Report de la date d’entrée en vigueur de la directive sur la distribution des assurances

La directive portant sur la distribution d’assurance (DDA) a été adoptée par le Parlement et le Conseil européen le 20 janvier 2016 (1) . Elle abrogera, lors de son entrée en vigueur la directive UE 2002/92/CE sur l’intermédiation en assurance (DIA) du 9 décembre 2002 (2).

Il était initialement prévu que la directive sur la distribution d’assurance entre en vigueur le 23 février 2018.
Toutefois, plusieurs Etats membres de l’Union Européenne, dont la France, ont demandé un report de l’entrée en application de la directive en invoquant des difficultés à transposer la directive dans les délais.
Le Parlement Européen a ainsi demandé à la commissiond’adopter une proposition législative fixant la date de mise en application de la DDA au 1er octobre 2018 (3).
Le 20 décembre 2017 une Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil, modifiant la directive (UE) 2016/97, a fixé la date de transposition de la directive au 1er octobre 2018.
La DDA aura un champ d’application plus large que celui de la directive sur l’intermédiation en assurance de 2002. (I).
De plus, la DDA renforce la protection des consommateurs en modifiant en profondeur la pratique de la distribution d’assurance à travers différentes obligations que devront respecter les entreprises d’assurance, les intermédiaires qui conçoivent des produits d’assurance, et les distributeurs de produits d’assurance (II).
Elle prévoit également des sanctions qui seront prononcées par les Etats membres en cas de non-respect de ses dispositions (III).

I – Le champ d’application de la directive

La directive 2016/97 s’appliquera à toute personne physique ou morale, qui est établie sur le territoire d’un Etat membre de l’Union Européenne, pour exercer des activités de distribution de produits d’assurance et de réassurance (4) .
La distribution de produit d’assurance consiste selon la directive « à fournir des conseils sur des contrats d’assurance, à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion, à conclure de tels contrats, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre. (5) »
Le champ d’application de la directive présente une nouveauté majeure par rapport à la directive 2002/92, puisqu’elle n’a plus vocation à s’appliquer uniquement aux intermédiaires, mais aussi aux assureurs et aux distributeurs de produits d’assurance dans le cadre des activités consistants à proposer, conclure, gérer et exécuter des contrats d’assurance.
Les intermédiaires en assurance et réassurance sont « toute personne physique ou morale autre qu’une entreprise d’assurance ou de réassurance, (…) et autre qu’un intermédiaire d’assurance à titre accessoire, qui, contre rémunération, accède à l’activité de distribution d’assurances ou de réassurance, ou l’exerce » (6). Les agents généraux et les courtiers sont, par exemple des intermédiaires en assurance.
Les assureurs sont les entreprises soumises au Code des assurances, qui couvrent « sous forme d’assurance directe » (7) des risques pour lesquelles elles ont été habilitées par l’Autorité de contrôle et de résolution prudentielle (8) (ACPR). À titre d’exemple, une entreprise qui souhaite réaliser des opérations d’assurance comportant des engagements dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine devra obtenir l’agrément administratif pour la branche n°20 « vie-décès ».

Enfin, les distributeurs sont déterminés par la directive comme les personnes exerçant « toute activité consistant à fournir des conseils sur des contrats d’assurance, à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion, à conclure de tels contrats, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre. (9) » À titre d’exemple, les courtiers en assurance sont des distributeurs de produits d’assurance.

II – Les obligations imposées par la directive aux entreprises

d’assurance, intermédiaires qui conçoivent des produits d’assurance et distributeurs de produits d’assurance
La DDA impose aux entreprises d’assurance ainsi qu’aux intermédiaires qui conçoivent des produits d’assurance des règles de surveillance des produits et des exigences en matière de gouvernance, dès la conception des produits d’assurance (A). De plus, un certain nombre d’obligations vont s’imposer aux distributeurs de produits d’assurance (B).

