Le 12 avril 2011 le Gouvernement a arrêté les grandes lignes de son projet de réforme de la fiscalité du patrimoine, mais il faudra attendre le 11 mai pour en connaitre l’exact contenu, date à laquelle ce dernier devrait être présenté en Conseil des Ministres.
Le projet se dessine autour de quatre grandes lignes
La suppression du bouclier fiscal est annoncée. Son objectif était d’inciter les contribuables à maintenir leur domicile fiscal en France, et par conséquent, à s’acquitter de l’impôt sur le sol français. Ainsi, depuis 2008 le Code général des impôts dispose en son article premier que « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50% de ses revenus ».
Le système actuel permet donc de ne pas subir d’imposition au-delà de 50% des revenus du contribuable (les taxes concernées étant : l’impôt sur le revenu, l’impôt de solidarité sur la fortune, les contributions et prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, d’activité et de remplacement ou sur les produits de placements, la taxe d’habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties concernant la résidence principale et certaines taxes additionnelles). Si tel est le cas, l’Etat rembourse au contribuable l’excédent d’imposition qui est par conséquent indu.
Le bouclier fiscal fut considéré lors de sa mise en place comme le remède à l’imperfection de l’ISF, mais décrié aussi bien par la majorité que par l’opposition, le Gouvernement semble faire le choix d’y renoncer.
Les chiffres du bouclier fiscal en 2010 (Source : Le Figaro) :
– C’est 18 764 contribuables qui en bénéficient
– La facture s’est élevée à 678, 99 millions d’euros pour l’Etat
– Le gain moyen par contribuable est de 36 186€
– Les 9.789 foyers fiscaux les moins aisés se sont vus rembourser 559 euros chacun
– Les 1.169 foyers fiscaux les plus aisés se sont vus rembourser 362 000 euros par foyer.
Il est donc un fait que sa suppression engendrerait une économie pour l’Etat, mais à l’inverse les contribuables qui jusqu’à présent bénéficiaient d’un chèque de la part du Trésor en remboursement du surplus d’imposition, ne vont plus y trouver leur compte.
Ainsi, une réforme est très attendue sur l’ISF, dans un premier temps on a annoncé sa mort, puis le Gouvernement a finalement décidé de le conserver en l’aménageant.
L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ne sera pas supprimé. En effet, il pouvait sembler utopique de supprimer cet impôt à forte résonnance idéologique, qui depuis sa création en 1982 par le Gouvernement Mauroy sous le nom d’impôt sur les grandes fortunes (IGF), incarne le « Robin des bois » des temps modernes en prenant aux « riches » pour redistribuer aux « pauvres » (il servait, en partie, à financer le RMI).
A cet égard, en plus d’être une quasi-exception française et n’ayant plus le vent en poupe, cet impôt ne prend pas uniquement aux grandes fortunes, puisque les foyers dont le patrimoine immobilier a fortement augmenté ces dernières années se sont trouvés assujettis à l’ISF sans pour autant avoir les moyens de s’en acquitter à long terme.
D’où l’idée voulue par le Gouvernement d’un aménagement de cet impôt. Le ticket d’entrée est aujourd’hui fixé à 800 000€ selon un barème progressif. Si le projet de l’exécutif voit le jour, les patrimoines inférieurs à 1 300 000€ n’auront plus à s’acquitter d’ISF, le barème se fera dès le premier euro de patrimoine selon deux tranches, et simplifiera donc l’actuel qui en est composé de six.
En définitive, ceux qui payaient l’ISF devraient voir leur imposition réduite, à l’exception toutefois de ceux qui bénéficiaient du bouclier fiscal comme nous venons de le voir.
Les chiffres (Source : Fiscal online) :
-Aujourd’hui 600 000 personnes s’acquittent de l’ISF
-Avec la réforme 300 000 foyers devraient y échapper
-Ainsi le coût annoncé de la suppression devrait être de 800 millions d’euros pour le Trésor
Si suite à la suppression du bouclier fiscal, on tente de satisfaire les perdants de cette réforme en allégeant l’ISF, il y a toujours un manque à gagner pour les finances publiques de 800 millions d’euros.
Ainsi, le Gouvernement envisage différentes pistes. Tout d’abord le régime de l’assurance vie ne devrait pas subir de modifications, mais on devrait réinstaurer une « exit tax » et alourdir les donations ainsi que les successions.
