ce dispositif dans son contexte légal et d’envisager un éventuel avenir pour le référendum en tant qu’outil normatif.
Le référendum et son contexte légal
Bien que cette méthode soit mise en avant ces derniers temps dans la presse, la législation limite les cas de recours au référendum en entreprise. La principale utilisation du référendum en entreprise consiste à approuver un accord collectif. Les cas de recours au référendum normatif sont énoncés aux articles L 2242-14 à L 2232-24 du Code du travail. Ainsi, le référendum a une réelle portée juridique en cas d’absence de délégué syndical dans les entreprises comptant plus de 200 salariés et en cas d’absence de délégué syndical et d’élu dans une entreprise, peu importe l’effectif de celle-ci. Dans ce type de situation, les salariés approuvent l’accord d’entreprise par l’intermédiaire du référendum.
Par ailleurs, la consultation des salariés par voie référendaire possède une valeur juridique dans certains domaines limitativement énumérés par le Code du travail. Tel est le cas des plans d’intéressements, des plans de participation, des plans d’épargne salariale, en matière de prévoyance, de dérogation temporaire au repos dominical ou encore en matière de régime de retraite complémentaire.
En outre, la loi Rebsamen du 17 août 2015 permet à des élus du personnel mandatés par une organisation syndicale de conclure seuls un accord avec la direction. Cet accord devra ensuite être légitimé par un référendum. Cette nouvelle disposition démontre l’utilisation croissante du référendum comme instrument de légitimation
Toutefois, il n’est pas exclu que le référendum puisse être utilisé en tant qu’outil consultatif. C’est d’ailleurs l’usage qui en est fait par des entreprises comme Smart et Sephora. Ces référendums ont été très médiatisés mais, en réalité, sans l’aval des syndicats, ils n’ont pas de valeur juridique. Le récent véto posé par la CFDT et la CGT chez Smart en est la preuve. En effet, ces syndicats représentatifs majoritaires, réunissant 53 % des suffrages aux élections professionnelles, se sont opposés au retour des 39 heures au sein de l’entreprise, quand bien même un référendum interne du 11 septembre 2015 montrait que plus de 56 % des salariés y étaient favorables.
L’avenir du référendum : outil de concurrence face à l’accord collectif ?
Ainsi, en droit du travail, le référendum va souvent de pair avec l’accord collectif, intervenant comme un simple appui qui vient légitimer ce dernier. Toutefois, avec la multiplication du recours au référendum consultatif, à l’instar de General Motors en 2011 et Sephora et Smart en cette rentrée 2015, il est légitime de se questionner sur le futur du référendum dans le paysage du droit du travail et sur la question de son émancipation en tant qu’outil légal de démocratie participative au sein de l’entreprise.
À l’avenir, le référendum pourrait peut-être venir concurrencer l’accord collectif. Plusieurs entités militent en la faveur d’une généralisation de l’utilisation du référendum, notamment en cas de blocage de la négociation collective. C’est le cas de l’Institution Montaigne, think tank libéral, dans son dernier rapport publié en septembre 2015 « sauver le dialogue social ». Néanmoins, l’autonomisation du référendum ne semble pas être une priorité de la réforme du droit du travail. Le Président de la République a exprimé certaines réserves à propos de ce type de méthode lors de la dernière conférence sociale, craignant notamment des pressions dans l’entreprise.
Ainsi, l’affaire du référendum chez Smart prouve, encore une fois, la suprématie de l’accord collectif, et renvoie le référendum à son rang consultatif.
Léa Dubois