Selon A. Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique et de l’Innovation, la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 (LRN) a pour objectif d’appliquer à l’administration « un principe d’open data par défaut »[1].
Ainsi, « l’ensemble des personnes chargées d’une mission de service public devront publier en ligne leurs principaux documents et bases de données »[2]. Alors, véritable révolution administrative ?
I- Open data et communication des documents administratifs
L’article 1er de la LRN réorganise la communication des documents administratifs. Si l’administration avait déjà une obligation, en vertu de la loi n° 78-753 de 1978, de donner accès aux documents administratifs à tout administré, et de lui fournir une copie, la LRN permet que cette communication puisse se faire de manière dématérialisée, par une mise en ligne.
Il s’agit donc bien, dans la plupart des hypothèses, d’une faculté, et nullement d’une obligation générale de publication. La mise en ligne ne concerne, en effet, qu’une liste de documents limitativement énumérés, et ne s’applique qu’à certaines personnes publiques (article 6 de la LRN).
L’article 1er vise également à fluidifier les relations entre administrations qui sont désormais tenues de se communiquer les documents qu’elles détiennent, si ces derniers sont nécessaires à la poursuite de leurs missions de service public, et ce à titre gratuit.
Enfin, l’article 9 crée un service public de « données de référence » répondant à trois caractéristiques. En effet, ces données doivent constituer « une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes », et visent à être « réutilisées fréquemment par des personnes publiques ou privées autres que l’administration qui les détient ». Il en résulte, dès lors, qu’elles doivent avoir « un niveau élevé de qualité ».
II- Open data et décisions de justice
Les articles 20 et 21 de la LRN, prévoient, respectivement pour les juridictions administratives et judiciaires, une mise à disposition du public, à titre gratuit, des décisions de justice, dans le respect de la vie privée des personnes concernées (art. L.10 du code de justice administrative).
Selon A. Lemaire, cette réforme « permettra de faciliter l’accès au droit tant pour les justiciables que pour les professionnels, et de créer de nouvelles applications et de nouveaux services en ligne. Ainsi, des outils numériques juridiques innovants pourront voir le jour et faciliter le travail des professionnels »[3].
Toutefois, cette bonne volonté du législateur n’a rien d’innovant, les tribunaux administratifs et judiciaires, et même le Conseil constitutionnel, n’ayant pas attendu la promulgation de cette loi pour rendre accessible leurs décisions par le biais de leurs sites internet, mais surtout du site Légifrance constituant le service public de l’accès au droit. Ainsi, la LRN ne ferait que généraliser un procédé préexistant.
Pourtant, comme le relève J.-H. Stahl, président de la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’État, « pour la bonne compréhension et l’intelligibilité de la jurisprudence, ce qui compte n’est pas l’exhaustivité, mais au contraire la sélection » [4]. Il y a lieu de craindre que la publication en ligne de toutes les décisions ait « pour effet de produire une masse informe et confuse de données ».
Laure FESIAK
Le Petit Juriste, décembre 2016, n°37
[1]A. Lemaire, Interview, Dalloz IP/IT 2016, p. 380.
[2] Idem.
[3] Idem.
[4] J-H. Stahl, « Données publiques – Open Data et jurisprudence », Droit administratif, n°11, novembre 2016.