A l’approche des élections présidentielles, le vote blanc fait de nouveau l’objet d’une attention croissante. S’interroger sur la valeur de ce vote pose la question plus large de la signification des élections au sein de notre démocratie représentative : s’agit-il seulement de sélectionner des dirigeants ou bien d’exprimer une opinion ?
Tandis que le vote nul est un vote non valable (enveloppe vide ou avec plusieurs bulletins, bulletins raturés ou griffonnés), le vote blanc consiste à déposer un bulletin dépourvu de tout nom de candidat et toute autre annotation.
L’interprétation de ce vote fait débat dans la mesure où il peut s’agir d’un acte involontaire de l’électeur (une erreur de manipulation) ou d’un acte volontaire tendant à exprimer un non-choix, une insatisfaction à l’égard de l’offre politique.
C’est entre autres pour cette raison qu’il est aujourd’hui difficile de faire reconnaitre juridiquement la distinction entre vote blanc et vote nul.
L’assimilation des bulletins blancs aux bulletins nuls
Né au cours de la période révolutionnaire avec la systématisation du vote par bulletin, le vote blanc bénéficiera sous le premier Empire d’un semblant de statut : dans un avis du 25 janvier 1807, le Conseil d’Etat décide que les «billets blancs» doivent être retranchés des votes émis[1].
Sous le second Empire, un décret impérial du 2 février 1852 accorde la même valeur aux votes blanc et nul. Cette assimilation sera reprise dans l’article 9 de la loi du 29 juillet 1913 puis dans l’article 66 de l’actuel Code électoral.
Outre le fait qu’ils ne sont pas comptabilisés dans les suffrages exprimés, les bulletins blancs ne font pas l’objet d’un décompte séparé. Cependant, ils sont pris en compte dans le taux de participation et se distinguent donc des abstentions.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière est constante. En témoigne la décision Durand du 27 janvier 2000 qui assimile les deux votes.
Les limites juridiques à la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé
Les critiques à l’égard d’une telle reconnaissance sont nombreuses. Pour certains, elle encouragerait le vote blanc, fragilisant ainsi le système des partis politiques. Si cette crainte peut paraitre justifiée, peut-être vaudrait-il mieux reconnaître le vote blanc comme possibilité d’exutoire civique plutôt que de laisser comme seule expression protestataire, l’abstention, nettement plus nuisible pour la démocratie.
Quoiqu’il en soit, les limites les plus importantes sont d’ordre constitutionnel. Selon l’article 7 de la Constitution, «le président de la République est élu à la majorité des suffrages exprimés». En intégrant le bulletin blanc dans les suffrages exprimés, la somme des voix des différents candidats serait inférieure à 100% impliquant alors l’hypothèse d’un vainqueur élu à la majorité relative.
Ces inconvénients ne sont pas propres à l’élection présidentielle. Dans les élections à représentation proportionnelle – et compte tenu du seuil de 5 % fixé pour la répartition des sièges – comprendre dans les suffrages exprimés les bulletins blancs s’opposerait à l’article 4 de la Constitution en ce que «la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation». Il en va de même pour les élections municipales : l’accès des partis minoritaires au second tour deviendrait encore plus difficile.
C’est pourquoi Guy Carcassonne[2] propose de comptabiliser les votes blancs distinctement des votes nuls, sans qu’ils soient considérés comme des suffrages exprimés. Le but étant de permettre aux électeurs insatisfaits de l’offre politique d’être «entendus», d’adresser un message politique aux élus, si tant est que leur nombre s’élève dans des proportions notables.
La dernière proposition de loi a été présentée le 18 octobre dernier (par les députés JP. Grand, M. Bernier, G. Geoffroy et M. Raison) : elle additionne à la reconnaissance du vote blanc l’obligation du droit de vote et l’inscription d’office sur les listes électorales.
Loubna ZRARI
Notes
[1] Samuel Zaoui, Le vote blanc. Approche historique et sociologique d’une déviance électorale, mémoire de DEA de science politique, université de Paris I, 1993.
[2] Proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections (4 mars 2011). |
Pour en savoir plus
www.conseil-constitutionnel.fr
Ouvrage de Bruno Gaccio et Marie Naudet, Blanc c’est pas nul.
Article de Dominique Pauvert-Ropars, « Le vote blanc ». |