Suite au vœu émis par le président de la République en janvier 2009 de supprimer le juge d’instruction a été créé le comité de réflexion sur la justice pénale, dit comité Léger, qui a rendu son rapport le 1er septembre 2009. En s’appuyant pour partie sur ce texte, la Garde des Sceaux a présenté le 23 février un avant-projet de loi, portant réforme de la procédure de l’enquête. Ce texte est actuellement soumis aux acteurs pénaux qui ont deux mois pour proposer des amendements.
Des pouvoirs renforcés pour le Parquet
L’avant-projet met à la charge des procureurs l’ensemble des enquêtes pénales, qu’ils devront effectuer à charge et à décharge. Ces deux rôles contradictoires ont suscité de vives critiques chez les praticiens, exprimant leurs craintes quant à l’impartialité et à l’indépendance du Parquet, puisque les Procureurs Généraux sont nommés en conseil des ministres. Le texte instaure donc un «devoir de désobéissance», permettant aux parquetiers de s’opposer aux instructions de leurs supérieurs lorsqu’elles leur semblent « contraires à la recherche de la vérité ». Les syndicats émettent cependant certains doutes quant à l’efficacité de ce devoir, la carrière des membres du Parquet dépendant de leur hiérarchie. S’agissant des craintes de partialité, l’avant-projet place l’enquête sous le contrôle d’un nouveau juge : le juge de l’enquête et des libertés (JEL).
Juge d’instruction + juge des libertés et de la détention = juge de l’enquête et des libertés
Le JEL, créé par l’avant-projet, prendra les attributions du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention. Ses missions sont le contrôle impartial de l’enquête du Parquet et l’autorisation ou non de procéder à des actes coercitifs. Sa saisine, qui confère un caractère prioritaire au dossier, se fait par les parties, dans les cas où le Parquet refuse des actes demandés par elles, ou tardent à les effectuer. Le JEL va alors l’obliger à les réaliser dans un délai contraignant. En cas de conflit, un recours est prévu devant la chambre de l’enquête et des libertés. Celle-ci pourra alors évoquer l’affaire et procéder elle-même aux actes.
Du côté des parties au procès…
Le procès pénal va s’enrichir d’une nouvelle partie : « partie citoyenne ». Elle interviendra aux côtés de la partie civile et sera recevable dès lors qu’elle a un simple intérêt indirect à agir. Ensuite, la qualification de la personne mise en cause est changée, devenant la « partie pénale ». Le témoin assisté est rebaptisé en « partie assistée ». Ces deux parties voient leurs droits de la défense accrus puisqu’elles pourront désormais contester la qualification pénale retenue et demander des actes d’enquête.
Peu de changement pour la détention provisoire
En matière de détention provisoire, l’avant-projet ne suit pas les propositions du comité Léger s’agissant des délais butoirs contraignants. Il réduit en outre la durée initiale de placement de un an à six mois en matière criminelle. La décision du placement en détention provisoire sera prise par un JEL. En revanche, la prolongation devra être décidée par un tribunal de l’enquête et des libertés siègeant en formation collégiale.
La garde à vue toujours insatisfaisante
Les changements proposés pour la garde à vue déçoivent les praticiens. L’avant-projet de loi reprend les propositions du rapport Léger. L’avocat pourra ainsi être présent à la 1ère et à la 12ème heure. Lors de cette deuxième visite, il aura accès aux procès-verbaux et pourra faire des observations. La présence de l’avocat est également renforcée en ce qu’il pourra s’entretenir avec son client à la première heure de la prolongation et pourra assister aux auditions. En matière de bande organisée, l’entretien aura lieu à la 48ème et 72ème heure. Pour le terrorisme, il se déroulera à la 72ème, 96ème et 120ème heure. En outre, une procédure voisine est créée : l’audition libre. Sa durée sera limitée à quatre heures et elle ne concernera que les délits punissables de moins de cinq ans d’emprisonnement.
Hélène Thieulart
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