Ça n’arrive pas qu’aux autres. Et quand ça vous arrivera, vous serez seul. Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui amplifie les prérogatives du procureur de la République au détriment des pouvoirs du juge d’instruction, ne renforce pas pour autant les garanties de la défense, en oubliant notamment son droit d’être assisté par un avocat.
A l’heure actuelle, si la procédure pénale n’interdit pas explicitement l’assistance par un avocat lors d’une perquisition, elle ne la prévoit pas non plus expressément. L’avocat est donc confronté à une absence de statut lors des perquisitions, entrainant de nombreuses incertitudes pour le perquisitionné.
Bref rappel sur la perquisition
Que ce soit par un officier de police judiciaire sous le régime du flagrant délit[1] et de l’enquête préliminaire[2], ou d’une commission rogatoire à la demande du juge d’instruction[3], la perquisition prend la forme d’une fouille pouvant aboutir à des saisies. A défaut, une simple observation superficielle du lieu perquisitionné sans recherches approfondies ne constitue qu’une simple « visite ».
Son ambition est de recueillir chez la personne perquisitionnée les objets ou données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité. Elle a ainsi une double vocation, celle de trouver des preuves et, si nécessaire, celle de les confisquer.
En matière fiscale et en droit de la concurrence, il est fréquent qu’elle soit réalisée par les autorités de régulation ou par les administrations telles que l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les douanes ou le fisc.
Les règles de la perquisition s’intéressent notamment à la présence et à l’assentiment de l’individu perquisitionné, au placement sous scellés des objets saisis, ou encore aux possibles retenus sur place d’individus. Elles prévoient également que, sauf exceptions, la perquisition doit commencer entre 6 heures et 21 heures, mais peut se terminer à toute heure du jour ou de la nuit.
S’agissant du régime de l’assentiment du perquisitionné, en matière de flagrance d’abord, dès lors que le perquisitionné « parait »[4] avoir participé à l’infraction ou détenir des pièces, l’officier de police judiciaire qui procède à la perquisition n’a pas à requérir l’autorisation de cette personne. Il suffit donc d’établir une simple vraisemblance.
En matière d’enquête préliminaire, pour les crimes et délits punis de plus de 5 ans d’emprisonnement (bientôt seulement 3 ans[5]), il est également possible de déroger au principe du recueil de l’accord écrit, en demandant l’autorisation au juge des libertés et de la détention (JLD).
Par ailleurs, toute personne présente lors de la perquisition peut être retenue sur place par l’officier de police judiciaire, sans limite de temps autre que le « temps strictement nécessaire »[6].
Toutes les autres mesures privatives de liberté sont temporellement circonscrites dans des délais[7], à l’ultime exception de la retenue dans le cadre d’une perquisition.
Le régime de la perquisition est donc extrêmement attentatoire aux libertés fondamentales, notamment au droit de propriété, mais également en ce qu’elle constitue une réelle invasion dans la vie privée des personnes perquisitionnées. Finalement c’est une procédure plus violente qu’une garde à vue, par bien des aspects, et pourtant, contrairement à cette dernière, le droit d’être assisté par son avocat n’a jamais fait l’objet d’inscription dans le code de procédure pénale.
En son alinéa 2, l’article 56 CPP dispose que l’officier de police judiciaire a « l’obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ».
Or, le premier droit de la défense ne consisterait-il pas à accorder au perquisitionné la présence de son avocat ?
La plupart du temps, le perquisitionné ne connaît pas ses droits et se trouve alors, seul et impuissant face aux officiers de police, et si, à l’inverse, il essaye de les empêcher de réaliser les fouilles, il encourt de lourdes peines pour obstruction à la justice.
La présence d’un avocat permettrait ainsi de rétablir l’équilibre, de renforcer la présomption d’innocence, en théorie encore totale à ce stade, et de faire inscrire dans le procès-verbal de perquisition tout élément contrevenant à la procédure, de façon à le faire valoir par la suite et potentiellement obtenir la nullité de la perquisition et de ses effets.
