Peut-on remettre une offre variante sans offre de base ?

Peut-on remettre une offre variante sans offre de base ?

L’offre de base est l’offre qu’un candidat à un marché public soumet au donneur d’ordre afin de répondre au besoin exprimé par ce dernier. La variante, elle, s’entend comme une offre alternative à l’offre de base qui permettrait tout autant de répondre au besoin exprimé mais dont l’initiative appartient au candidat. Autrement dit, les «variantes constituent des modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation »1. Si l’offre variante est une offre alternative à l’offre de base, cela signifie-t-il qu’elle doit être remise en complément ou à la place de l’offre de base ?

Avant d’apporter la réponse à cette interrogation, il semble utile de revenir brièvement sur le régime des variantes.

En procédure formalisée, les variantes doivent être autorisées dans le Document de Consultation des Entreprises (couramment dénommé DCE), l’acheteur public doit également présenter et définir au préalable les exigences minimales et les modalités de présentation que les variantes doivent respecter. Enfin, les variantes ne peuvent être déposées que dans les marchés pour lesquels le pouvoir adjudicateur a fixé une pluralité de critères de choix des offres.

En procédure adaptée, seule cette troisième condition applicable en procédure formalisée (pluralité des critères de choix) est obligatoire. Les exigences minimales et les modalités de mise en œuvre des variantes ne sont plus qu’une faculté laissée au pouvoir adjudicateur. Enfin, il est tout de même impératif que le pouvoir adjudicateur ne s’y oppose pas explicitement dans les documents de la consultation.

Pour mieux comprendre la possibilité ou non de remettre une variante sans offre de base, il semble opportun ou du moins plus pédagogique de différencier la question selon qu’il s’agit de pouvoirs adjudicateurs ou d’entités adjudicatrices.

1/ Remise d’une offre variante sans offre de base au pouvoir adjudicateur

L’article 50 du Code des marchés publics dispose que : « I.-Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, il peut autoriser les candidats à présenter des variantes. Le pouvoir adjudicateur indique dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation s’il autorise ou non les variantes ; à défaut d’indication, les variantes ne sont pas admises.

Les documents de la consultation mentionnent les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que les modalités de leur présentation. Seules les variantes répondant à ces exigences minimales peuvent être prises en considération.

II.-Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, les candidats peuvent proposer des variantes sauf si le pouvoir adjudicateur a mentionné dans les documents de la consultation qu’il s’oppose à l’exercice de cette faculté. Le pouvoir adjudicateur peut mentionner dans les documents de la consultation les exigences minimales ainsi que les modalités de leur présentation. Dans ce cas, seules les variantes répondant à ces exigences minimales sont prises en considération. Toutefois, la mention des exigences minimales et des modalités de leur présentation peut être succincte.

III.-Pour les marchés de fournitures ou de services, une variante ne peut être rejetée au seul motif qu’elle aboutirait, si elle était retenue, respectivement soit à un marché de services au lieu d’un marché de fournitures, soit à un marché de fournitures au lieu d’un marché de services. »

Cet article fût modifié par l’article 16 du décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique. Ledit décret est venu supprimer de l’ancienne rédaction la disposition selon laquelle « III. – Les variantes sont proposées avec l’offre de base. »2

Par conséquent, la possibilité de présenter une offre variante sans que celle-ci s’accompagne nécessairement d’une offre de base a été ouverte en 2011 pour les candidats souhaitant participer à une consultation lancée par un pouvoir adjudicateur en vue de l’attribution d’un marché public.

La justification d’une telle mesure s’inscrit dans l’une des pierres angulaires du droit des marchés publics : favoriser l’accès des Petites et Moyennes Entreprises (PME) à la commande publique. En effet, alors même qu’elles n’ont pas la capacité de proposer une offre de base, certaines PME innovantes « peuvent [ainsi] proposer des solutions alternatives tout autant adaptées au besoin »3.

