L’exclusion ou le partage de responsabilité dans le cadre d’une infraction pénale ne va pas de soi. La Cour de cassation l’admet devant les juridictions répressives saisies de l’action civile en cas d’une faute de la victime. Telle est la solution retenue dans un arrêt du 20 octobre 2020[1].
L’arrêt du 20 octobre 2020
En l’espèce, un tribunal correctionnel déclarait coupable du vol de 120.720 euros commis entre le 31 août 2007 et le 31 août 2015 une femme chargée de l’approvisionnement du distributeur de billets de banque d’un centre commercial appartenant à la société Saumur Distribution. La société se constituait partie civile et la prévenue était condamnée au paiement de 125.000 euros au titre des dommages et intérêts tant matériels que moral. Mécontente, elle interjetait appel sur les intérêts civils. Les juges du fonds affirmaient l’impossible partage de responsabilité dans les rapports entre voleur et victime. Leur décision est cassée par la chambre criminelle, au visa des articles 2 du code de procédure pénale[2] et 1240 du code civil[3], selon lesquelles « lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l’appréciation appartient souverainement aux juges du fond. Est de nature à constituer une telle faute le fait, pour la victime, de ne pas avoir pris les précautions utiles pour éviter le dommage ».
La décision du 20 octobre 2020 vise à aligner la position des juridictions pénales sur celle des juridictions civiles pour admettre le principe d’une responsabilité divise indépendamment du contexte infractionnel.
Au civil, la faute de la victime peut limiter l’indemnité à hauteur du rôle causal qui lui est attribué. Au pénal, devant les juridictions répressives saisies d’une action civile, la Cour de cassation impose aux juges d’apprécier l’existence d’une faute de la victime « ayant concouru à la production du dommage ».
L’arrêt du 7 novembre 2001
Dans un arrêt du 7 novembre 2001[4], la haute juridiction confirmait sa jurisprudence constante, selon laquelle « aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison d’une négligence de la victime, le montant des réparations dues à celle-ci par l’auteur d’une infraction intentionnelle contre les biens ». Considérant que la négligence de la victime ne réduisait pas son droit à réparation, elle cassait l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse qui retenait « un laxisme généralisé » de la part de la banque, à l’origine donc de son propre dommage, et un partage des responsabilités entre l’auteur du vol, la banque et le dépositaire des objets dérobés. Pour la Cour de cassation, les juges du fonds méconnaissaient le principe de réparation intégrale des préjudices.
L’apport de l’arrêt du 20 octobre 2020 est donc double. D’abord, elle rappelle le principe de réparation intégrale des préjudices et celui de minimisation de l’indemnisation en raison d’une faute de la victime à l’origine de son propre dommage. Ensuite, elle précise ce qu’il convient d’entendre par faute de la victime.
En somme, si le comportement de la victime est à l’origine de son agression, son droit à indemnisation peut-être limité voire anéanti. L’exclusion ou le partage de responsabilité est entre les mains des juges du fond.
Pauline Masson
[1] Crim., 20 oct. 2020, no 19-84.641
[2] C. proc. pén., art 2 : « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. La renonciation à l’action civile ne peut arrêter, ni suspendre l’exercice de l’action publique, sous réserve des cas visés à (Ord. no 58-1296 du 23 déc. 1958) « l’alinéa 3 de l’article 6 ».
[3] C. civ., art. 1240 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
[4] Crim. 7 nov. 2001, n° 01-80.592, D. 2002, p. 138