Observations de la requérante dans l’affaire G. contre Namistan
Barnabás Sándor Kiss, en sa qualité du représentant de la requérante, souhaite présenter ses observations à la Cour Européenne des Droits de l’Homme concernant l’affaire G. contre Namistan (requête no 12345/17). Il sera démontré devant la Cour que le Namistan, en traitant l’affaire de la requérante, a violé certaines Articles de la Convention Europénne des Droits de l’Homme.
1. Rappel des faits
La requérante est née en 1973 et habite à Malado au Namistan. Dès le début de son mariage, elle a subi de nombreuses actes de violence commises par son époux. Elle a porté une plainte au procureur de la République de Namistan en 2006, après elle a saisi le tribunal de famille d’une action en divorce en demandant des mesures de protection aussi. Bien que le tribunal ait fait droit à sa demande, les menaces de son ex-époux ont continué. La requérante a saisi le tribunal de nouveau afin de protéger sa famille, mais les nouvelles mesures contre le père de ses enfants ne suffissaient toujours. A l’occasion de sa troisième demande en 2014, la cour a rejeté son action. Entre-temps, la procedure pénale contre son ex-mari est pendue depuis 2006.
Selon la requérante, le mauvais traitement qu’elle avait souffert lui a causé un traumatisme physique et psychologique aussi, ce dernier se manifestant dans un trouble dépressif et un stress post-traumatique. Malgré que son abus physique est terminé depuis son divorce, les menaces verbales continuent et la font craindre pour sa vie, en l’empechant de mener une vie normale. Ces allegations sont soutenues par le rapport d’un institut médico- légal et celui du service psychiatrique de la faculté de médecine de l’université de Malado.
2. En droit
2.1. Les Articles évoquées de la Convention
Dans sa requête, la requérante évoque les Articles 2,3 et 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (’la Convention’) dans sa requête. Elle allègue que l’État de Namistan a violé ces articles en traitant son affaire.
2.2. La violation de l’Article 3
2.2.1 La définition de la torture
En ce qui concerne la violation de l’Article 3, la requérante affirme être tombée victime des violences physiques et mentales. Le mauvais traitement causé par son ex-époux adhére à la définiton de la torture.
Suivant la jurisprudence de la Cour, la définition de la torture est équivalente à celle de la Convention des Nations Unies contre la torture, entrée en vigueur le 26 juin 1987 (affaires nos 22947/93 et 22948/93, Akkoç c. Turquie, § 115; et affaire no 21986/93, Salman c. Turquie, § 114): c’est une „acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne […]”1.
L’affaire à présent indique que la violence subie par la requérante pendant son mariage et les harassements verbales après son divorce sont des actions intentionellement infligées qui causent des souffrances physiques et mentales. Ces actes ne peuvent pas être estimées seulement comme des peines inhumaines ou dégradantes, car elles atteignent le niveau de la torture dans leur intensité en surpassant la limite ’de minimis’ qui distingue, à l’avis de la Cour, les actes mineures et les actes de torture (affaire no 5310/71, Irlande c. Royaume-Uni, § 162). Il peut être estimé que les occasions de violence ont eu lieu dès le début (en 1997) et continuaient jusqu’à la fin du mariage. Même après le divorce, la requérante et ses deux enfants vivent en danger perpétuel sous les menaces verbales de cet homme horrible. Quant aux effets de ces actes, les données du rapport médico-légal témoignent que le corps de la requérante a été visiblement et gravement blessé. Ces injures lui ont causé un trouble dépressif et post-traumatique. La Cour a déjà estimé dans sa jurisprudence que la souffrance mentale est une partie indispensable et importante de la définition de torture, surtout dans la violence domestique (affaire no 33234/07, Valiuliene c. Lithuanie, § 69). Par conséquence, il convient de constater que cette affaire mérite la qualification de torture.
2.2.2. La violence conjugale et la responsabilité du Namistan
La requérante voudrait évoquer la jurisprudence de la Cour qui, en nombreuses affaires, a souligné l’importance de la protection des femmes et les enfants contre la violence conjugale. Dans l’arrêt Opuz c. Turquie, il était confirmé qu’il y a une obligation positive de la part de l’État de prendre des mesures de protection sous la forme d’une prévention efficace contre la violation de l’Article 3 (affaire no 33401/02, § 176). Dans l’affaire H.L.R. c. France, la Cour rappellait que, combiné avec l’Article 3, l’obligation que l’Article 1 de la Convention impose aux Hautes Parties contractantes de garantir à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés consacrés par la Convention leur commande de prendre des mesures propres à empêcher que lesdites personnes ne soient soumises à des tortures (affaire no 24573/94, § 40). La Cour a aussi rappellé de manière constante que les enfants et autres personnes vulnérables (par ex. les femmes), en particulier, ont droit à cette protection (Opuz, précité, § 159; no 25599/94, A. c. Royaume-Uni, § 22).
