La plaidoirie est un moment privilégié de l’exercice de la profession d’avocat et, pour beaucoup d’étudiants, elle représente également l’aboutissement des études de droit. Les conseils qui suivent ont pour but d’aider les jeunes avocats à réaliser ce passage de la théorie à la pratique sans heurts et, à leur fournir les outils nécessaires à la défense, à la barre, des intérêts de leurs clients.
1. Préparation des ingrédients
Une bonne recette nécessite de bons ingrédients.
La plaidoirie est l’étape finale du travail de l’avocat. Avant cela, il a fallu rassembler des éléments de recherches pertinents et organiser les arguments selon un raisonnement juridiquement fondé.
Afin de constituer votre dossier en vue de l’audience, veillez à :
- Rédiger vos conclusions en réfléchissant à l’enchaînement des arguments et en recherchant des jurisprudences, à jour, appuyant et illustrant votre démonstration.
- Ne pas commettre de fautes de procédure. Ce point est essentiel car un client ne peut pas accepter de son avocat qu’il laisse par exemple expirer un délai d’appel. Dans ce cas, la responsabilité professionnelle de l’avocat pourrait être engagée.
- Soumettre vos conclusions pour validation à votre associé ainsi qu’à votre client.
- Communiquer vos conclusions à la juridiction en charge de votre affaire pour information et à votre confrère (contradicteur) par confraternité. La communication des écritures au contradicteur doit être faite suffisamment de temps avant la date prévue pour l’audience afin que ce dernier puisse disposer d’un délai raisonnable pour, le cas échéant, y répondre.
- Vous informer, la veille de l’audience, du fait que l’affaire vient bien utilement, c’est-à-dire pour être plaidée. Dans l’hypothèse où un renvoi serait sollicité, il convient d’adresser un courrier à la juridiction en question et à votre confrère. L’acceptation de cette demande de renvoi n’est toutefois pas automatique.
- Etudier la convocation afin de connaître l’adresse du Tribunal ou de la Cour en charge de l’affaire, le numéro de la salle d’audience et l’heure à laquelle vous êtes convoqués. Tout retard non justifié à l’audience sans en avoir avisé au préalable la juridiction concernée et votre confrère est susceptible de porter préjudice aux intérêts de votre client. Il est toutefois possible de faire retenir l’audience si vous ne pouvez pas y être à l’heure. Dans ce cas, vous en aviserez la juridiction ainsi que votre contradicteur.
2. Respect des doses indiquées
Le déroulement d’une audience obéit à des règles strictes qu’il est important d’observer à la lettre.
Par respect des magistrats et de votre contradicteur, veillez à :
- Informer votre client. Si votre client assiste à l’audience, veillez à vous assurer au préalable qu’il connaît les grandes phases du déroulement d’un procès ainsi que les règles de politesse à respecter devant les magistrats. Il peut parfois être nécessaire de rappeler à votre client de porter une tenue sobre et correcte.
- Lire la feuille du rôle pour vérifier que votre affaire se tiendra bien ce jour dans la salle indiquée.
- Revêtir votre robe avant d’entrer dans la salle d’audience.
- Couper votre téléphone portable ou bien à le mettre en silencieux.
- Vous placer correctement. Les avocats sont autorisés à s’asseoir aux premiers rangs ou bien sur les cotés, derrière les pupitres. Devant les juridictions pénales, l’avocat se tient du côté du Procureur de la République s’il représente une partie civile et, du côté du ou des prévenus s’il assure leur défense.
- Identifier les différents acteurs présents lors de l’audience. Les juges se trouvent en face de l’entrée. Le greffier, ou huissier audiencier, est la personne qui est seule, généralement sur le côté derrière un ordinateur. Le Procureur se trouve souvent en face du greffier. Enfin, le cas échéant, les prévenus se trouvent également sur les côtés.
