Gare aux mauvais payeurs ! Les établissements bancaires bénéficient désormais d’un principe de divisibilité de la prescription quant à l’action en paiement d’une dette payable en termes successifs. En février dernier, la Cour de cassation a modifié sa position pourtant récente, et opéré un revirement de jurisprudence important en rendant quatre arrêts en date du 11 février 2016 [1] favorables aux établissements bancaires.
L’état antérieur : l’unité de la prescription
Auparavant, la Cour de cassation tenait une position désavantageuse à l’égard des établissements bancaires, puisqu’elle estimait que le point de départ du délai de prescription de deux ans énoncé par l’article L. 137-2 du Code de la consommation se situait au jour où « le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée soit, en cas d’action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé »[2].
C’est ainsi qu’à partir du premier incident de paiement constaté de l’emprunteur, les établissements bancaires disposaient de deux ans pour agir en justice. Cette position emportait, pour ces derniers, de lourdes conséquences, puisque les établissements bancaires devaient exercer une action en justice précipitée avec une possibilité réduite de règlement du litige par des voies amiables – qui sont, sommes toutes, plus rapides.
Pourtant, le Code de la consommation permet aux établissements de crédit et aux emprunteurs, de trouver des solutions adaptées à chaque situation et ainsi éviter de recours longs et coûteux, ainsi que l’illustre les délais de paiement[3] ou la majoration des taux d’intérêtst[4].
La situation actuelle : la division de la dette et de la prescription
Les faits d’espèce des arrêts de revirement étaient à nouveau une illustration de ces difficultés. Des consommateurs avaient souscrit un prêt immobilier auprès d’établissements bancaires : suite à des échéances impayées, la déchéance du terme a été prononcée et une action en paiement de la totalité de l’emprunt a été engagée.
Compte tenu de la position antérieure de la Cour de cassation, les faits étaient prescrits, et lesdits établissements bancaires se retrouvaient sans recours possible. Mais les juges du Quai de l’horloge viennent modifier leur position en affirmant : d’une part, que le délai de prescription est propre à chaque échéance ; d’autre part, que le dépassement du délai de prescription pour une partie de la dette n’emporte pas d’incidence sur le reste de la dette à échoir puisque « l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité »[5]. La prescription commence donc à courir à partir de la prononciation de la déchéance du terme – celle-ci ne pouvant être prononcée que par le créancier.
Cette solution nouvelle mérite deux remarques. Il semble que la Cour de cassation vient, d’une part – en étendant le temps de négociation – appuyer la protection des consommateurs à l’instar de la « ligne de conduite » du législateur, et d’autre part, avantager les établissements bancaires à mettre en place des solutions alternatives à une classique action en paiement devant les tribunaux.
Kathleen Bluteau
Pour aller plus loin
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[1] Civ. 1ère, 11 févr. 2016, n° 14-22.938 ; Civ. 1ère, 11 févr. 2016, n° 14-28.383 ; Civ. 1ère, 11 févr. 2016, n° 14-27.143 ; Civ. 1ère, 11 févr. 2016, n° 14-29.539.
[2] Civ. 1ère, 10 juil. 2014, n° 13-15.511, Bull. civ. I, n° 138.
[3] C. consomm., art. L. 313-12.
[4] C. consomm., art. L. 313-22.
[5] Civ. 1ère, 11 févr. 2016, n° 14-27.143.