L’assurance vie ne sera pas mise à contribution pour compenser le manque à gagner dû à la suppression de l’ISF. Si elle a pu être un temps sur la « sellette », le Gouvernement a confirmé le 12 avril qu’elle subsistera sous sa forme actuelle.
En effet l’assurance vie a toujours été la coqueluche des français (avec le livret A) en raison de ses avantages fiscaux, dans la mesure où son imposition sur les plus-values après 8 ans est attractive (si le contribuable ne touche pas à son placement pendant les 8 premières années, les plus values seront exonérées), de même que son exonération aux droits de successions quand le versement est fait avant 70 ans. Enfin, son utilisation comme un complément de retraite semble être un palliatif intéressant aux lacunes de notre système de retraite par répartition.
Quoi qu’il en soit, même si à ce jour l’assurance vie n’est pas touchée par la réforme de la fiscalité du patrimoine, il est raisonnable d’attendre le débat parlementaire pour tirer des conclusions et voir si certains « ajustements » ne seront pas effectués quant à ce système.
Puisque pour compenser l’allègement de l’ISF, la suppression du bouclier fiscal ne suffit pas, et parce qu’on ne touche pas à l’assurance vie, le Gouvernement semble faire le choix de s’orienter vers la résurgence d’une « exit taxe ».
Le Gouvernement prévoit la réinstauration d’une « exit tax » de 19% sur certaines plus-values de cessions de titres. Nous avions connu par le passé une « exit tax » en France, mais cette dernière avait du être supprimée en 2005 suite à une décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE. 11 mars 2004), qui avait condamné la France pour « entrave à la liberté d’établissement au sein de l’UE ».
Ainsi, cette taxe aurait pour but d’éviter l’évasion fiscale en imposant les résidents qui partent de France pour profiter de leur plus-value à l’étranger.
Selon le Gouvernement la différence par rapport à la précédente « exit tax », qui s’était soldée par un échec, est que le prélèvement serait effectué lors de la cession des titres et non lors du changement de domicile fiscal afin d’être conforme à la décision que nous venons d’évoquer et qui, rappelons-le, interdit de taxer les personnes physiques du seul fait du changement de domicile fiscal.
Nous pouvons donc d’ores et déjà imaginer qu’au cours du débat parlementaire des questions vont se poser sur la conformité de cette « exit tax » pourrait au droit de l’Union, et si l’impératif de lutte contre l’évasion fiscale justifie la mise en place de cette taxe.
Enfin, le Gouvernement a choisit d’alourdir les donations et les successions afin de compenser l’allègement de l’ISF.
V. L’alourdissement des donations et des successions
La réforme des successions initiée en 2007 va finalement subir quelques modifications substancielles.
Dans un premier temps, ce qui est aujourd’hui appelé le « délai de non rappel fiscal des donations », et qui est de 6 ans depuis 2006, devrait être à nouveau porté à 10 ans.
Concrètement, cela signifie qu’aujourd’hui lorsqu’un parent consent une donation à son enfant en 2011, il doit attendre 2017 pour utiliser à nouveau l’abattement (il s’agit aujourd’hui d’un abattement de 159.000 euros à chacun de ses enfants limité à une fois tous les six ans).
Si la réforme est mise en place, ce même parent devra attendre 2021, donc dix ans, pour en profiter.
Dans un second temps, le Gouvernement envisage de supprimer tout simplement les droits applicables aux donations. C’est-à-dire la fin des avantages fiscaux liés aux donateurs qui aujourd’hui bénéficient d’une réduction de 50% des droits s’ils ont moins de 70 ans et qu’il s’agit d’un bien donné en pleine propriété.
Dans un troisième temps, il est envisagé d’augmenter de cinq points le taux des deux dernières tranches du barème des donations en ligne directe. Aujourd’hui elles sont de 25 et 40%, avec la réforme elles passeraient à 40 et 35% et concerneraient donc les héritages de plus de quatre millions d’euros.
Voici donc les grandes lignes du projet de réforme de l’exécutif dont le contenu pourra subir diverses modifications en raison d’éventuels amendements au cours du débat législatif, le vote ne devant intervenir que courant juillet.
Jérémy CHARBONNEAU