- Vous présenter. Au début de l’audience, dirigez vous vers le greffier, ou l’huissier audiencier, pour l’informer de votre nom, de celui de votre cabinet, de l’affaire dans laquelle vous intervenez et de la partie que vous représentez. Si vous substituez un de vos confrères, par exemple l’associé avec lequel vous travaillez, précisez son nom au greffier. Par ailleurs, lorsqu’un avocat plaide pour la première fois dans un barreau de province, il est d’usage, avant l’audience, qu’il aille se présenter au Président du Tribunal ou de la Cour, en l’informant de son nom, de celui du cabinet au sein duquel il travaille ainsi que du nom de l’affaire dans laquelle il intervient. Dirigez vous ensuite vers votre contradicteur pour vous présenter, lui communiquer éventuellement vos écritures, si la procédure est orale, ou bien pour lui faire savoir que vous vous en tiendrez, lors de votre plaidoirie, aux arguments soutenus dans vos conclusions.
- Vous lever à l’arrivée des magistrats dans la salle d’audience.
- Ecouter l’appel des causes, notamment devant le Tribunal de Grande Instance ou le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.
- Répondre lorsque votre affaire est appelée. Précisez le nom de la partie que vous représentez et si celle-ci est ou non présente. Vous préciserez également si votre affaire est en l’état (à retenir), c’est-à-dire si elle peut être plaidée, ou doit être renvoyée pour défaut de conclusions adverses ou faute de communication d’un rapport d’expertise par exemple.
- Ne pas oublier de communiquer la localisation de votre barreau d’origine. Les avocats des barreaux extérieurs plaident les premiers et les plus âgés ont priorité sur les plus jeunes.
3. Dégustation
Vient l’instant tant attendu, le juge appelle l’avocat à la barre.
Lors des plaidoiries, veillez à :
- Respecter les règles de déontologie de la profession d’avocat. Il pourra parfois être difficile de concilier cette exigence avec la nécessité de défendre les intérêts de votre client. L’expérience vous apprendra à être ferme et impertinent à bon escient.
- Prendre la parole au bon moment. L’avocat qui parle en premier est celui qui est en demande, il expose les faits puis ses arguments. L’avocat qui se présente en défense, écoute son confrère sans lui couper la parole, prends des notes courtes et précises pour pouvoir répondre aux arguments soulevés par son contradicteur et, prend à son tour la parole pour défendre les intérêts de son client. L’avocat peut au besoin donner des pièces, directement de la main à la main au Président, afin de fonder et d’illustrer ses propos.
- Faire viser vos conclusions par le greffier qui y apposera sa signature et un tampon.
- Remettre votre dossier de plaidoirie au Président sans omettre, si vous avez fait appel à un avocat postulant ou à un avoué, de glisser la cote procédure qu’il vous a préalablement remis dans ledit dossier de plaidoirie.
- Noter la date du délibéré à laquelle vous pourrez téléphoner au greffe pour connaître la substance du jugement, sans pour autant communiquer ladite information à votre client tant que vous n’avez pas reçu la copie écrite du jugement.
4. Digestion
De retour au cabinet, veillez à :
- Prendre le temps de rédiger un compte rendu à votre client en soulignant la présence ou l’absence des parties, les arguments soutenus par votre contradicteur et la date prévue pour le délibéré ou, le cas échéant, le renvoi. Vous informerez aussi votre associé, ou le confrère que vous substituiez, du déroulement de l’audience. Votre client appréciera que vous lui donniez votre sentiment sur le déroulement de l’audience et la suite probable de l’affaire, veillez toutefois à rester prudent sur l’issue du procès qui est soumis à l’aléa juridique.
- Prendre le temps de préparer le suivi du dossier. Il est important de reporter les dates communiquées lors de l’audience dans votre agenda et de bien ordonner votre dossier avant de le ranger. Par ailleurs, les frais engagés par les avocats pour se rendre à une audience peuvent être importants, notamment en ce qui concerne les frais de déplacement, il convient donc de porter une attention particulière aux classements des notes de frais.
Si vous vous dirigez vers une spécialité à forte connotation contentieuse et que vous êtes appelés à plaider régulièrement, pensez à vous renseigner auprès de l’Ordre des avocats sur les modalités de participation à l’aide juridictionnelle et aux permanences juridiques (commissions d’office).
L’expérience que vous acquerrez à la barre sera un allié de choix pour briller lors de vos futures plaidoiries.
Marie-Charlotte DAVID
Avocat au barreau de Paris