Par une ordonnance[1] du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale et deux décrets du même jour[2], le gouvernement a simplifié les procédures d’autorisation environnementale par la création d’une autorisation environnementale unique qui, dans une logique de guichet unique, permet aux entreprises de limiter les interlocuteurs publics et les démarches en vue de réaliser un projet d’installation ayant un impact environnemental. Cette nouvelle procédure, figurant dans le code de l’environnement, se déroule en trois phases classiques (examen, enquête publique, décision) et poursuit un objectif de réduction du délai d’instruction d’une demande. Le gouvernement entend ainsi passer à 9 mois au lieu de 12 à 15[3]. Le réel intérêt de cette réforme réside dans la simplification de « la vie des entreprises sans régression de la protection de l’environnement »[4] par l’assouplissement des polices administratives spéciales en matière environnementale tout en les maintenant effectives. Tel est l’équilibre recherché par le législateur. Cependant, si cette réforme simplifie de manière notable certains aspects de la procédure, elle peut également apparaître inaboutie concernant les compétences en matière d’urbanisme relevant des collectivités territoriales.
La genèse empirique d’une réforme des polices environnementales
L’évolution normative a commencé avec une ordonnance du 2 janvier 2014 (n° 2014‑1) qui a habilité le gouvernement à expérimenter par voie d’ordonnance. En conséquence des articles 13, sur le certificat de projet, et 14, sur certaines installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la législation sur l’eau (IOTA), de nouvelles ordonnances ont été prises le 20 mars 2014 (respectivement n° 2014-355 et 2014-356). La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique a ratifié les ordonnances et a élargi le champ de l’expérimentation. C’est la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ou loi « Macron », qui a habilité le gouvernement à modifier le code de l’environnement pour inscrire définitivement le principe d’une autorisation environnementale unique. Selon le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n°2017-80, ce sont les retours positifs sur l’expérimentation qui ont décidé le gouvernement à pérenniser le dispositif.
Parallèlement, par une directive 2014/52/UE du 16 avril 2014, le Parlement européen a adopté des mesures visant à instaurer des procédures d’évaluation environnementales uniques pour les procédures relevant du champ du droit de l’Union européenne. Cette directive est directement visée par l’ordonnance n° 2017-80.
Presque un an et demi plus tard est créé un huitième titre au livre 1er du code de l’environnement avec les articles L. 181-1 à 181-31 et R. 181-1 à R. 181-56. Le premier décret (n° 2017-81) vise la procédure la procédure d’obtention de l’autorisation, le second (n° 2017-82) concerne les documents nécessaires à la constitution de la demande.
Le dispositif de simplification prévu par la réforme
L’article L. 181-1 précise le champ matériel de cette autorisation environnementale. Il s’agit essentiellement des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumis à l’article L. 512-1 du code et des installations, ouvrages, travaux et aménagement (IOTA) mentionnées au I. de l’article L. 214-3 du code (dans le cadre de la législation sur l’eau). En effet, ce sont les installations soumises à un régime d’autorisation. L’obligation d’obtenir une autorisation n’est donc pas modifiée, seule la procédure l’est. Il convient de relever que l’article L. 181-1 vise aussi certaines procédures relatives à l’évaluation environnementales.
En dehors de l’unification de la procédure pour les IOTA et les ICPE, il convient de relever que l’ordonnance simplifie nettement la procédure auprès des organes étatiques. L’article L. 181-2 dispose ainsi que l’autorisation unique vaut diverses autorisations et dérogations environnementales spécifiques pour les projets. Le pétitionnaire n’a en effet plus à se rapprocher de diverses autorités de l’Etat (préfet, ministères, …), le préfet est seul responsable de la procédure. Cependant, cette disposition n’exclut pas l’application des autres législations (L. 181-3), notamment pour les sites Natura 2000, des exceptions sont prévues pour les projets relevant du ministre de la défense ou des activités nucléaires. En résumé, comme le présente le communiqué de presse du Conseil des ministres du 25 janvier 2017, ce sont, au total, 14 autorisations différentes qui sont rassemblées en une unique. Cependant, les autorisations les plus sensibles et stratégiques, comme elles relatives aux installations nucléaires de base (INB), autrement dit les centrales ou les usines de traitement de déchets radioactifs, conservent des procédures spécifiques.
