La question de la force exécutoire des promesses unilatérales d’achat ou de vente a longtemps fait l’objet d’un lourd débat doctrinal. Pour la majorité, l’absence de réalisation forcée en cas de rétractation du promettant antérieure à la levée d’option inspirait « des sentiments d’incompréhension et de résignation » . Fort heureusement, l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrant en vigueur le 1er octobre et portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, vient consacrer un renversement du principe d’abord établi par la Cour de cassation.
La remise en cause d’un principe jurisprudentiel bien ancré
Tout étudiant ayant obtenu sa licence de droit et suivi ce fameux cours de droit des contrats ne peut avoir oublié l’arrêt « Consorts Cruz » , pilier des avant-contrats.
Rendue en 1993 par la Cour de cassation, cette jurisprudence est venue poser un principe qui s’est largement imposé en la matière : Le promettant peut retirer son offre dès lors que le bénéficiaire n’a pas encore levé son option d’achat ou de vente. Cette « rétractation » excluant toute « rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir » ne pouvait entrainer que l’octroi de dommages et intérêts en raison du préjudice subi, et non l’exécution en nature.
La Cour de cassation se cachait alors derrière deux motifs. D’abord, l’absence de rencontre des volontés et l’article 1134 du Code civil. Mais c’est écarter le fait que la promesse est un avant-contrat qui constitue bien une obligation à la charge du promettant. Qu’en est-il alors du caractère irrévocable de l’engagement pris ? Quid du respect de la volonté contractuelle et de l’option offerte au bénéficiaire ? Pour justifier ce manquement, la Cour faisait appel à l’article 1142 du Code civil, son second visa. Selon elle, le promettant rétracté ne respectait pas l’obligation de maintenir son offre durant le délai convenu. Or, ceci s’apparente à une obligation de faire qui « se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur». Pour O.Tournafond, le juge s’immisçait ainsi dans « l’économie même du contrat, en contradiction absolue avec le principe d’intangibilité des conventions » , écartant le droit de levé d’option du bénéficiaire.
Exemple même du pouvoir sacralisé du juge, cette décision permettait au tiers de mauvaise foi de contracter à la place du bénéficiaire. C’était sans compter cependant qu’un projet tant attendu par la doctrine vienne réformer cela.
L’exécution forcée comme conséquence du respect des principes de force obligatoire des conventions et de sécurité juridique
L’ordonnance du 10 février est venue réformer cela en intégrant au Code civil un nouvel article reprenant le principe jurisprudentiel pour l’inverser.
Dorénavant, et selon l’alinéa 2 du nouvel article 1124 du Code civil, « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».
Tant attendu, c’est dans le respect de la volonté contractuelle que l’exécution forcée pourra être trouvée à l’encontre du promettant qui a voulu se désengager. C’est toutefois pour la même raison que le principe reste entaché d’une exception. En effet, le tiers de bonne foi ayant contracté avec le promettant rétractant ne se verra pas opposer la nullité de la vente dès lors qu’il n’avait pas connaissance de la promesse ni de l’intention de s’en prévaloir. Une action contre le promettant pourra cependant être exercée afin d’obtenir des dommages et intérêts. Cette appréciation parait être la plus juste au regard des motifs de sécurité juridique et de liberté contractuelle qui doivent prévaloir.
Des conséquences pratiques
Le renversement du principe a pour conséquence de rendre inutiles certaines clauses qui étaient jugées nécessaires au bon exercice des conventions. En effet, par peur de la rétractation, les parties stipulaient fréquemment des clauses d’exécution forcée. Dès le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, il ne sera plus nécessaire de le faire.
Cependant, en vertu du respect des conventions contractées avec un tiers de bonne foi, la stipulation d’une clause pénale ayant pour objectif de dissuader le promettant de contracter avec un tiers peut permettre d’éviter que le bénéficiaire de la promesse soit lésé dans ses droits. C’est une sécurité qui devra sans doute être maintenue pour garantir le bon exercice de la promesse.
François CELLARD