Réforme de la capitale et des métropoles : Vers de nouveaux paris pour les collectivités ?

     Discuté en séance publique au Sénat en novembre prochain, le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, présenté le 3 août 2016 en conseil des ministres, vise à moderniser le statut de la capitale et à développer celui de métropole. Saisi le 27 juin 2016, le Conseil d’État a rendu un avis favorable sur cette réforme nécessaire, porteuse de changements juridiques colossaux pour Paris, tout en ouvrant de nouvelles possibilités pour les autres collectivités territoriales.

 

I- Le nouveau statut de Paris, une réforme devenue nécessaire

 

     La réforme du statut de Paris est au cœur des discussions de ses élus depuis déjà longtemps, celle-ci ayant toujours eu un statut territorial particulier en tant que capitale. La loi du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne a ainsi créé, sur un même territoire, deux entités distinctes, la commune de Paris et le département de Paris.

Cependant, ce doublon s’est peu à peu révélé superflu, le département déclinant peu à peu au profit de la commune. L’assemblée unique créée par les lois du 31 décembre 1975 et du 31 décembre 1982, de même que la fusion des services mise en œuvre en 1987, ont constitué de nouvelles étapes vers la suppression de cette dualité territoriale, le statut de Paris étant « inadapté aux réalités contemporaines » comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi.

Il aura fallu attendre une recommandation de la Chambre régionale des comptes en 2015 pour mettre en relief la nécessité de fusionner ces deux entités en une seule et même collectivité. Soutenu par la mairie de Paris, et voté par le Conseil de Paris le 15 février 2016, le processus a alors été lancé pour élaborer le projet de loi sur lequel s’est prononcé favorablement le Conseil d’État le 13 juillet 2016.

 

II- La « Ville de Paris », une collectivité à statut particulier

 

     L’une des dispositions phares du présent projet est la substitution à la commune et au département de Paris de la collectivité à statut particulier dénommée « Ville de Paris » au 1er janvier 2019. Le Conseil d’État, reprenant la décision n° 2009-588 du Conseil constitutionnel du 6 août 2009, admet la possibilité pour le législateur de créer une collectivité à statut particulier en conformité avec l’article 72 de la Constitution.

La réforme permettra alors de faire de la Ville de Paris une collectivité à statut particulier au sens de la Constitution en 2019, ville dont les Sages avaient déjà relevé la particularité dès 2009 en estimant qu’elle constituait « à elle seule, une catégorie de collectivités territoriales » (CC, n°2009-588 DC, 6 août 2009, considérant 23).

Par ailleurs, le projet de loi entérine la fusion des quatre premiers arrondissements afin de « réduire très significativement les écarts de représentation » entre les circonscriptions électorales de la capitale (point 7). Chaque élu représentera 12 721 habitants, et ce alors que la moyenne reste de 13 678, ceci démontrant la disproportion démographique actuelle. Loin de contrevenir à l’égalité devant le suffrage, cette fusion vise au contraire à permettre un renforcement démocratique, mais également une mutualisation des services.

Enfin, est opéré un transfert de pouvoirs et de personnel, du préfet de police au maire de Paris qui exercera de nouvelles compétences telles que la verbalisation du stationnement payant, la sécurité des parties communes des immeubles d’habitation, ou encore la réception des demandes de cartes nationales d’identité et de passeports. La réforme vise donc à une plus grande décentralisation, s’inscrivant dans le prolongement des lois du 29 décembre 1986 et du 27 février 2002, mais également à la refondation des pouvoirs du préfet de police autour de la protection des personnes dans le cadre d’une conciliation « satisfaisante » permettant « la prise en compte des contraintes d’ordre et de sécurité publics inhérentes à une ville-capitale » (point 10).

 

III- Un assouplissement attendu des conditions d’accès au statut de métropole

 

            Originellement centré sur le nouveau statut de Paris, le projet de loi s’est finalement élargi à la question des métropoles, statut créé par la réforme des collectivités territoriales en 2010 et renforcé par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014.

En effet, le chapitre IV du titre II assouplit les conditions de l’article L.5217-1 du Code général des collectivités territoriales pour transformer un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en métropole. Le quatrième alinéa, validé par le Conseil d’État dans son avis (point 18), permettra donc aux EPCI à fiscalité propre « situés dans une agglomération de plus de 400000 habitants d’accéder au statut de métropole » sans l’ancienne référence à la présence du chef-lieu de région.

Si le cinquième alinéa n’est pas modifié, celui-ci permettant l’accession au statut de métropole si l’EPCI concerné est le « centre d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants » et qu’il « exerce en lieu et place des communes les compétences énumérées au I de l’article L. 5217-2 à la date de l’entrée en vigueur de la loi MAPTAM », un nouvel alinéa a été introduit à sa suite créant une possibilité supplémentaire de transformation, lorsqu’un EPCI se trouve « dans une zone d’emplois comptant plus de 400 000 habitants et dans laquelle se trouve un chef-lieu de région. »

Ainsi, alors que les conditions étaient relativement fermées, les villes répondant à ces critères ayant été transformées en métropoles, cette réforme ouvre de nouvelles perspectives particulièrement pour Saint-Etienne et Toulon, eu égard à leur nombre d’habitants, et pour Orléans et Dijon, compte tenu de la taille de leur bassin d’emplois et leur statut de capitale régionale. L’enjeu principal réside dans le développement de l’attractivité économique attachée au statut de métropole.

Si le projet de loi s’est finalement étendu à d’autres thèmes tels que le statut de métropole, véritable enjeu pour l’élaboration d’un équilibre territorial économiquement renforcé, il vise prioritairement à réformer le statut de Paris, en conservant ses spécificités tout en le modernisant, à l’heure de la concurrence des capitales pour lui donner les moyens de ses ambitions. Après tout, « [vouloir] toujours ; c’est le fait de Paris » (V. Hugo).

 

 

Alix BOULOT

Laure MENA

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