PMA et GPA : évolution française et européenne

A la veille d’un grand débat national sur la PMA, il semble utile de comprendre les enjeux juridiques, notamment au niveau européen, en matière de droits de l’enfance.

La différence entre PMA et GPA

La PMA

La PMA (Procréation médicalement assistée) est déjà un dispositif légal en France, institué par une loi du 30 juillet 1994 et modifié par une autre du 6 août 2004. L’objectif de la PMA est de concevoir un enfant sans rapport sexuel afin de pallier les carences dans la fonction procréatrice. La PMA est légale pour contrer la stérilité ou pour éviter la transmission d’une maladie de la part d’un parent à l’enfant. L’exigence initiale (de 1994) pour pratiquer une PMA était qu’elle provienne d’un couple marié ou vivant ensemble depuis au moins 2 ans et en âge de procréer. La loi de 2004 ne maintient plus que l’exigence d’un homme et d’une femme en couple et vivant, toujours en âge de procréer. Ainsi tout décès, toute séparation ou toute rupture du consentement d’un membre du couple ainsi qu’une ménopause de la femme interrompt le processus de PMA. Seuls des centres spécialisés peuvent procéder à la PMA. Le donneur doit toujours être consentant et anonyme.

La GPA

La GPA (Gestation pour autrui) est une technique de procréation par laquelle une femme porte l’enfant à naître d’un couple afin que l’enfant se développe dans son utérus. L’ovule peut être issu de la mère génétique de l’enfant ou directement de la mère porteuse.  Suite à la naissance de l’enfant, un certificat de naissance est remis. Les parents figurant sur celui-ci dépendent du régime en vigueur dans le pays de naissance. Ils peuvent être les parents d’intention, le ou les parents ayant fourni le matériel génétique, ou encore le père génétique et la mère porteuse. La GPA est une technique qui est potentiellement réalisable par tout couple comportant un homme (homme-homme, homme-femme). Elle pourrait même être réalisée par un homme seul. Cependant, il y a aujourd’hui une opposition légale et jurisprudentielle à la GPA en France. Le droit français interdit la convention qui porte sur gestation pour autrui. (art 16-7, 16-9 du code civil). Les GPA doivent donc se faire à l’étranger. Ainsi, jusqu’en 2013, la Cour de Cassation refusait toute transcription du certificat de naissance, peu importe la législation du pays de naissance de l’enfant, et donc toute adoption.

La principale différence entre la PMA et la GPA est qu’il n’est pas illégal de procéder à une PMA à l’étranger, contrairement à la GPA. Cela provoque une véritable différence de traitement pour ceux ayant recours à la PMA à l’étranger.

L’enjeu français et européen en matière de droits de l’enfant

 L’évolution en matière de PMA

Certains couples de femmes ont procédé à l’insémination artificielle à l’étranger. L’une des deux femmes du couple porte l’enfant et l’autre l’adopte. Le Tribunal de Grande Instance de Poitiers a alors posé la question de la légalité d’une telle pratique le 23 juin 2014. Celui-ci se demande donc si une femme peut réaliser l’adoption plénière de l’enfant de sa conjointe, enfant issu d’une PMA réalisée à l’étranger, même si la PMA serait refusée pour un couple de femmes en France. Deux droits sont avancés pour reconnaître la demande d’adoption plénière suite à la PMA faite à l’étranger : d’une part celui de l’intérêt supérieur de l’enfant et d’autre part celui à la vie privée. Ce sont des droits reconnus à la fois par des traités et des sources constitutionnelles.

La réponse de la Cour de Cassation (22 septembre 2014 n°15011) est que l’adoption de l’enfant issu de PMA à l’étranger est possible, à la fois au nom de la vie privée et de l’intérêt supérieur de l’enfant. La seule exigence de la Cour de Cassation est que les conditions légales de l’adoption soient réunies, c’est-à-dire que l’adoption soit conforme au droit français et qu’elle soit conforme à l’intérêt de l’enfant. Une seconde évolution a ensuite eu lieu en matière de PMA : dans une décision du Conseil d’Etat du 31 mai 2016 (n°396848), le Conseil a statué sur la décision suivante : dans un couple qui planifiait une PMA, le conjoint est décédé avant la réalisation de la PMA. Le décès du conjoint en droit français fait normalement perdre le droit à la femme de poursuivre la PMA.

Le Conseil d’Etat va admettre que la PMA ne peut pas se faire en France, mais prend en compte la nationalité espagnole de la veuve et fait transmettre les gamètes de cette dernière en Espagne, là où la loi espagnole autorise l’insémination de la femme. Ainsi, la conception initiale de la PMA a grandement changé. Elle était d’abord réservée à un couple hétérosexuel, pour éviter la transmission d’une maladie ou pour pallier l’infertilité.  Il est maintenant possible d’avoir recours à des PMA à l’étranger avec adoption plénière. On accepte aussi des cas d’exportation des gamètes à l’étranger pour les femmes veuves ayant déposé des demandes de PMA qui remplissaient les critères de la loi française.

L’évolution en matière de GPA

Contrairement à la France, certains Etats acceptent la GPA (Canada, Etats-Unis, Russie, Ukraine, etc.), donc des personnes vont y avoir recours à l’étranger. La question qui se pose est celle du retour de l’enfant et de la transcription dans l’état civil français des actes de naissance d’enfants nés de GPA à l’étranger. Un des nœuds du problème est : qui est la mère ? Le droit français considère que la mère est celle qui a accouché de l’enfant. Jusqu’en 2013, la Cour de Cassation refusait la transcription de cette filiation réalisée à l’étranger, considérant que c’est une fraude à la loi car contraire à l’art 16-7 du code civil.  De plus, le recours à la GPA en droit français est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, à l’article 227-12 du code pénal.

