Le 8 mars dernier, l’Assemblée Nationale a voté en première lecture, à 474 voix contre 32, un projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Ledit projet, dans la droite ligne de la loi sur le renseignement, vise à construire à la fois « une arme contre la menace » et « un bouclier pour nos libertés fondamentales » (1).
Ce projet de réforme divise dans les rangs des acteurs de la chaine pénale. Si ses détracteurs dénoncent une fuite en avant sécuritaire et une marginalisation des juges au profit de pouvoirs accrus concédés au Préfet et au Parquet, ses partisans invoquent la célérité des mesures mises en œuvre, pour lutter efficacement contre le terrorisme.
Combattre le mal qui nous afflige
Le texte comporte en effet de nombreuses mesures pouvant s’avérer de prime abord efficaces dans une telle lutte. D’importantes règles dérogatoires sont ainsi consacrées : recours aux perquisitions de nuit en phase d’enquête préliminaire – auparavant réservées à l’instruction ; renforcement des pouvoirs en matière de contrôle d’identité – inspections visuelles et fouilles des bagages sous autorisation et contrôle du Procureur. Elle ajoute également au droit positif une nouvelle infraction : le trafic de biens culturels. Le but étant de perfectionner la lutte contre le terrorisme en s’attaquant à sa source même, son financement.
Au détriment de nos libertés individuelles?
D’autres mesures sont pointées du doigt par l’Union syndicale des magistrats qui y voit un état d’urgence édulcoré mais permanent. La mise en place d’un « contrôle administratif » à l’encontre des personnes ayant quitté le territoire français – ou soupçonnées de l’avoir quitté – pour rejoindre le théâtre de l’action terroriste est par exemple dénoncé. Ce contrôle se manifesterait notamment par la mise en place d’une assignation à résidence en l’absence d’éléments suffisants pour justifier de l’ouverture d’une mise en examen. Selon les magistrats, en dehors de l’existence de tels éléments, il semble difficile de priver une personne de sa liberté sans porter atteinte au principe de la présomption d’innocence.
On peut aussi s’étonner du faible encadrement d’une nouvelle retenue possible à l’occasion d’une vérification d’identité, lorsqu’il existe à l’encontre de la personne « raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste ». Certains droits sont prévus comme le droit de prévenir sa famille, l’information sans délai au Procureur et la possibilité pour ce dernier d’y mettre fin à tout moment. Toutefois, des lacunes persistent telles que le droit pour l’individu d’être assisté par un interprète, voire même d’un avocat.
Notons également que dans un souci toujours plus sécuritaire, les policiers pourraient désormais arguer des conditions plus larges de l’état de nécessité afin de justifier de l’utilisation de leurs armes(2).
En dressant un bilan de ce projet de loi, un bon nombre de mesures répondent au phénomène du terrorisme. Une telle évolution peut sembler inquiétante tant la notion même de terrorisme semble toujours aussi difficile à saisir(3).
Mélissa Corrège, Caroline Freyssainge et Tamara Elbaz.
(1) Intervention du garde des sceaux, devant l’assemblée nationale le 1er mars 2016.
(2) Fait justificatif qui succède aux conditions plus strictes de la légitime défense.
(3) Selon l’article 421-1 du Code pénal : infractions qui « sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».