Relogement des réfugiés et des demandeurs d’asile : la circulaire du 22 juillet 2015

 

L’année 2015 aura été marquée par l’arrivée spectaculaire aux portes de l’Europe de « réfugiés », quelques millions d’hommes, de femmes et d’enfants sur la route de l’exil pour échapper à la guerre et la persécution dans leur pays. La médiatisation de leur exode a révélé leur nombre, leur détermination, les dangers encourus et les pressions subies au long de leur parcours.

Avec plus de 73 000 nouvelles demandes d’asile déposées en France à la fin de l’année, soit près de 10 000 de plus qu’en 2014[1], la médiatisation de nombreux camps de migrants, comme ceux de Calais, Grande Synthe et de la capitale, l’Etat a dû se positionner sur la question de l’hébergement du public lié à l’asile au cours de l’été dernier. Accompagnant la réforme législative intervenue au 29 juillet 2015, qui vise entre autres à réduire les délais d’octroi ou de refus du droit d’asile et à faire respecter les droits des demandeurs, les Ministères de l’Intérieur et du Logement, de l’Egalité des Territoires et de la Ruralité ont publié une circulaire le 22 juillet dernier[2] à destination des préfets de région et de département, pour mettre en place un « plan migrants », qui comprend entre autres l’encadrement des objectifs d’hébergement des demandeurs d’asile et le développement de l’accès des réfugiés statutaires au logement social.

De nouvelles places d’hébergement pour les réfugiés et demandeurs d’asile

La circulaire du 22 juillet 2015 reconnaît un état de saturation du parc d’hébergement pour les demandeurs d’asile. L’hébergement dédié aux demandeurs d’asile se distingue en deux catégories. Créés à la fin des années 1990, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) représentent l’hébergement de plein droit pour toute personne enregistrant une demande d’asile en France. L’engorgement de ce parc d’hébergement nécessite le recours à l’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) dans l’attente de la libération d’une place en CADA, voire la mobilisation de l’hébergement d’urgence généraliste lorsque l’HUDA ne peut à son tour plus supporter le flux de demandeurs d’asile. Avec « moins de 50% des demandeurs d’asile bénéfici[ant] d’un hébergement dédié »[3], la circulaire prévoit une forte extension des places en hébergement dédié aux demandeurs d’asile et le renforcement des capacités d’hébergement d’urgence. Les appels à projets qui ont suivi la circulaire ont l’objectif de créer 4 000 places en CADA et 4 000 places d’HUDA. Cette considérable extension traduit la volonté ferme du gouvernement de vider les camps insalubres de son public demandeur d’asile pour offrir aux personnes fuyant la persécution un hébergement digne dans le respect des conventions internationales. La circulaire prévoit également la création de places en hébergement d’urgence pour tous les migrants, principalement pour les mettre à l’abri afin d’identifier les éventuels demandeurs d’asile. Ces centres d’hébergement d’urgence permettront l’identification du public demandeur d’asile, afin de les orienter sur des structures adaptées à leurs besoins et leur statut. Les migrants non-demandeurs d’asile pourront être informés sur les opportunités qui leur sont offertes s’ils venaient à enregistrer leur demande d’asile. Par ailleurs, cet hébergement pourrait mener les autorités à identifier les personnes qui ont obtenu la protection internationale, afin de leur faire quitter les camps et les placer dans les nombreuses places que la circulaire entend leur dédier.

L’hébergement des réfugiés : 5 500 logements pour les bénéficiaires de la protection internationale

