La loi du 2 février 2016[1] consacre le droit de chaque personne à demander une sédation profonde et continue jusqu’à son décès, ce, dans certaines conditions. Les décrets et l’arrêté des 3 août 2016 permettent la mise en pratique de cette disposition.
I. Les conditions relatives à l’arrêt de traitement et au droit à la sédation profonde
Le décret n° 2016-1066 du 3 août 2016[2] modifie le code de déontologie médicale en ce qui concerne les procédures collégiales et le recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Il précise le déroulement de la procédure collégiale dans trois situations :
- La prise de décision d’arrêt et de limitation de traitement en cas d’obstination déraisonnable lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté (voir art. L. 1110-5-1, al. 1du CSP ; art. L. 1111-4, al. 6 du CSP)
La procédure décrite par les articles R. 4127-37-2 et R. 4127-37-3 du CSP est la suivante.
La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l’issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d’une concertation avec les membres présents de l’équipe de soins, si elle existe, et de l’avis motivé d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L’avis motivé d’un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile.
Lorsque la décision de limitation ou d’arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre l’avis des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur, selon les cas, hormis les situations où l’urgence rend impossible cette consultation.
Le recours à une sédation profonde et continue, ainsi définie, doit, en l’absence de volonté contraire exprimée par le patient dans ses directives anticipées, être décidé dans le cadre de la procédure collégiale prévue à l’article R. 4127-37-2 du CSP.
- La prise de décision de recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès (voir article L. 1110-5-2, al. 5 du CSP)
Dans cette situation, la procédure est identique à la situation précédente. La procédure collégiale correspond à une véritable « concertation » avec l’équipe de soin, si elle existe. La procédure collégiale peut être engagée à l’initiative du médecin en charge du patient. Mais ce dernier sera tenu de le faire si la personne de confiance ou à défaut, la famille ou un proche le demande. Dans tous les cas, l’avis de la personne de confiance ou à défaut, de la famille ou d’un proche sur la volonté exprimée par le patient doit impérativement être recueilli en amont de cette procédure collégiale.
- Lorsqu’elle est mise en œuvre dans le cas où le médecin juge que les directives anticipées sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient
Dans cette situation, les choses sont différentes. Le décret dispose que « le médecin recueille l’avis des membres présents de l’équipe de soins, si elle existe, et celui d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, avec lequel il n’existe aucun lien de nature hiérarchique. Il peut recueillir auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l’un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient » (art. R. 4127-37-1, III) du CSP. C’est bien un simple recueil d’avis qui est prévu ici contrairement aux deux autres cas où une véritable concertation est mise en œuvre.
La motivation de la décision
Dans tous les cas, les décisions de refus d’application des directives anticipées, de limitation ou d’arrêt de traitement, et de recours à une sédation profonde et continue, doivent être motivées et inscrites, ainsi que leurs motifs et les avis recueillis, dans le dossier du patient (art. R. 4127-37-1, IV du CSP ; art. R. 4127-37-2, IV du CSP; art. R. 4127-37-3, II, al. 4 du CSP).
De plus, la personne de confiance ou à défaut, la famille ou un proche doit être informé de cette décision.
II. Les conditions relatives à la rédaction des directives anticipées
Le décret n°2016-1067[3] du même jour fixe les critères de validité, les modalités de révision et de révocation des directives anticipées, rédigées dans l’hypothèse où les personnes seraient hors d’état d’exprimer leur volonté et les modalités de conservation des directives anticipées. Il précise également les modalités selon lesquelles ces directives anticipées sont conservées.
Contenu du document : modalités de rédaction
L’article R. 1111-18, I précise les mentions obligatoires que doit comporter le document:
– des éléments d’identification de la personne tels que l’indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance (voir article R.1111-17 du CSP) ;
– volontés de ladite personne quant à sa fin de vie ;
– une rubrique spécifique à la sédation profonde et continue ;
– et une partie relative à la révision ou la révocation des directives anticipées
Il prévoit ensuite que « le modèle de directives anticipées, dont le contenu est conforme aux dispositions mentionnées au I, est précisé par arrêté du ministre chargé de la santé » (II).
Il indique par ailleurs que « des guides élaborés par la Haute Autorité de santé pour aider le public et les professionnels de santé et du secteur médico-social et social à la rédaction des directives anticipées à partir du modèle mentionné au II sont consultables sur le site de la Haute Autorité de santé » (III).
Modalités de conservation
Plusieurs supports de conservation du document sont prévus par le décret.
Ainsi, l’auteur des directives peut décider :
– de les déposer et conserver dans son dossier médical partagé ;
– de les conserver lui-même ou les confier à la personne de confiance, un membre de sa famille ou un proche. Tout établissement de santé ou médico-social se doit par ailleurs d’interroger les personnes qu’il accueille sur l’existence de telles directives ;
– les directives anticipées peuvent enfin être conservées par un médecin de ville, dans le dossier médical en cas d’hospitalisation, ou dans le dossier de soins en cas d’admission dans un établissement médico-social.
III. Les modèles types des directives
L’annexe de l’arrêté du 3 août mentionné ci-dessus[4] propose deux modèles distincts de directives anticipées. Il distingue deux situations : celle des personnes ayant une maladie grave ou qui sont en fin de vie au moment où elles rédigent leurs directives anticipées et celle des personnes qui pensent être en bonne santé au moment où elles les rédigent.
Il ne s’agit cependant que d’un modèle type qui reste facultatif.
Une campagne d’information auprès des professionnels de santé, ainsi que du grand public sera lancée très prochainement par le ministère de la Santé avec le concours du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. L’objectif visé est de permettre à chaque usager de s’approprier au mieux ces nouveaux droits.
POUR EN SAVOIR PLUS
– Elodie Guilbaud, « Nouveaux droits pour les malades en fin de vie : de la passion à la raison », lepetitjuriste.fr
– Thomas Chastagner et Robin Mor, Les directives anticipées : un consentement ?, lepetitjuriste.fr
[1] Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, JORF n°0028 du 3 février 2016
[2] Décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 modifiant le code de déontologie médicale et relatif aux procédures collégiales et au recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès prévus par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, JORF n°0181 du 5 août 2016, texte n° 40
[3] Décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, JORF n°0181 du 5 août 2016, texte n° 41
[4] Arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées prévu à l’article L. 1111-11 du code de la santé publique, JORF n°0181 du 5 août 2016, texte n° 49