Poenalia sunt restrigenda : corollaire du principe de légalité criminelle


 

Suite à  la mise en place, le 21 juin 1999, du « Groupe d’Etude sur la Responsabilité pénale des décideurs publics » (commission Massot), pour palier la vague de mise en cause d’élus locaux et de fonctionnaires de l’éducation nationale, il a été déposé le 7 octobre 1999 par le sénateur FAUCHON une proposition de loi qui a donné lieu à la : loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.



 

 

Aussi, il convient d’introduire l’étude de cet arrêt, en rappelant que c’est au visa de l’article 593 du code de procédure pénale et de l’article 322-5 du code pénal, que la haute juridiction a prononcé à plusieurs reprises l’attendu suivant : « le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime »1.

 

En l’espèce, un individu, alors qu’il travaillait dans le grenier d’un casino pour le compte d’une entreprise afin d’assurer la maintenance du système de chauffage et de climatisation a jeté sur le sol un mégot de cigarette mal éteint.

 

Par un arrêt confirmatif, la CA de Besançon condamne l’individu pour dégradation involontaire par explosion ou incendie dû à un manquement à une obligation de sécurité. Les juges du fond relèvent tout d’abord que l’individu avait eu directement conscience que l’apparition des premières flammes dans le grenier était la résultante de son action antérieure « le jeu du mégot de cigarette mal éteint ». De plus, ils précisent « que la rapidité avec laquelle le feu s’est propagé explique le peu de temps écoulé entre le moment où le mégot a été jeté et celui où il a constaté l’apparition des premières flammes ».

 

– Précision cruciale : pour retenir l’infraction prévue par l’article 322-5 du code pénal

 

Dans cet arrêt rendu en date du 5 février 2009, la cour d’appel de Besançon s’est cantonnée à démontrer la responsabilité de l’auteur direct par la commission d’une simple faute d’imprudence. Or, il apparaît que ceci se révèle bien insuffisant pour retenir l’existence d’une destruction involontaire telle que définie par l’art 322-5 alinéa 1 du code pénal.

 

Ainsi, pour un lecteur averti, plusieurs préoccupations surgissent : en quoi ces diligences ne sont pas normales au regard de l’article 121-3 alinéa 3 du code pénal, et adaptées aux risques prévisibles ? Enfin, doit-on préciser la nature et/ou la source de cette obligation ?

 

 

Code pénal

 

 

La solution rendue par la chambre criminelle de la cour de cassation, dans un arrêt du 12 janvier 2010(2) n’est plus à marquer du sceau de la nouveauté en ce qu’elle énonce qu’une juridiction ne peut condamner un individu « à un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévu par la loi ou le règlement, si les juges ne précisent pas la source et la nature de cette obligation ». En effet, la chambre criminelle dans un arrêt en date du 18 juin 2002 (3) énonçait déjà que la décision retenant la culpabilité d’un individu due à un manquement à une obligation de sécurité prévu par la loi sans préciser la source et la nature de cette obligation encourrait la cassation.

 

La portée de cet arrêt du 12 janvier 2010 rendu par la chambre criminelle, n’est pas sans intérêt, car il ressort de cette décision qu’à la différence de la plupart des infractions non intentionnelles, il incombe au juge du fond, pour retenir la culpabilité d’un individu responsable du délit de dégradation involontaire par explosion ou incendie prévu par l’art 322-5 alinéa 1 du code pénal, de démontrer la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence de nature légale ou réglementaire. Ceci permettant alors d’établir véritablement la faute du prévenu.

 

La chambre criminelle de la haute juridiction manifeste donc, une fois de plus son attachement au respect du principe de l’application stricte de la loi pénale prévu par l’article 111-4 du code pénal, en s’efforçant d’appliquer strictement la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000.

 

 

Enguerran Kabila



Notes

 

[1] Crim, 19 octobre 2004, N° 07-81.290 : Incendie de bois, forêts et terrains; Crim, 21 novembre 2007, N° 07-81.290.

 

[2] Crim, 12 janvier 2010, N° 09-81.936

 

[3] Crim, 18 juin 2002, N° 01-86.539 Bulletin criminel 2002 N° 138 p.506

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