500 places seront octroyées aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire vulnérables ou en difficulté d’insertion. Cela permettrait de libérer des places dans les CADA ou les structures HUDA ou dans les camps « insalubres » dans lesquels de nombreux réfugiés demeurent et de les placer dans les campagnes pour une « meilleure intégration économique et sociale ». Concernant les individus qui ont déjà obtenu la protection internationale, que ce soit au titre de l’asile ou de la protection subsidiaire, la circulaire vise à mettre à leur disposition 5 000 places Sur les 5 000 places pérennes, leur seraient allouées 3 000 places dans « des logements vacants du parc social en zone détendue, en résidences sociales ou encore en intermédiation locative » (logement durable pour des foyers, avec un bail de droit commun), 1 000 places en logement en intermédiation locative (logements loués au secteur privé par des associations) et 1 000 places en résidences sociales (logement social temporaire). Les 3 000 places en logement social ne pourront être envisagées que dans les zones d’activité détendues, en fonction de la tension des marchés immobiliers et de l’encadrement des loyers. Ces zones détendues sont désignées par les catégories C ou B2, selon l’arrêté du 1er août 2014 pris en application de l’article R.304-1 du Code de la construction et de l’habitation, qui peuvent être consultées sur le site du Ministère du Logement, de l’Egalité des Territoires et de la Ruralité[4]. Elles ne concernent que les logements sociaux, les résidences sociales et les logements en intermédiation locative n’étant pas soumis à cette répartition territoriale.

Les zones sont classées en catégorie C ou B2 excluent principalement les communes de la petite et de la grande couronne de Paris ainsi que les grandes villes de la métropole et auraient pour conséquence de placer les réfugiés dans des zones plus rurales. Une concertation avec les autorités locales, à savoir les conseils départementaux voire les mairies, sera nécessaire à l’identification d’emplacements susceptibles de recevoir les réfugiés dans ces logements sociaux.

Un accompagnement social est prévu pour ces réfugiés, avec l’objectif, à terme, de les faire basculer vers un hébergement autonome dès que les revenus de l’individu concerné le permettront. Le foyer bénéficiera en outre d’un appui pour les démarches administratives visant l’accès aux droits sociaux, comme l’éducation, la santé ou le revenu de solidarité active.

La circulaire prévoit particulièrement l’instauration d’une « plateforme de pilotage national » qui aura notamment pour but d’opérer un suivi des places disponibles. L’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) est intégré au cœur du dispositif en ce qu’il a la charge en amont de dresser la liste des « volontaires » en contactant les centres d’accueil et les centres provisoires d’hébergement des demandeurs d’asile et d’insertion des réfugiés. Les préfets de département ont également la possibilité d’entretenir la plateforme de situations qui n’ont pas été prises en compte par l’OFII.

La plateforme représentera le porte-parole de l’Etat sur les questions de l’accès au logement des réfugiés ainsi qu’un intermédiaire essentiel sur les questions de financement. En effet, ces logements seront financés entièrement par l’Etat, sur des fonds prévus par les deux Ministères signataires de la circulaire, qui devront fournir aux autorités locales compétentes les crédits nécessaires sur la base des prévisions initiales et de la remontée d’informations par les préfets.

Les places disponibles seront en premier lieu identifiées par les préfets de département et de région qui auront la charge de réunir les données sur ces places disponibles, en lien avec les acteurs impliqués dans le logement social de leur ressort. C’est à ces préfectures qu’incombera le suivi régulier des places disponibles en transmettant tous les six mois un rapport détaillé de l’évolution de l’hébergement. Les préfectures représenteront le lien entre la plateforme de pilotage étatique et les acteurs de l’accompagnement social au logement des réfugiés.

Tous les réfugiés ne pourront faire l’objet d’un tel relogement et ne disposeront a priori que d’une seule offre.

Se posera alors la question des réfugiés « passe-droits », qui seront à certain point critiqués pour bénéficier d’un accès au logement social prioritaire sur les demandeurs nationaux. Il faudra alors garder en mémoire l’enjeu prioritaire de l’intégration des réfugiés dans la société française, aussi bien dans les grandes villes que dans les campagnes et les difficultés auxquelles ils font face dans l’accès à leurs droits sociaux. En tout état de cause, cette mesure aura pour effet de reloger les migrants dans les services qui sont adaptés à leurs besoins et leur situation.

Vianney TURBAT

[1] Statistiques sur le site du ministère de l’intérieur sur les chiffres de l’asile. 

[2] Circulaire interministérielle relative à la mise en œuvre du plan « répondre au défi des migrations : respecter les droits – faire respecter les droits », NOR INTK1517235J, publiée au Bulletin Officiel.

[3] Circulaire interministérielle relative à la mise en œuvre du plan « répondre au défi des migrations : respecter les droits – faire respecter les droits », NOR INTK1517235J, p.7.

[4] Ministère du logement

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