La requérante considère que, selon la jurisprudence de la Cour, un État peut être tenu responsable des actes commises par les personnes privées au regard de l’Article 3 s’il ne donne pas de protection efficace aux femmes qui tombent victimes de la violence conjugale (no 8227/04, E.S. et autres c. Slovaquie, § 44).
Il peut être constaté alors sans doute que le Namistan avait une obligation positive envers la requérante. Or, le Namistan a échoué à recontrer cette obligation pour trois raisons. Ce sont les suivants:
a) Il n’y avait pas de procédure pénale efficace qui aurait été menée dans l’affaire. En 2006, la requérante a porté une plainte au procureur de la république contre son mari. Les documents médico-légaux ont été attachés au dossier de l’affaire, prouvant son raison. En dépit de ces faits, la procédure pénale n’a pas été conclu. Malgré l’accusation du mari et son audition, le procureur n’a pas initié aucun procés policiaire ou judiciaire. Le conjoint n’a jamais été arrêté; il a été inculpé seulement en 2012, six ans après la plainte. En ce moment, cette procédure est présumée pendue, alors qu’il y aurait une obligation d’enquêter pour assurer la protection des droits concernant l’Article 3 de la Convention. Dans des circonstances similaires, la Cour a déjà estimé que cette obligation s’étend aux questions concernant l’effectivité d’une enquête pénale (affaire no 39272/98, C. c. Bulgarie, § 151). Il a été constaté que le mot effectivité ne nécessite pas forcément la condamnation de l’auteur de la crime, mais l’application effective des lois (affaire no 646/10, M.G. c. Turquie, § 80).
A la lumière de la jurisprudence, il convient de conclure que le Namistan a le devoir de mettre en place un cadre des mécanismes propres à punir les actes de torture. L’absence de ces mécanismes promeut ce type de violences. Dans le cas présent, le Namistan a violé son obligation en prolongeant et ne pas concluant la procédure pénale du conjoint de la requérante.
b) Les mesures de protection auxquelles le tribunal de famille namistanais avait fait droit n’ont pas été efficaces, et le tribunal a rejeté la demande de lever le niveau de protection contre l’ex-époux. La requérante allègue qu’à côté des procédures pénales, il y a des lacunes
aussi dans les mécanismes civils de lutte contre la violence domestique. Cette allégation est soutenue par le rapport de l’organisation non-gouvernementale Human Rights Watch. La requérante a saisi le tribunal de famille quatre fois en cherchant des mesures qui previendraient son ex-mari de constituer une menace pour sa vie. Le tribunal fit droit à ses demandes trois fois, mais s’est écarté des mesures plus fortes à la quatrième fois. Par exemple, il n’a pas interdit au mari (ou ex-mari) le dérangement de la requérante par les biais de communications. Les harcèlements verbales faits par lui par voie téléphonique sont toujours présents dans la vie de la requérante, la privant d’une vie normale. La Cour a relevé que l’obligation de l’État au regard de l’Article 3 de la Convention ne peut être satisfaisante si les mécanismes de protection prévus en droit interne n’existent qu’en théorie : il faut surtout qu’ils fonctionnent effectivement en pratique (affaire M.G., précité, § 82).
Additionnellement, le tribunal de famille, en repérant la violence domestique dans cette affaire, n’a pas recouru à la notification des autres autorités de l’État, notamment le procureur et la police. En contexte de l’Article 3, l’échec de prévoir des mesures efficaces et les carences dans la coopération entre les autorités évoquent la responsiblité de l’État (affaire no 29392/95, Z. et autres c. Royaume-Uni, § 73; voir aussi, mutatis mutandis, l’affaire no 23452/94, Osman c. Royaume-Uni, § 116).
c) Selon la requérante, il y a des manquements graves dans le système de droit namistanais entier qui empèchent les victimes des violences domestiques d’avoir recours à un tribunal. La loi protégeant les individus contre les violences domestiques s’applique seulement aux membres d’une famille. Cela signifie que les femmes divorcées ne peuvent pas bénéficier d’une telle protection, similairement aux conditions dans l’affaire G. (précité, §§ 101-105). Le fait que le tribunal de famille a saisi la cour constitutionnelle namistanaise concernant des lacunes de la loi ne porte aucune pertinence dans le cas de la requérante, parce que cela n’est pas une remède efficace dans la jurisprudence de la Cour. La cour constitutionnelle n’est pas autorisée à changer le contenu des jugements qui ont été faits par le tribunal de famille, par rapport à la décision dans l’affaire Vén c. Hongrie (requête no 21495/93, non publiée).
