Par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, les juges font une application stricte de la règle édictée par le Code de la sécurité sociale qui subordonne la réduction des indemnités journalières de sécurité sociale à l’envoi préalable d’un avertissement à l’assuré par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
Lorsqu’un assuré fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie et se retrouve dans l’incapacité de travailler, l’assurance maladie compense, par un revenu de remplacement et dans une certaine mesure, la perte du salaire ou du revenu qu’il subit. Des prestations en espèces sont ainsi versées par l’assurance maladie, dénommées « indemnités journalières » par le Code de la sécurité sociale (1).
Toutefois, le versement de ces indemnités journalières n’est pas automatique et se retrouve soumis au respect de conditions édictées par le Code de la sécurité sociale (2). Parmi ces conditions figure la délivrance d’un certificat d’interruption de travail par le médecin traitant ou hospitalier. L’assuré doit en adresser un exemplaire à la CPAM dont il dépend, et ce, dans les deux jours suivant l’interruption du travail (3).
En cas d’envoi tardif à deux reprises de ce certificat, l’assuré s’expose à une réduction du montant des indemnités journalières par la CPAM (4). La sanction n’est pas automatique et doit être précédée d’un avertissement de la part de la CPAM.
En effet, au premier envoi tardif de l’avis d’interruption de travail ou de prolongation par l’assuré, la CPAM doit l’informer du retard constaté et de la sanction à laquelle il s’expose en cas de nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois suivant la date de l’arrêt considéré.
Dès lors, au second envoi tardif, le montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de l’arrêt et la date d’envoi est réduit de 50 %.
Cette retenue financière est décidée par le directeur de la caisse. Elle n’est pas applicable si l’assuré justifie d’une hospitalisation ou de l’impossibilité de transmettre l’arrêt dans les deux jours.
C’est dans ce contexte que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler la nécessité pour la caisse de justifier de l’envoi du courrier d’avertissement à l’assuré.
En l’espèce, la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine Saint-Denis a par décision du 6 mars 2017, réduit de 50% le montant des indemnités journalières servies à une assurée pour la période correspondant à un arrêt de travail envoyé tardivement. La CPAM se fonde sur les articles L.323-2 et D. 323-2 du Code de la Sécurité sociale au motif que le premier arrêt de travail, réceptionné tardivement, avait donné lieu à un avertissement.
L’assurée saisit le tribunal des affaires de Sécurité sociale (devenu Pôle social du Tribunal de grande instance) qui accueille son recours et condamne la caisse à lui verser la totalité des indemnités journalières (5). Les juges du fonds font grief à la CPAM de ne pas justifier l’envoi d’un avertissement à l’assuré.
La caisse conteste cette décision et forme un pourvoi en cassation. Elle fait valoir qu’elle est fondée à refuser le bénéfice de l’intégralité des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle a été rendu impossible. Elle avance également que la preuve de l’envoi de l’arrêt de travail à la caisse dans le délai légal incombe à l’assuré. Cela selon elle peu important qu’elle ne justifie pas avoir adressé au préalable à l’assuré une mise en garde pour l’informer qu’en cas de nouvel envoi tardif dans les deux ans, il s’expose à une réduction des indemnités journalières. En vain.
La Cour de cassation rejette le pourvoi au regard des dispositions de l’article D. 323-2 du Code de la sécurité sociale : « Et attendu qu’ayant relevé que la caisse ne justifiait pas de l’envoi de l’avertissement prévu par le texte susvisé, le tribunal en a exactement déduit qu’elle n’était pas fondée à réduire de 50 % le montant des indemnités journalières litigieuses en raison d’un nouvel envoi tardif de l’avis d’arrêt de travail ; ».
Par cette décision, la Cour de cassation impose à la caisse de justifier de l’envoi de l’avertissement à l’assuré afin de lui appliquer une réduction financière sur le montant de ses indemnités journalières. La Haute juridiction insiste sur la preuve de l’envoi de l’avertissement qui incombe à la CPAM.
Jusqu’à cet arrêt, la jurisprudence portait sur les obligations de l’assuré, en particulier, sur la preuve de l’envoi dans le délai légal (6), de l’avis d’interruption de travail à la CPAM par l’assuré. A ce titre, les juges ont considéré que ni la bonne foi de l’assuré, ni l’éventuelle erreur de La Poste ne permettent d’écarter l’application du délai de déclaration lorsque l’assuré ne peut pas prouver qu’il a accompli les formalités requises (7).
L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation présenté permet de rappeler que la CPAM est elle aussi soumise à des obligations, auxquelles elle ne peut déroger. Ainsi, le versement des indemnités journalières de sécurité sociale est soumis à l’accomplissement d’obligations de la part de l’assuré mais la réduction de leur montant est elle aussi soumise à l’accomplissement d’obligations de la part de la caisse.
Clémence DIMPRE, étudiante en master DPSE, Ecole de droit de la Sorbonne, Université de Paris 1, Apprentie chez Fédération française du bâtiment.
Nathan SEBBAGH, étudiant en master DPSE, Ecole de droit de la Sorbonne, Université de Paris 1, Apprenti chez August Debouzy.
(1) CSS, art. L. 321-1
(2) CSS, art. L. 313-1
(3) CSS, art. L. 321-2 et R.321-2
(4) CSS, art. D. 323-2
(5) Tass Bobigny, 23 oct. 2018
(6) Cass. Soc., 27 oct. 1994, n° 92-18.060 ; Cass. Civ. 2ème., 9 juill. 2015, n°14-15.561
(7) Cass. Civ. 2ème., 23 oct. 2008, n° 07-18.033