A–Règles de surveillance des produits d’assurance et exigences en matière de gouvernance

La gouvernance d’un produit d’assurance consiste pour les entreprises d’assurances et les intermédiaires qui conçoivent des produits d’assurance à « maintenir, appliquer et réviser un processus de validation de chaque produit d’assurance » (10).
La surveillance d’un produit consiste pour les entreprises d’assurance et les intermédiaires qui conçoivent des produits d’assurance, à s’assurer que les produits qu’ils créent et/ou commercialisent respectent toujours les exigences de la directive.
Les dispositions de la directive sur la distribution des assurances érigent comme pierre angulaire de la directive, la prise en compte des besoins et des intérêts du client dès la conception du produit, et cela jusqu’à l’arrêt de sa commercialisation.
Ainsi, l’article 25 de la directive sur la distribution des assurances intitulé « surveillance des produits et exigences en matière de gouvernance », dispose que « les entreprises d’assurance, ainsi que les intermédiaires qui conçoivent des produits d’assurance destinées à la vente clients, maintiennent, appliquent et révisent un processus de validation de chaque produit d’assurance ” (11).
La directive imposera également de suivre ce processus en cas “d’adaptations significatives apportées à un produit d’assurance».
Comme le précise la directive, le processus doit être appliqué aux produits nouvellement créés (13) ainsi qu’aux produits existants en cas « d’adaptations significatives » des produits. L’Autorité de contrôle prudentiel a précisé lors de sa conférence du 22 novembre 2017 (14) que par modifications significatives du produit, il fallait entendre une modification du « contenu du produit ».
La DDA prévoit que les assureurs et les intermédiaires qui conçoivent des produits d’assurance, devront également déterminer “un marché cible défini pour chaque produit » avant toute commercialisation du produit d’assurance. Une fois le produit conçu « la stratégie de distribution [devra convenir] au marché cible » (15) .
Les assureurs et les intermédiaires, qui conçoivent des produits d’assurance, devront engager une phase de test avant commercialisation. Cependant, la directive ne précise pas comment tester un produit d’assurance sans pouvoir le commercialiser. Si cette phase de test est concluante, alors les entreprises d’assurance et les intermédiaires qui conçoivent des produits d’assurances pourront commercialiser leur produit. Afin de s’assurer du respect de cette obligation, les entreprises et intermédiaire d’assurance devront « mettre à la disposition des distributeurs tous les renseignements utiles sur le produit d’assurance et sur le processus de validation du produit (16) ».
Toutefois, « l’entreprise d’assurance [devra réexaminer] régulièrement les produits d’assurance qu’elle propose ou commercialise, en tenant compte de tout événement qui pourrait influer sensiblement sur le risque pesant sur le marché cible, afin d’évaluer si le produit continue de correspondre aux besoins du marché cible et si la stratégie de distribution prévue demeure appropriée » (17).

B- Les autres obligations imposées aux concepteurs et distributeurs

Parmi les obligations imposées par la DDA, seront ici développées les obligations professionnelles et organisationnelles (1), les obligations concernant les rémunérations des distributeurs, les mesures permettant d’éviter les conflits d’intérêts (2), ainsi que le devoir de conseil et l’Insurance Product Information Document (PID)(3).

1- Obligations professionnelles et organisationnelles
L’article 10 de la directive sur la distribution d’assurances dispose que « les États membres […] veillent à ce que les distributeurs de produits d’assurance et de réassurance […] possèdent les connaissances et aptitudes appropriées leur permettant de mener à bien leurs missions et de satisfaire à leurs obligations de manière adéquate » (18).
Concernant les intermédiaires d’assurance « les États membres […] veillent à ce que les intermédiaires d’assurance et de réassurance (…) respectent les exigences en matière de formation et de développement professionnels continus, afin de maintenir un niveau de performance adéquat correspondant à la fonction qu’ils occupent et au marché concerné » (19) .
En pratique, les Etats membres devront prévoir des mécanismes imposants, aux distributeurs et aux intermédiaires d’assurance, le suivit d’une formation ou d’un développement (20). Les détails du programme minimal de formation se trouvent dans l’annexe I de la directive qui distingue les risques non-vie, les produits d’investissement fondés sur l’assurance et les risques vie (21).