Etant précisé que la possibilité de déposer une offre variante sans offre de base reste conditionnée à la circonstance que le donneur d’ordre n’ait pas exigé expressément dans l’avis d’appel public à la concurrence ou les documents de la consultation que la remise d’une offre variante devait s’accompagner d’une offre de base.

Concernant les entités adjudicatrices non soumises au Code des marchés publics, le contexte est différent mais la conclusion est similaire.

2/ Remise d’une offre variante sans offre de base à une entité adjudicatrice

L’article 22 du décret du 20 octobre 2005 dispose que : « Lorsque l’entité adjudicatrice se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, elle peut autoriser les candidats à présenter des variantes.

L’entité adjudicatrice indique dans l’avis d’appel à concurrence ou dans les documents de la consultation si elle autorise ou non les variantes.

Les documents de la consultation mentionnent les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que les modalités de leur présentation. Seules les variantes répondant à ces exigences minimales peuvent être prises en considération.

Pour les marchés de fournitures ou de services, une variante ne peut être rejetée au seul motif qu’elle aboutirait, si elle était retenue, respectivement soit à un marché de services au lieu d’un marché de fournitures, soit à un marché de fournitures au lieu d’un marché de services »4.

Le régime des entités adjudicatrices étant assurément plus souple que celui du Code des marchés publics, et donc des pouvoirs adjudicateurs, le silence des textes sur le point ici étudié doit s’entendre comme une possibilité de remettre des offres variantes sans offre de base, l’interdiction n’étant pas posée ou plutôt l’obligation de déposer une offre avec une offre variante n’étant pas posée.

Bien entendu et à l’instar des pouvoirs adjudicateurs, cette possibilité reste subordonnée au choix fait par l’entité adjudicatrice dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation par lequel elle peut obliger les candidats à remettre une offre de base pour pouvoir déposer une offre variante.

Le constat qui en résulte est donc identique tant pour les pouvoirs adjudicateurs que pour les entités adjudicatrices : il est possible de remettre une offre variante sans offre de base, sous réserve que le donneur n’en ait pas imposé le contraire dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation.

Il apparait pertinent d’apporter, en guise de conclusion, la précision selon laquelle la remise d’une offre variante sans offre de base rendra l’analyse des offres d’autant plus compliquée. En effet, il est conseillé d’analyser les offres variantes selon les mêmes critères d’attribution choisis pour les offres de base mais cela implique un choix de critères réfléchi et pensé en amont. A défaut, « les critères de choix, élaborés sur le fondement de la solution de base, pourraient apparaître comme impossibles à mettre en œuvre pour évaluer les variantes (par exemple, un critère tiré de la qualité du bois des huisseries alors que le dossier de consultation permet des variantes sur la nature des matériaux) »5.

 

Anthony Pilon

 

1 CE, 5 janvier 2011, Société Technologie Alpine Sécurité / Commune de Bonneval-sur-Arc, n° 343206

2 Version en vigueur du 1er décembre 2009 au 27 août 2011

3 Point 4.5 de la Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics

4 Une rédaction quasi-similaire a été adoptée s’agissant des pouvoirs adjudicateurs non soumis au Code des marchés publics à l’article 21 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 à la réserve près que l’alinéa 2 est rédigé comme suit : « Le pouvoir adjudicateur indique dans l’avis d’appel à concurrence ou dans les documents de la consultation si elle autorise ou non les variantes ; à défaut d’indication, les variantes ne sont pas admises ». Le silence des textes sur ce dernier point concernant les entités adjudicatrices s’interprète alors comme l’idée d’un « principe de liberté des variantes » pour reprendre les termes de Nicolas Charrel, avocat au barreau de Montpellier qui a commenté l’Ordonnance 2005-649 et ses décrets d’applications aux Editions Le Moniteur. En pratique, les entités adjudicatrices précisent si elles autorisent ou non les variantes dès l’avis d’appel à concurrence.

5 GUILLON-COUDRAY S., « Évaluation des besoins et recours à variante », Revue Contrats Publics, n°140 Février 2014, p.56

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