L’attribution du contentieux du RSA aux tribunaux administratifs résultant de la loi du 1er décembre 2008 semble s’inscrire dans un mouvement global tendant à étendre le champ de compétence du juge administratif dans le domaine social, au dépend des juridictions sociales spécialisées.
L’attribution du contentieux du RSA aux tribunaux administratifs
Tout en généralisant le RSA, la loi du 1er décembre 2008 a, par une modification subtile de l’article L134-1 du code de l’action sociale et des familles, confié le contentieux s’y rapportant aux tribunaux administratifs, juridictions administratives de droit commun. La difficulté principale tenait au fait que le RSA devait remplacer deux prestations d’aide sociale – le revenu minimum d’insertion (RMI) et l’allocation de parent isolé (API) – dont le contentieux relevait de deux juridictions spéciales différentes : la commission départementale d’aide sociale (CDAS) pour le RMI et le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) pour l’API. C’est une solution alternative qui a été retenue.
Un mouvement d’extension de la compétence des tribunaux administratifs dans le domaine social
L’attribution du contentieux du RSA aux tribunaux administratifs semble s’inscrire dans un mouvement d’ensemble, tendant à étendre le champ de compétence des juridictions administratives de droit commun dans le domaine social, au dépend des juridictions administratives spécialisées. Le mouvement semble avoir été amorcé par la loi du 11 février 2005 qui a supprimé les commissions départementales des travailleurs handicapés (CDTH) et transféré le contentieux des travailleurs handicapés aux tribunaux administratifs. Dans le même esprit, la loi du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable, a donné compétence aux tribunaux administratifs pour connaître du contentieux du DALO. La loi du 1er décembre 2008 paraît s’inscrire dans cette même tendance et accroît encore le champ de compétence du juge administratif dans le domaine social.
Vers une simplification des règles de compétence et un assainissement du contentieux social ?
Souvent présentées comme bénéficiant d’un degré d’expertise supérieur, les juridictions sociales spécialisées semblent également mieux appropriées au public concerné. Néanmoins, ces juridictions ont subi de fortes critiques, tant concernant la méconnaissance des principes du procès équitable (v. not. L’impossible mission du juge de l’aide sociale, J-M Belorgey, RDSS 2007, p. 493), que concernant la complexité de la répartition du contentieux entre elles et les juridictions de droit commun.
Les évolutions récentes doivent sans doute être mises en perspectives avec l’étude du Conseil d’Etat sur les juridictions sociales spécialisées, adoptée en décembre 2003 (L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, étude, La documentation française, 2003). Par le biais de cette étude importante, le Conseil d’Etat souhaitait lancer une réflexion sur la répartition du contentieux dans le domaine social. Il allait jusqu’à évoquer, sans pour autant le préconiser, le scénario d’un transfert intégral du contentieux social aux juridictions administratives de droit commun. Confirmant l’analyse du Conseil d’Etat, le Professeur Pierre Delvolvé relevait que la prolifération des juridictions sociales conduisait « à un émiettement préjudiciable à l’unité de la justice et à la cohérence de la jurisprudence ». Il affirmait alors sans détour : « une remise en ordre paraît nécessaire. Elle conduirait logiquement à confier aux tribunaux administratifs ce qu’ils ont vocation à examiner » (Rapport de synthèse du colloque du 15 octobre 2004 sur l’avenir des tribunaux administratifs, JCP A, 2005, 1302). Ces recommandations semblent avoir été entendues, et suivies d’effets.
Reste à savoir si le choix des tribunaux administratif pour connaître du contentieux social conduira vraiment à l’amélioration de la situation des justiciables. La mise en place systématique de recours administratifs préalables obligatoires, la complexité de la procédure et son caractère écrit sont déjà de véritables obstacles pour des personnes bien souvent dépourvues de moyens pour faire valoir leurs droits en justice.
Jean Baptiste Chevalier
Pour en savoir plus : |
Loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion
L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, étude, La documentation française, 2003
Rapport de synthèse du colloque du 15 octobre 2004 sur l’avenir des tribunaux administratifs, JCP A, 2005, 1302 |