Mais la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a rendu plusieurs arrêts qui ont condamné la France, dont un très connu en date du 26 juin 2014 Mennesson c/ France n°65192/11. Mr et Mme. Mennesson ont eu recours à une GPA à l’étranger (en Californie) dans laquelle chacun des deux parents a contribué à ladite GPA. Le couple a fait recours devant la CEDH contre le refus de la transcription des états civils californiens dans lesquels M. et Mme. Menneson sont reconnus comme parents.

La CEDH leur a donné gain de cause au nom du droit des enfants. Elle considère qu’il y a atteinte à l’identité des jeunes filles parce que ces dernières sont privées du lien juridique à l’égard de leur père biologique. La CEDH retient ici le lien biologique avec le père mais pas avec la mère d’intention. La cour considère que le refus de transcription du lien avec le père biologique serait une atteinte à l’identité des jeunes filles. Rien n’est dit sur la filiation à l’égard de la mère. Une transcription avec la filiation paternelle est imposée par la cour. L’option qui restait à la mère d’intention était une adoption. Ce que la CEDH met en valeur est l’intérêt de l’enfant d’avoir une filiation reconnue dans l’état civil français.

La Cour de Cassation s’adapte à la décision et considère par une décision du 3 juillet 2015, qu’on peut transcrire un acte d’état civil même s’il y a eu recours à la GPA, cependant à certaines conditions.

La Cour de Cassation admet la transcription sans aucune retouche de l’état civil de l’enfant s’il figure bien dessus le nom du père biologique et de la mère porteuse. Il reste pour la mère d’intention l’option d’adopter l’enfant. La question s’est ensuite posée dans le cadre de transcription d’une GPA issue d’un couple de deux hommes dont l’un serait le père biologique de l’enfant. Par une décision rendue par la CEDH en juillet 2016 Foulon et Bouvet c/ France, la cour reconnaît que lorsque deux hommes ont recours à la GPA il est possible d’établir filiation avec le père biologique.

Un regroupement de 4 arrêts de la Cour de Cassation en date du 5 juillet 2017 viendra synthétiser la jurisprudence évolutive française en matière de GPA.

On ne doit pas transcrire la mère d’intention dans l’état civil.

On peut transcrire l’acte de naissance issue d’une GPA à l’étranger lorsque la mère porteuse y figure au côté du père biologique. La mère d’intention pourra adopter.

Cette situation vaut tout autant que le couple demandeur soit hétérosexuel ou homosexuel.

Il y a cependant une dernière évolution très récente :  la Cour de Cassation en assemblée plénière le 5 octobre 2018 a dû statuer sur l’affaire Mennesson une deuxième fois en raison de la décision de la CEDH de 2014. Pour la première fois, la cour demande un avis à la CEDH. Elle demande à la CEDH si sa jurisprudence actuelle (celle issue des arrêts de 2015 et 2017) est conforme, c’est-à-dire si la transcription de l’état civil limitée au père biologique et l’adoption simple par la mère d’intention suffirait.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a répondu le 10 avril 2019 en deux points à la demande consultative de la Cour de cassation :

-Il faut obligatoirement permettre un lien d’adoption entre la mère d’intention et l’enfant, dans l’intérêt de celui-ci.

-Chaque Etat peut choisir le moyen de le faire.

Cela s’applique à tous les pays qui sont sous la juridiction de la CEDH. D’autres tribunaux comme le TGI de Nantes ont également ouvert la voie à l’établissement de filiation par d’autres moyens que l’adoption, comme celle de la possession d’état (relations établies et vérifiées entre l’enfant et la personne dont il se dit être le fils/la fille).

A l’aube du débat sur la PMA, il faut bien comprendre que le seul moyen d’interdire des PMA à l’étranger serait de légiférer pour annuler celles qui ont déjà été reconnues et de sanctionner pénalement cette pratique. Dans le cas des couples lesbiens, il faudrait aussi revenir à la liaison entre mariage et adoption.

Une telle tentative pourrait être invalidée par le Conseil Constitutionnel qui a déjà inauguré le 11 octobre 1984 par ces mots « s’agissant d’une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son exercice est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l’exercice qu’en vue de le rendre plus effectif ».

Cependant, le juge constitutionnel français a rarement recours à cette jurisprudence en matière de droits et libertés, contrairement au juge de la CEDH. Par exemple, si la France interdisait aux couples homosexuels l’adoption d’enfants issus de PMA, la CEDH pourrait la condamner compte tenu de sa jurisprudence. Ainsi, il est extrêmement difficile aujourd’hui, sauf à dénoncer les traités qui lient la France, d’empêcher le recours à la PMA à l’étranger.

Par rapport à la GPA, bien qu’elle soit illicite en droit français, les parents peuvent aujourd’hui avoir recours à la GPA à l’étranger, laquelle permet au père biologique d’être directement lié à l’enfant et à la mère d’intention de devenir la mère adoptive de l’enfant. A nouveau, il semble difficile d’empêcher cela sauf à se retirer de la CEDH ou d’accepter les condamnations systématiques pouvant déboucher à des sanctions si l’Union Européenne y apportait son concours.

Sami Haderbache

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