La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 13 de la Constitution pour soumettre les plus importantes nominations présidentielles à l’avis des assemblées. Le nouveau dispositif entrera prochainement en vigueur, après adoption définitive des lois d’application.
Le Président de la République tient de l’article 13 de la Constitution le pouvoir de nommer « aux emplois civils et militaires ». Il partage ce pouvoir avec le Premier ministre, qui dispose également de cette prérogative (article 21). En pratique, le Président nomme aux emplois qui doivent faire l’objet d’une délibération en Conseil des ministres (préfets, recteurs, ambassadeurs, conseillers d’État…), et en application de textes spécifiques, aux fonctions de direction des grands établissements publics et des entreprises publiques, et à près de 70.000 emplois de la haute fonction publique.
La contestation des nominations discrétionnaires
Le pouvoir de nomination du Président de la République est souvent encadré par des dispositions statutaires contraignantes. Mais pour les emplois supérieurs de l’administration et du secteur public, il dispose d’un pouvoir « discrétionnaire », qui entraine une « obligation de loyalisme » des personnes nommées. L’unique limite de ce pouvoir discrétionnaire est le contrôle éventuel du Conseil d’État sur l’aptitude du fonctionnaire nommé (CE, 16 décembre 1988, Bleton).
Ce système, qui s’inscrit dans une vieille tradition constitutionnelle, a fait l’objet de critiques de plus en plus vives. Philippe Ardant faisait remarquer que « le Président a ainsi la possibilité de contrôler l’accès aux postes-clés de l’administration et du secteur public ». S’appuyant sur les exigences d’une société démocratique, les pourfendeurs des nominations présidentielles discrétionnaires défendaient un « État impartial ».
L’institution d’un avis parlementaire
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a voulu prendre en compte ces critiques et renforcer la « transparence » des nominations présidentielles. Le nouvel article 13 prévoit ainsi que les commissions parlementaires compétentes rendront un avis public sur les nominations aux emplois et fonctions ayant une importance particulière « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».
La Constitution prévoit que cet avis parlementaire sera rendu pour les nominations présidentielles au Conseil constitutionnel, au Conseil supérieur de la magistrature et pour la nomination du Défenseur des droits. Une loi organique qui entrera prochainement en vigueur dresse une liste de 48 fonctions pour lesquelles l’avis parlementaire sera requis. Il s’agit principalement des dirigeants des autorités administratives indépendantes (CSA, HALDE, AMF, Autorité de la Concurrence, ARCEP, CRE…), des grands établissements publics et des grandes entreprises publiques (EDF, La Poste, RATP, SNCF, RFF, Météo France, Aéroports de Paris, Caisse des dépôts et consignations, Banque de France…).
Le nouveau dispositif va au-delà d’une simple consultation. Il prévoit en effet un véritable droit de veto parlementaire sur les nominations. Le Président ne pourra procéder à une nomination si la commission de chaque assemblée s’y oppose à la majorité des 3/5e des suffrages exprimés.
Une loi ordinaire, qui complète la loi organique prévue par l’article 13 pour sa mise en œuvre, prévoit que les avis parlementaires seront précédés d’une audition publique de la personne dont la nomination est envisagée, « sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale ». En outre, elle prévoit un délai de huit jours entre l’officialisation du choix de nomination et la tenue de l’audition parlementaire.
Si le nouveau dispositif institue moins un véritable système de contrôle parlementaire sur les nominations présidentielles qu’un simple droit de regard, cette réforme est symboliquement importante. Elle s’inscrit dans un mouvement observé dans les principales démocraties occidentales, tendant à respecter le pluralisme, à accroitre l’impartialité de l’État et à améliorer la transparence de la vie politique.
Jean Baptiste Chevalier