A la lumière des arguments ci-dessus, il convient de constater qu’il y a eu une violation de l’Article 3 dans le cas de la requérante.
2.3. Article 14
La requérante allègue que le Namistan traitait son affaire d’une manière discriminatoire. Selon elle, son affaire n’a pas été prise au sérieux et l’inactivité des autorités nationales a abouti au prolongement de ses souffrances. Elle invoque alors la violation de l’Article 14 combinée avec l’Article 3.
Comme il était mentionné ci-dessus, selon le droit namistanais, les femmes divorcées ne peuvent pas recourir aux mesures de protection. Vu la carence dans le système de la protection contre la violence conjugale et la duration entière de la procedure devant le procureur et le tribunal de famille, on peut sans doute affirmer que dans cette affaire, les autorités ont fait une distinction entre une femme mariée et une femme divorcée. Après que le divorce fut prononcé, le tribunal resista d’attribuer les mesures efficaces à la requérante. Suivant la jurisprudence de la Cour, la discrimination consiste à traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables (affaire no 57325/00, D.H. et autres c. République tchèque, §§ 175-180). Cette différence donc peut être démontrée dans le cas présent. Concernant la protection des femmes, la Cour a relevé dans l’affaire Opuz la passivité généralisée et discriminatoire de la justice turque de nature à créer un climat propice à cette violence (précité, § 198). A l’avis de la requérante, le système namistanais a des similitudes remarquables au système turque, et les conclusions de la Cour s’appliquent dans son affaire aussi.
2.4. La violation de l’Article 2
Concernant la violation de l’Article 2, la requérante voudrait attirer l’attention de la Cour à l’exigence que l’État assure le droit à la vie en mettant en place une législation pénale dissuadant de commettre des atteintes contre la personne et s’appuyant sur un mécanisme d’application conçu pour en prévenir, réprimer et sanctionner les violations. Cela peut aussi vouloir dire, dans certaines circonstances, mettre à la charge des autorités l’obligation positive de prendre préventivement des mesures d’ordre pratique pour protéger l’individu dont la vie est menacée par les agissements criminels d’autrui (voir Osman, précité, § 115, et l’affaire no 7510/04, Kontrová c. Slovaquie, § 49).
Quant aux faits de l’affaire présente, les actes violantes de son ex-époux ont fait la requérante craindre pour sa vie. Les harassements, les menaces et l’absence des mesures efficaces ont placé sa vie en danger constante. Car son ex-époux n’est pas en prison, elle peut à tout moment tomber victime d’une violence prochaine. Selon la requérante, l’État de Namistan peut être tenu responsable d’avoir causé ces conditions suivant l’affaire Osman. En ce qui concerne la question si les autorités se sont tenues compte de ces actes et les harassements, on peut constater sans doute que le procureur et le tribunal de famille ont été notifiés de ces faits, contrairement aux matériels dans Osman (précité, §§ 115-121). Bien que dans l’affaire Osman une personne était morte et c’est aussi une différence, la requérante voudrait invoquer la jurisprudence de la Cour selon laquelle il n’est pas necéssaire pour la violation de l’Article 2 de la Convention qu’une morte ait eu lieu; dans ces circonstances, il y a une obligation positive de l’État pour protéger les individus contre une risque qui pose un danger sur leur vie (voir par ex. Yaşa c. Turquie, §§ 92-108, L.C.B. c. Royaume-Uni, §§ 36- 41). Dans l’affaire présente, le Namistan a violé cette obligation.
3. Demandes
En concluant ses observations, la requérante voudrait demander la Cour de constater la violation des Articles 2,3 et 14 de la Convention, et d’obliger l’État du Namistan de verser à la requérante 25,000 EUR pour dommage moral et 7000 EUR pour frais et dépens.
Barnabás Kiss
1. Article 1 de la Convention des Nations Unies contre la torture