Saisie de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) s’agissant de la méconnaissance par des articles 56 et 76 CPP du droit d’être assisté par son Conseil lors d’une perquisition, la Cour de cassation a refusé de les transmettre au Conseil constitutionnel, au motif que « l’assistance d’un avocat n’est pas requise pendant leur [les perquisitions] exécution et ne devient nécessaire que si la personne concernée est retenue contre sa volonté ». Elle ajoute que « les perquisitions sont des actes de procédure qui peuvent être accomplis sans que la personne concernée soit sous la contrainte »[8]. Quid alors si elle est sous la contrainte ?
Si la possibilité d’être accompagné par son avocat a bénéficié d’une extension récente dans bien d’autres domaines[9], l’avancée salvatrice attendue en matière de perquisition aurait pu provenir du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
La modification du projet de loi par le Sénat
Ce projet, qui a notamment pour objectifs la simplification et le renforcement de l’efficacité de la procédure, élargit encore les possibilités de recours aux perquisitions[10] et donne de nombreux pouvoirs supplémentaires au procureur de la République au détriment du juge d’instruction, sans promettre en contrepartie des garanties supplémentaires aux droits de la défense.
Lors de sa 1ère lecture achevée le 23 octobre 2018, la Commission du Sénat a amendé le projet, exigeant notamment l’inscription à l’article 56 du CPP d’un second alinéa rédigé en ces termes : « la personne chez qui l’officier de police judiciaire se transporte peut être assistée de son avocat ».
Des avis divergents sur ce point ont pu être entendus lors de la séance publique de débats du 10 octobre 2018.
Les opposants à cette disposition, à savoir principalement les membres du gouvernement et Sénateurs affiliés au même parti, estiment tout d’abord qu’elle constituerait une complexification majeure de la procédure pénale, que les exigences européennes n’imposent pourtant pas[11].
Ensuite, le Gouvernement, pris en la personne de son Garde des Sceaux, Madame la Ministre Belloubet, évoque la difficulté pratique de mise en œuvre de ce processus, qui nécessiterait d’attendre des heures l’avocat prévenu, en particulier lorsque la perquisition se déroule la nuit. Elle conteste également le rôle de l’avocat, rappelant ainsi que « la régularité de la perquisition est attestée par des procès-verbaux que la personne présente est invitée à signer, et non par la présence de l’avocat. » Elle souligne par ailleurs, que le principe du contradictoire, s’agissant des éléments saisis à l’occasion de la perquisition, n’a pas vocation à être respecté au cours des fouilles, mais uniquement lors de la discussion devant le juge d’instruction ou le tribunal.
Les partisans de la disposition considèrent quant à eux que « le fait d’informer l’avocat de la personne ne constitue pas une complexification de la procédure » (F.-N. Buffet, rapporteur de la Commission), puisqu’il s’agit d’une simple faculté de prévenir l’avocat, qui peut ou non se présenter à la perquisition.
Ajoutons-y que le fait que l’Europe n’impose pas de droit de la défense n’empêche pas les états membres de décider de la présence de l’avocat lors de la perquisition, qui, rapellons-le à nouveau, est une action très intrusive.
Il a été ajouté que « si l’on veut se diriger vers un système d’enquête confiée au procureur avec des pouvoirs de plus en plus importants et dans le cadre d’une extension de la flagrance, il est indispensable qu’il y ait un équilibre et une garantie des droits de la défense ». (Monsieur J. Bigot)
Ainsi, le Sénat a réussi à s’opposer à la restriction des libertés fondamentales et individuelles issues de l’inquiétante propagande sécuritaire actuelle soutenue par le Gouvernement, en greffant son projet de loi d’un alinéa supplémentaire.
Le processus de discussion du projet de loi devant l’Assemblée Nationale
Or, étant considéré que rien n’interdit à la personne faisant l’objet d’une perquisition de solliciter la venue de son conseil, et que rien n’autorise par ailleurs les services de police judiciaire à s’opposer à sa présence, il est considéré qu’il serait superfaitatoire d’inscrire cette possibilité dans le Code de procédure pénale[12]. Rappelons que cela ne prendrait finalement le temps que d’un vote.
