Nouveau recul dans la portée du principe de participation du public

Par un arrêt n° 381249 du 23 novembre 2015, le Conseil d’État a rejeté les requêtes des sociétés Altus Energy et Solaïs tendant à faire annuler pour excès de pouvoir un arrêté interministériel portant diverses dispositions relatives aux installations photovoltaïques. À cette occasion, il est revenu sur la portée du principe de participation du public.

Rappel : Les origines du principe de participation du public en matière d’environnement

On retrouve des traces du principe de participation des citoyens aux décisions publiques en matière environnementale dès 1992 dans la Déclaration de Rio. En effet, le principe 10 de cette Déclaration précisait déjà que :

« La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés […]. Les États doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui‐ci ».

Cependant, c’est la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998, reprise par l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui consacre un véritable droit de participer au processus décisionnel dans le domaine de l’environnement.

Ainsi, l’article 7 de la Charte de l’environnement dispose que :

« Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Or, à la lecture de cet article 7, son champ d’application paraît particulièrement large. En effet, il n’est fait aucune distinction entre les décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Cette incidence peut donc être positive ou négative, directe ou indirecte.

1) Une formulation souple de l’article L. 120-1 du Code de l’environnement par le législateur

Aux termes de l’article 7 de la Charte, il s’avère que l’application du principe de participation résulte des « conditions et limites définies par la loi ». Plus précisément, il s’agit de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement qui a créé l’article L. 120-1 du Code de l’environnement en son article 244.

L’article L. 120-1 du Code de l’environnement est alors venu formuler les modalités générales de participation du public aux décisions des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement.

Puis, la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement et l’ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 ont modifié le contenu de cet article L. 120-1.

En effet, il convient de noter que, dans sa première version issue de la loi « Grenelle 2 », l’article L.120-1 précisait que :

« I. ― Sauf disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les décisions réglementaires de l’Etat et de ses établissements publics sont soumises à participation du public lorsqu’elles ont une incidence directe et significative sur l’environnement […]. »

Or, la portée du principe de participation était alors apparue comme réduite puisque seules les décisions publiques ayant « une incidence directe et significative sur l’environnement » étaient soumises au respect du principe de participation.

C’est pourquoi, la loi du 27 décembre 2012 a supprimé cette mention selon laquelle l’incidence de la décision sur l’environnement doit être « directe et significative ».

Désormais, l’actuel article L. 120-1 précise que :

« I. – Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. »

C’est ce que rappelle le Conseil d’Etat dans l’arrêt du 23 novembre 2015, lorsqu’il souligne que l’article L. 120-1 permet de préciser les conditions et les limites dans lesquelles le principe de participation est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques, sans mentionner le critère de l’incidence « directe et significative ».

2) Une interprétation restreinte de l’article L. 120-1 du Code de l’environnement par le juge

Le Conseil d’Etat évoque ensuite l’interprétation de l’article 7 de la Charte de l’environnement par le Conseil constitutionnel.

En effet, dans sa décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, le Conseil constitutionnel qui a pourtant prononcé l’inconstitutionnalité de l’article L. 120-1 du Code de l’environnement, énonce clairement que l’article 7 ne concerne que les décisions susceptibles d’avoir une incidence directe et significative sur l’environnement :

« 16. […] En prévoyant que ne doivent être regardées comme « ayant une incidence sur l’environnement » que les décisions qui ont une incidence « directe et significative » sur l’environnement, le législateur a fixé au principe de participation du public des limites qui ne méconnaissent pas les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement. »

Or, depuis cette décision, la loi du 27 décembre 2012 a supprimé la mention selon laquelle l’incidence de la décision sur l’environnement doit être « directe et significative ».

C’est pourquoi, une interprétation jurisprudentielle s’est avérée nécessaire afin de préciser la nouvelle portée de la notion de « décision publique ayant une incidence sur l’environnement ».

Ainsi, en l’espèce, la Haute Juridiction estime que l’article L. 120-1 du Code de l’environnement, qui a pour seul objet la mise en œuvre du principe de participation énoncé à l’article 7, doit être interprété en conformité avec ce dernier, selon les précisions apportées par le Conseil constitutionnel.

Par conséquent, au terme de cet arrêt, les juges relèvent l’intention du législateur de donner à l’article L. 120-1 du Code de l’environnement la même portée que celle de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

La procédure de participation du public prévue à l’article L. 120-1 du Code de l’environnement, telle qu’issue de la loi du 27 décembre 2012, ne concerne donc que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement.

Or, en l’espèce, le Conseil d’Etat relève que :

« Les dispositions critiquées […] ne sauraient être regardées comme ayant, par elles-mêmes, une incidence directe et significative sur l’environnement […]. »

Conclusion

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat fixe des limites à la participation du public en reprenant le libellé de l’interprétation de l’article 7 de la Charte de l’environnement par le Conseil Constitutionnel.

Ainsi, les juges réduisent une nouvelle fois la portée du principe de participation en précisant que l’article L. 120-1 du Code de l’environnement ne concerne que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement.

Cette nouvelle limitation permet ainsi de s’interroger sur l’effectivité du principe de participation des citoyens aux décisions publiques en matière d’environnement…

Laura PICAVEZ

Pour en savoir +

  • CE, 23 novembre 2015, Société Altus Energy et autres, n° 381249
  • Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement
  • Loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement
  • Décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012

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