2 – Rémunération des distributeurs et conflits d’intérêts

La directive sur l’intermédiation en assurance imposait la divulgation de la rémunération et des avantages monétaires sur simple demande du client, et pour les contrats dont les primes étaient supérieures à vingt mille euros par an (22) .
L’article 17 de la directive 2016/97 dispose que “les États membres veillent à ce que, lorsqu’ils exercent une activité de distribution d’assurances, les distributeurs de produits d’assurance agissent toujours de manière honnête, impartiale et professionnelle, et ce au mieux des intérêts de leurs clients” (23) .
L’article précise par la suite que “Les États membres veillent à ce que les distributeurs de produits d’assurance ne soient pas rémunérés ou ne rémunèrent pas ni n’évaluent les performances de leur personnel d’une façon qui aille à l’encontre de leur obligation d’agir au mieux des intérêts de leurs clients (24).
« Un distributeur de produits d’assurance ne prend en particulier aucune disposition sous forme de rémunération, d’objectifs de vente ou autre qui pourrait l’encourager, ou encourager son personnel, à recommander un produit d’assurance particulier à un client alors que le distributeur de produits d’assurance pourrait proposer un autre produit d’assurance qui correspondrait mieux aux besoins du client » .
La directive interdit donc les formes de rémunérations qui pourraient inciter le distributeur à agir de manière malhonnête, partiale et non professionnelle.
L’assureur ou l’intermédiaire qui conçoit de produits d’assurance devra, de ce fait, s’intéresser aux méthodes de rémunérations utilisées par ses distributeurs. L’appréciation et la rétribution des performances des distributeurs ne devront pas être définies d’une manière portant atteinte aux intérêts du client.
Pour autant au cours de la conférence ACPR du 22 novembre 2017, il a été précisé que cela ne signifie pas la fin des rémunérations variables, ni même des objectifs quantitatifs pour les distributeurs. Un salarié ou un distributeur lié par une clause d’exclusivité avec son fournisseur pourra être rémunéré en fonction d’un volume d’affaires ou de chiffre d’affaires. Mais cela ne doit pas conduire à privilégier un contrat, un produit ou un fournisseur plutôt qu’un autre, même si en pratique il sera difficile de le prouver.
Cependant, concernant les relations entre deux entités, comme un concepteur et un distributeur, non liées par une clause d’exclusivité, ou les relations entre deux distributeurs, les critères de rémunérations des distributeurs devront reposer sur des critères qualitatifs. En d’autres termes le distributeur sera mieux rémunéré s’il vend des produits adaptés à sa clientèle. De plus, la directive sur la distribution d’assurance prévoit des dispositions dont l’objectif est de prévenir les éventuels conflits d’intérêts.
L’article 28 de la directive 2016/97 dispose ainsi que “Les États membres veillent à ce que les intermédiaires et entreprises d’assurance prennent toutes les mesures appropriées pour détecter les conflits d’intérêts se posant entre eux-mêmes, y compris leurs dirigeants et leur personnel, ou toute personne directement ou indirectement liée à eux par une relation de contrôle, et leurs clients ou entre deux clients, lors de l’exercice d’activités de distribution d’assurances” (25) .
Pour pouvoir parvenir à cet objectif, il est prévu à l’article 19 de la directive 2016/97 que “ les États membres veillent à ce que, en temps utile avant la conclusion d’un contrat d’assurance, une entreprise d’assurance informe son client de la nature de la rémunération perçue par son personnel dans le cadre du contrat d’assurance” (26) .
À travers cet article le législateur européen impose une nouvelle obligation d’information précontractuelle pour les organismes assureurs, qui devront informer les clients de la manière dont sont rémunérés leurs salariés ou les intermédiaires d’un produit d’assurance.

3- Devoir de conseil et l’Insurance Product Information Document (PID)

Le devoir de conseil prévu dans la DDA est formalisé par la production d’un document d’information standardisé, nommé “Product Information Document”(PID). Ce document synthétique permet de faciliter la compréhension de l’information précontractuelle par les consommateurs et donc de comparer simplement les produits d’assurance non-vie. En revanche, les contrats collectifs obligatoires n’auront pas à faire l’objet de l’élaboration d’un tel document.

