Perturbateurs endocriniens, la Commission européenne condamnée pour son inaction

Le mercredi 16 décembre 2015, un fait rare a eu lieu. Le Tribunal de l’Union européenne a condamné la Commission européenne pour avoir manqué à ses obligations concernant les perturbateurs endocriniens.

    En vertu du règlement de 2012 sur les biocides, Bruxelles aurait dû publier au plus tard le 13 décembre 2013 les critères scientifiques permettant de réglementer ces molécules de synthèse présentes dans une variété de produits courants. Cette définition devait permettre d’encadrer la commercialisation des produits contenant ces substances. Or la Commission n’a pas encore adopté de tels actes(1).

Un danger réel

    Malgré un terme qui peut paraitre flou, les perturbateurs endocriniens sont présents dans de nombreux produits du quotidien(2) comme les biberons, jouets, pesticides, ou vernis à ongles et ils sont dangereux. En effet pour la santé, les enjeux sont énormes, de nombreux chercheurs soupçonnent ces perturbateurs endocriniens d’être un facteur d’augmentation de certains troubles comme l’infertilité ou des troubles métaboliques, mais aussi de certaines maladies comme les cancers hormono-dépendants. Une question de santé publique donc, mais aussi économique ; la part de ces maladies et troubles chroniques attribuable aux perturbateurs endocriniens coûte chaque année à l’Union européenne plus de 157 milliards d’euros soit environ 1.23% du produit intérieur brut de l’Union selon une série d’études conduites par une vingtaine de chercheurs américains et européens parue dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism(3).

    Le tribunal de l’Union européenne, l’une des deux juridictions de l’organisation, avait été saisi par la Suède en juillet 2014 d’un recours en carence contre la Commission devant la lenteur de la démarche. Un tel recours permet de saisir la Cour lorsqu’une institution européenne était tenue d’adopter un acte mais qu’elle ne l’a pas fait. Ce recours est ouvert aux États membres mais aussi aux institutions de l’Union européenne et dans certaines circonstances aux personnes physiques ou morales. La Suède, membre de l’organisation depuis 1995, a été suivie dans son action par la France, le Danemark, la Finlande et les Pays-Bas, mais également par le Conseil européen et le Parlement strasbourgeois.

Un rappel à l’ordre inhabituel de la Commission

    Ce genre de recours de la part d’un État membre contre la Commission est extrêmement rare. Avec cette affaire, ceci ne s’est produit que quatre fois au cours des dix dernières années et jamais la Commission n’avait été condamnée.

    Dans sa défense devant le Tribunal, la Commission avait plaidé la nécessité de conduire une « étude d’impact », avant de définir scientifiquement les critères englobant les perturbateurs endocriniens. Un délai qui lui aurait permis d’évaluer le fardeau économique que représenterait une telle règlementation pour les entreprises. Un argument qui a été écarté par le Tribunal.

    Bien entendu, aucune sanction pécuniaire ne sera infligée à la Commission, mais comme le soulignent de nombreux commentateurs c’est un véritable rappel à l’ordre. La victoire de la Suède devrait permettre d’accélérer la concrétisation d’une définition européenne des perturbateurs endocriniens puisque l’arrêt rendu impose désormais à la Commission de remédier à son inaction dans un délai raisonnable. La Commission ayant déjà deux années de retard, elle ne pourra pas attendre une année supplémentaire avant d’agir.

Pour en savoir plus :
(1) T‑521/14 Royaume de Suède contre Commission européenne,
(2) http://www.asef-asso.fr/problematiques-emergentes/nos-syntheses/1553-les-perturbateurs-endocriniens-des-substances-toxiques-qui-nous-entourent-la-synthese-de-l-asef
(3) http://www.lemonde.fr/medecine/article/2015/03/05/les-perturbateurs-endocriniens-coutent-plus-de-150-milliards-d-euros-par-an-a-l-europe_4588381_1650718.html

http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/fonctionnement/controle-pouvoir/quel-type-controle-exerce-cour-justice-union-europeenne.html

Dimitri KERNEL

M1 Droit International à Université Jean Moulin Lyon 3

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.