L’examen du projet par la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale a résulté en un retour à l’état initial du texte.
Trois amendements ont eu pour objet de supprimer le droit d’assistance par un avocat lors d’une perquisition réalisée dans le cadre d’une enquête de flagrance ou préliminaire[13].
Ils reprennent notamment l’argumentaire de la complexification majeure de la procédure non imposée par les exigences européennes.
Toutefois, un nouvel argument a été avancé, aux termes duquel « Compte-tenu de la dangerosité et de l’hostilité de certains environnements, il n’est pas envisageable d’adapter les créneaux horaires des perquisitions aux disponibilités des avocats, (…) et s’ils se déplacent pour assister à une perquisition, [ils] devront être protégés par les forces de l’ordre, ce qui risque d’augmenter les coûts liés à ce type d’opérations ». Sans oublier la « possibilité pour les enquêteurs de voir leur travail entravé par d’éventuelles fuites ou dissimulations d’informations, de déperdition de preuves. »
Par ailleurs, l’état d’esprit du Gouvernement et du rapporteur, affligeant au regard des droits de la défense, permet de comprendre leur position. Le premier considère qu’« il s’agit d’une saisie à laquelle l’avocat ne peut s’opposer. Que peut-il faire dans ces conditions ? » Le second a d’abord pour avis que « je ne vois pas l’intérêt d’inscrire dans la loi une possibilité qui existe naturellement » et « la perquisition n’interdit absolument pas à la personne chez qui elle a lieu de prévenir qui elle veut et d’être assistée de qui elle veut ».
C’est à en perdre le nord. Car finalement, si ce droit existe tant en pratique, quel serait le risque de l’inscrire noir sur blanc ? Dire, en substance, que l’avocat qui ne peut pas s’opposer à la procédure, ne servirait in fine, à rien du tout, pourrait en vexer plus d’un, et témoigne de la considération que la Ministre de la Justice témoigne à la belle profession d’avocat. Car ce dernier peut jouer son rôle de représentant et de défenseur par bien des façons, sans avoir à être, comme elle semble le considérer, un simple obstacle à la réalisation de la mesure privative de libertés
L’Ordre des avocats du Barreau de Paris est d’ailleurs intervenu face à l’ensemble du projet de loi, et particulièrement au sujet de la disposition qui nous intéresse. Son avis a fait l’objet d’un amendement (n°1358), finalement, comme tous les autres, retiré ou non soutenu, aux termes duquel il est sommairement rappelé que :
1/ L’article 3 de la directive 2013/48/UE de 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédure pénales énonce que : « Les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat sans retard indu. En tout état de cause, les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat à partir de la survenance du premier en date des événements suivants » et en premier lieu « avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ».
2/ La présence de l’avocat, auxiliaire de justice, participe à la transparence et au bon fonctionnement de la justice. Sa présence, déjà prévue en matière administrative, ne résulte en rien en une obstruction à la justice.
3/ Refuser sa présence lors de la perquisition pénale témoigne d’un manque de confiance et de considération pour la profession et pour la mission qu’elle remplit.
On regrette que cet amendement n’ait pas été soutenu, en ce qu’il présente l’appel de toute une profession à vouloir garantir des droits de justiciables de plus en plus réduits à peau de chagrin face aux menaces terroristes puis sécuritaires qui animent leurs représentants.
D’autres ont voulu proposer des solutions jugées probablement bien trop extrêmes.
C’est le cas de l’amendement n°602, rejeté, qui comptait sur l’insertion d’un alinéa dans les termes suivants « A peine de nullité, la perquisition ne peut se dérouler sans présence de l’avocat de la personne concernée, le cas échéant cet avocat est commis d’office ».