Une simplification néanmoins limitée aux seules procédures environnementales
S’il existe des exceptions à la procédure, le principal écueil de cette réforme réside dans la limitation de cette simplification au seul aspect étatique de la procédure. L’ordonnance apporte une solution plus nuancée concernant la partie liée à l’action des collectivités territoriales, essentiellement les communes. L’article L. 181-9 prévoit que le projet peut être rejeté en cas d’incompatibilité manifeste avec l’utilisation des sols. Le préfet réalise donc un pré contrôle en matière d’urbanisme, éventuellement avant que la commune ne se prononce. Aussi, l’article L. 181-30 conditionne l’effectivité du permis de construire (ou de la non opposition à déclaration préalable) à l’obtention de l’autorisation environnementale unique. Ce faisant, l’ordonnance reprend un dispositif créé récemment par une ordonnance, n° 2016-354, et un décret du 25 mars 2016, n° 2016-355, d’articulation entre autorisations d’urbanisme et environnementales. Il est institué un régime « d’autorisations parallèles »[5], l’entreprise peut alors solliciter simultanément le préfet et la commune, et non pas successivement. Mais la mise en œuvre des autorisations est conditionnée par leurs obtentions.
La réforme est donc limitée dans sa portée car le guichet unique n’est créé qu’en ce qui concerne la procédure à mener auprès de l’Etat. Le guichet reste double dès lors que les collectivités conservent leurs compétences en urbanisme. Il peut être critiqué que dans ce domaine spécifique qu’est la protection environnementale l’Etat n’ait pas repris intégralement la main sur la procédure d’octroi du permis de construire, ou à l’instar de ce qui a été fait dans le décret n° 2017-81 sur les parcs éoliens, dispenser de permis de construire si une autorisation environnementale a été délivrée. Dans une telle configuration, les collectivités conserveraient leur pouvoir réglementaire sur l’occupation des sols, le préfet se bornant à instruire la compatibilité du projet avec ces documents communaux. Cependant, une telle solution n’est pas dans le sens des politiques publiques, plus portée sur la décentralisation que sur la recentralisation et le coût politique aurait pu être conséquente vis-à-vis des élus locaux, peu favorable à une perte d’un pouvoir décisionnel sur un projet qui a des conséquences environnementales forts pour les habitants.
Autre élément important, qui faisait l’objet d’un article à part dans l’ordonnance du 2 janvier 2014, est l’inscription dans le code de l’environnement d’un certificat de projet. Le pétitionnaire peut demander des informations à l’autorité administrative sur son projet (L. 181-5) mais aussi un certificat de projet (L. 181‑6). Ce certificat de projet peut valoir certificat d’urbanisme si l’entreprise en fait la demande avec transmission à l’autorité compétente. Le certificat implique que le pétitionnaire peut demander à la commune, avant de solliciter un permis de construire, si le projet envisagé ne contrevient pas aux normes d’urbanisme adoptées par la collectivité. En cas de réponse favorable au projet, la demande est « cristallisée » ce qui lie la commune lorsque sera demandé le permis pour réaliser le projet.
Il ressort donc de ces développements que la réforme vise une simplification en réduisant les délais de procédure. Pour cela, elle unifie et centralise les différentes procédures relatives aux autorisations environnementales auprès du préfet, mais ne règle pas les difficultés liées à l’indépendance des législations : deux décisions, une en urbanisme et une en droit de l’environnement, sont toujours nécessaires. Reste à voir comment prospère la disposition dispensant de permis de construire les parcs éoliens dès lors qu’une autorisation environnementale a été délivrée. Un recours devant le Conseil d’Etat sur ce point a été déposé par l’association Vent de Colère[6], mais si le dispositif est validé par la Haute juridiction, il pourrait alors être une étape importante pour une simplification encore plus poussée.
Jean Dufour
[1] Ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale
[2] Décret n° 2017-81 et décret n° 2017-82 du 26 janvier 2017
[3] Communiqué de presse du Conseil des ministres du 25 janvier 2017
[4] Ibid.
[5]Jean-François Struillou, JCP A, n° 36, 12 septembre 2016, 2239, La coordination des autorisations nécessaires aux opérations d’aménagement complexes. – les évolutions issues de l’ordonnance et du décret du 26 mars 2016.
[6] Communiqué de l’association Vent de Colère du 20 juillet 2017