Les septièmement et huitièmement de l’article 20 de la directive de distribution d’assurances traitent du fond, et de la forme de ce document. Il est notamment prévu que le document doit être “succinct et autonome”, être “ présenté et mis en page d’une manière claire et facile à lire, avec des caractères d’une taille lisible”; être “exact et non trompeur”, et enfin “comprendre une mention indiquant que des informations précontractuelles et contractuelles sur le produit sont fournies dans d’autres documents” (27) .
Dans le but d’améliorer la lisibilité des produits et faciliter la compréhension pour le client, les organismes assureurs devront élaborer ce document en respectant strictement la forme prévue par la directive. Le document ne sera pas personnalisable en fonction des organismes, ces derniers devront donc respecter le code couleur et les icônes définis par section.
Ce document permet au distributeur de prouver qu’il a transmis au client toutes les informations objectives sur le produit, afin de lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.

III -Les sanctions de la DDA

L’article 33 de la directive 2016/97 prévoit les sanctions en cas de non-respect par les organismes assureurs des obligations de la directive.
Les Etats membres devront donc être en mesure d’appliquer au minimum les sanctions prévues par la directive. Les sanctions mentionnées dans la directive sont notamment “une déclaration publique qui précise la personne physique ou morale responsable et la nature de l’infraction”, “une injonction ordonnant à la personne physique ou morale responsable de mettre un terme au comportement en cause et lui interdisant de le réitérer”, “un retrait de l’immatriculation pour les intermédiaires d’assurances”, ou encore “une interdiction temporaire à l’encontre de tout membre de l’organe de direction de l’intermédiaire d’assurance ou de l’entreprise d’assurance, qui est tenue pour responsable, d’exercer des fonctions de gestion au sein d’un intermédiaire d’assurance ou d’une entreprise d’assurance“ .
Les Etats membres disposent toutefois de la possibilité de prévoir des sanctions plus sévères au moment de la transposition de la directive en droit interne.
Pour autant,les sanctions précisées par la directive ne sont pas innovantes. En effet, le code monétaire et financier édicte déjà en son article L.612-39 une liste de sanctions ayant pour la plupart des points communs avec celles édictées par la DDA. Il y est notamment prévu « la suspension temporaire d’un ou plusieurs dirigeants » ou encore « l’interdiction d’effectuer certaines opérations (…) ou activités » .

Justine Guilleminot,

Etudiante en master Droit de le protection sociale d’entreprise à l’université Paris 1- Panthéon-Sorbonne, Apprentie à la Fédération Française du Bâtiment.

Paul Tudal,

Etudiant en master Droit de le protection sociale d’entreprise à l’université Paris 1- Panthéon-Sorbonne, Apprenti à l’Union Nationale Mutualiste Interprofessionnelle.

(1) Dir. 2016/97. , sur la distribution d’assurance du 20 janvier 2016
(2) Dir. 2016/97., art. 44
(3) Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, 2017/0350 (COD), modifiant la directive (UE) 2016/97 en ce qui concerne la date d’application des mesures de transposition des États membres, article premier
(4) Dir. 2016/97., art. 1
(5) Dir. 2016/97., art. 2

(6) Dir. 2016/97., art. 2. 1., 3) &4°).
(7) C. assur., art. L. 310-1
(8) C. assur., art. L. 321-1
(9) Dir. 2016/97., art. 2. 1. 1) & 2)

(10) Dir. 2016/97., art. 25
(11) Dir. 2016/97., art. 25
(12) Dir. 2016/97., art 25. 1. al.1
(13) Dir. 2016/97., art 25. 1. al.1
(14) https://acpr.banque-france.fr/publications/conferences-et-seminaires/conferences-de-lacpr
(15) Dir. 2016/97., art 25. 1. al.3
(16) Dir. 2016/97., art 25.

(17) Dir. 2016/97., art 25.
(18) Dir. 2016/97., art 10, 1.
(19) Dir. 2016/97., art 10, 2.
(20) Dir. 2016/97., art 10, 2 al.2.
(21) Annexe 1, Dir. 2016/97
(22) C. ass., R. 511-3.

(23) Dir. 2016/97., art 17, 1.
(24) Dir. 2016/97., art 17, 3.
(25) Dir. 2016/97., art 28.

(26) Dir. 2016/97., art 19, 4.
(27) Dir. 2016/97., art 20, 7°.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.