On comprend cependant qu’un tel dispositif, sanctionné par la nullité, soit une machine trop difficile à mettre en œuvre, et qui elle justifierait tous les reproches des opposants à la présence de l’avocat. Car, comme rappelé dans l’exposé sommaire, les déposants de cet amendement avaient pour ambition de créer des conventions locales avec chaque batônnier, afin de permettre l’arrivée rapide d’un avocat pour ne pas retarder l’action des forces de police et gendarmerie. Ce seraient aux services mandatés pour la perquisition d’adresser une demande au service de l’accès aux droits, lequel désignerait un avocat de l’aide juridictionnelle.
Les séances publiques tenues entre les 19 et 27 novembre, ont confirmé ce retour à l’absence de droits de la défense, sans qu’il n’y ait à s’en étonner eu égard à la majorité de l’Assemblée Nationale qui est, elle, largement favorable au Gouvernement.
Il faudra donc attendre que la Commission Mixte Paritaire, qui sera saisie dans le cadre de la procédure accélérée suite à ces deux premières lectures, tranche ces points de divergence.
Diane Paillot de Montabert
Master II – Droit des affaires (214)
Université Paris Dauphine
[1] article 56 du code de procédure pénale (CPP)
[2] article 76 CPP
[3] article 92 CPP
[4] article 56 CPP
[5] article 32 du projet de loi visé, modifiant l’alinéa 4 de l’article 76 CPP
[6] articles 56, 76 et 96 CPP
[7] 4 heures pour les témoins (62 CPP) ou pour les vérifications d’identité (art. 78-3 CPP) ou de situation (78-3-1 CPP) ou encore 30 minutes pour le propriétaire du bagage qui refuse son inspection visuelle (78-2-4 CPP)
[8] Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 avril 2011, 11-90.010, Inédit
[9] Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue : le gardé à vue peut se faire assister de son avocat
Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale : a consacré ce même droit dans le cadre des séances d’identification des suspects et des opérations de reconstitution
LOI n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme : (art. L.229-1 du code de la sécurité intérieur) : la personne perquisitionnée pour soupçons de terrorisme peut faire appel à un avocat pour être assisté.
[10] Abaissement du seuil de cinq à trois ans d’emprisonnement pour l’accord de la personne perquisitionnée dans le cadre d’une enquête préliminaire ; augmentation du délai de flagrance de 8 à 16 jours pour la criminalité organisée, et pour toutes les infractions sanctionnées par un emprisonnement de plus de 3 ans (le seuil précédent étant de 5 ans) sur autorisation du procureur de la République, ouverture de la possibilité en enquête préliminaire (déjà prévue pour la flagrance) de pénétrer dans le domicile, de jour, afin d’interpeller le suspect d’une infraction punie d’au moins 3 ans d’emprisonnement.
[11] La directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 limite le droit d’être assisté par un avocat aux auditions et aux opérations de reconstitution et de tapissage, ce qui est également prévu en droit interne.
[12] Tomes I et II du Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, sur les projets de loi ordinaire et organique, adoptés par le sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice (n° 1349) et relatif au renforcement de l’organisation des juridictions (n° 1350), par Madame Laëtitia Avia et Monsieur Didier Paris, Députés
[13] CL991 du Gouvernement, CL584 de Mme Florennes (MoDEM), et CL1071 du Gouvernement
Vous auriez dû baptiser la page » le petit gaucho. »
Voudriez vous que l’opj demande la présence de l’avocat quand le garde à vue demande à aller uriner ou bien quand il insulte les fonctionnaires de police depuis sa cellule ?
La présomption d’innocence ça va 2minutes. Mettre en doute la parole et les écrits d’un opj assermenté avec la présence d’u’ avocat comme si ces derniers étaient une valeur sûr. Si l’individu est en garde à vue c’est qu’il y a une ou plusieurs raisons plausible de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit. Ce n’est donc pas une victime de la société qui se retrouve en garde à vue par hazard.
De plus, une perquisition est aussi une mission de Police qui comporte des risques selon les quartiers où sont menées les perquisitions. Ce n’est donc sûrement pas le moment que la police ait un avocat à protéger en plus du reste des missions de sécurisation.
Visiblement vous êtes plutôt dans les bureaux que sur le terrain pour rédiger autant de connerie.