Les résultats (I) des élections professionnelles (publiés le 29 mars 2013 ) donnent corps à la représentativité démontrée des organisations syndicales mise en place par la loi du 20 août 2008. Ils présentent des conséquences théoriques et pratiques (II) dans le droit des relations collectives.
I – Les résultats
La loi du 20 août 2008 a modifié les conditions de représentativité des organisations syndicales sur le plan national. Cette représentativité démontrée s’inscrit plus largement dans la perspective d’une promotion du dialogue social, consacré à l’article L1 du Code du travail « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation. »
Désormais, l’article L2122-9 du Code du travail dispose que seules sont représentatives les organisations syndicales qui « Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l’addition au niveau national et interprofessionnel des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel […] ».
C’est le résultat de ces élections qui a été proclamé le 29 mars dernier par le Ministère du travail. Les organisations syndicales ont ainsi respectivement obtenu les résultats suivants : la CGT (26,77%), la CFDT (26 %), FO (15,94 %), la CFE-CGC (9,43 %), la CFTC (9,30 %), autres (12,56%).
Le « poids relatif » (c’est-à-dire le score électoral obtenu en ne retenant que les organisations syndicales ayant obtenu plus de 8% des suffrages) de ces mêmes organisations syndicales est le suivant : CGT (30,62%), CFDT (29,74%), CGT-FO (18,23%), CFTC (10,63%) et CGE-CGC (10,78%).
II – Les conséquences
Les élections professionnelles ont un impact sur la représentativité des organisations syndicales, ce qui influence leur capacité à négocier.
– La représentativité
Les résultats des élections professionnelles agissent directement sur la représentativité des organisations syndicales. Malgré le maintien d’une situation ancienne, des conséquences nouvelles apparaissent par l’application des dispositions de la loi du 20 août 2008.
Les organisations syndicales qui bénéficiaient, sous l’empire de l’arrêté de 1966, d’une représentativité présumée, demeurent représentatives au regard des dispositions de la loi du 20 août 2008. Le paysage syndical n’est donc pas bouleversé.
Selon les chiffres du Ministère du Travail, « 5 456 527 salariés se sont exprimés en faveur des organisations syndicales de leur choix ». La représentativité des organisations syndicales est donc assise sur une base relativement large, et ce malgré une abstention massive lors des élections professionnelles au sein des TPE (environ 90% d’abstention).
Cette représentativité au niveau national produit des effets au niveau des entreprises.
Ainsi, en vertu de l’article L2142-1 du Code du travail, « chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel » « peut constituer au sein de l’entreprise une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres »
De même, sont invités par courrier à négocier le protocole d’accord préélectoral les « organisations syndicales affiliées à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ».
La reconnaissance de la représentativité des confédérations nationales pour les organisations syndicales qui leur assurent la possibilité de s’implanter au sein des entreprises. Si la faculté de négocier reste dépendante des résultats du premier tour des élections professionnelles, la présence et la visibilité des syndicats sont facilitées par cette affiliation.
– La faculté de négocier
L’article L2232-2 du Code du travail énonce que : « La validité d’un accord interprofessionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli […] au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants. »
La conséquence principale des dernières élections professionnelles est bien sûr la reconnaissance pour les cinq grandes confédérations de leur capacité à négocier et conclure des accords nationaux et interprofessionnels. Cette faculté concerne entre autres les conventions d’assurance chômage, les conventions AGIRC/ARRCO, les accords nationaux transposant les accords européens conclus par les organisations syndicales européennes auxquelles sont affiliées les cinq grandes confédérations… Le champ d’application du droit à la négociation collective est extrêmement large, ceci étant dû aux efforts constants des législateurs nationaux et européens afin d’assoir une véritable démocratie sociale.
On observe que seule la CGT obtient la faculté de négocier seule un accord national interprofessionnel (elle seule dépassant le seuil nécessaire des 30% de suffrages exprimés en poids relatif). A l’inverse, les autres organisations syndicales devront s’entendre sur les termes d’un accord pour que celui-ci soit valide.
De même, aucune organisation syndicale ne possède seule la faculté de s’opposer à la conclusion d’un accord collectif. Le seuil des 50% des suffrages exprimés ne pourra être réuni que par alliance des organisations syndicales.
On peut par ailleurs relever que l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, conclu côté salarial par la CFTC, la CFTD et la CFE-CGC, obtient la majorité nécessaire à sa validité. Les deux syndicats n’ayant pas signé l’accord (la CGT et la CGT-FO) n’étant pas parvenu à satisfaire les conditions pour s’y opposer. S’il était de toute manière trop tard pour contester la validité de cet accord, ces résultats renforcent cependant sa légitimité, qui doit désormais recevoir transposition législative…
Timothée Cicerchia & Aurélie Courteville
Etudiants en Master I Droit Social, Université Paris-II Panthéon-Assas
Pour en savoir plus :
Résultats des élections professionnelles: http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Audience_et_poids_relatif.pdf
Résultats des élections TPE : http://clesdusocial.com/france/documents/elections-tpe.pdf
Page du Ministère du travail consacré aux élections professionnelles et à la mesure de la représentativité syndicale : http://travail-emploi.gouv.fr/actualite-presse,42/breves,2137/mesure-d-audience-de-la,16109.html