Par Arthur ROUYER Président honoraire Lysias Paris 10 – Nanterre
& Pierre ZIENTARA Lauréat national L1 Conférence Nationale Lysias
Déterminé, il s’avance. La foule qui l’entoure respire d’un même souffle.
Le voilà qui se lance : les mots courent, les mots volent, les mots sonnent. Mais, soudain, l’orateur prend l’éloquence et lui tord le cou1 ! Car oui, la vraie éloquence se moque de l’éloquence2. Les traits d’esprit, l’humour, la technique rhétorique ne sont que l’appât qui cache l’hameçon. C’est l’hameçon qui retient, c’est l’hameçon qui capte l’auditoire, c’est l’hameçon le support de l’art de convaincre. On ne va pas noyer le poisson : c’est finalement moins l’art du beau mot que l’art du mot juste.
L’orateur qui se tient là, c’est Lysias ( 440 – 380 av. JC), logographe, politicien et sophiste, qui plaide contre Eratosthène, meurtrier de son frère. Le voile de pathos s’est dissipé. Dans l’arène, il cherche à planter des banderilles dans l’argumentation adverse sans plus de formalités. L’éloquence est un combat dont la victoire est la persuasion.
Fondateur du futur métier d’avocat, Lysias est remarquable par sa finesse d’esprit et son humour.
Il était finalement naturel que l’emblème de l’art rhétorique des temps antiques prête son nom à la Conférence Lysias, qui voit le jour en 1992 sous le nom de Cercle Lysias, grâce à trois étudiants de l’Université Paris II (Erwan LE DOUCE-BERCOT, Gautier GISSEROT et Patrice SPINOSI – aujourd’hui devenus avocats à la Cour et avocat aux Conseils).
En 1999, le concours Lysias s’étend à de nouvelles universités françaises : sont créées la Conférence Nationale Lysias et des associations Lysias locales.
L’objectif principal de la conférence Lysias est de développer la compétence oratoire des étudiants en droit en organisant des concours d’éloquence au niveau de chaque université puis au niveau national. Les étudiants de L1 s’étriperont, par une plaidoirie aussi éloquente que juridiquement fondée, sur une affaire de droit civil, les L2 s’étrilleront avec une plaidoirie de droit pénal, enfin, les L3,M1 et M2 s’écharperont avec un sujet d’éloquence !
La conférence Lysias, dans un premier temps, aide à surmonter son appréhension, sa peur de prendre la parole en public. La personne à vaincre n’est finalement pas seulement son contradicteur, mais surtout soi-même. En espérant que le résultat obtenu soit plus encourageant que celui de l’avocat décrit par Woody Allen : « Je devais être fusillé à six heures. Mais comme j’avais un bon avocat, le peloton n’arrivera qu’à 6h30… »
Par ailleurs, il ne faut surtout pas recourir aux services d’un logographe grec, comme l’était Lysias, qui écrivait les discours d’autrui.
Agissez comme Socrate qui aurait décliné l’offre que lui faisait Lysias de rédiger pour lui un discours de défense :
« C’est un beau discours Lysias mais il ne me va pas
- Comment, si le discours est beau, peut-il ne pas t’aller ?
- Ne peut-il pas se faire que de beaux vêtements et de belles chaussures ne m’aillent pas ? » 3
En effet, chacun doit adopter une manière propre de convaincre ou de persuader et trouver un style propre. La conférence Lysias est un espace de liberté où s’exprime l’originalité de chacun pour tenter de faire rire, d’émouvoir, de convaincre l’auditoire.
Au cours de cet ersatz de procès, dont les protagonistes et les enjeux sont fictifs mais toujours plausibles, le rire est une arme et un exutoire : « Faire rire, c’est faire oublier. Quel bienfaiteur sur la terre, qu’un distributeur d’oubli ! » écrivait Victor Hugo.
Le concours Lysias permet aussi de rencontrer des professionnels du droit qui n’hésitent pas à partager leur expérience avec les étudiants. Les joutes se déroulent dans des édifices qui ont façonné l’histoire judiciaire française : les tribunaux de grande instance, les cours d’appel, lieux chargés d’émotions, où raisonnent encore sous les lambris, les voix des ténors du barreau d’hier et d’aujourd’hui.
« Tous les avocats n’ont pas la chance de Malesherbes, guillotiné pour avoir trop bien défendu son roi. L’heureux avocat ! » 4 ironisait Robert Badinter. Non que je souhaite aux prochains concurrents l’échafaud … Assez de doutes et de scepticisme ! Toi, lecteur, lectrice, en ton être, comme Malesherbes, brûle la flamme incandescente d’un orateur ou d’une oratrice né(e) qui ne cherche qu’à enflammer les prétoires ! Rejoins les rangs de la Conférence Lysias, qu’importe les conséquences !
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1 : « Prends l’éloquence et tords-lui son cou ! », Art poétique, Jadis et naguère, 1884, Verlaine
2 : « La vraie éloquence se moque de l’éloquence », Pensées, 1670, Blaise PASCAL
3 : Lysias, Discours I,XII,XXIV,XXXII ; Pierre Chiron
4 : L’exécution, 1973, Robert Badinter