L’arrêt de la cour de cassation du 23 mars 2017 illustre parfaitement les limites du pouvoir disciplinaire de l’employeur1. Ce pouvoir se définit comme étant la liberté de contrôler ses salariés, voire, en cas de besoin, de fixer une sanction proportionnelle aux faits avérés, la faute étant considéré comme « tout agissement du salarié considéré par l’employeur comme répréhensible »2.
Cependant, cette liberté se retrouve, par un besoin d’équité, bridée, et encadrée par des procédures spécifiques de sanction, ainsi que par des délais à respecter absolument.
Si le présent arrêt ne trouve pas son intérêt sur ces notions, il ne demeure pas moins particulièrement intéressant en ce qu’il rappelle que « qu’une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l’article L. 1311-2 du code du travail ».
La précision du nombre de salariés dans l’attendu de la Haute Juridiction constitue ici un rappel du seuil à partir duquel l’élaboration d’un règlement intérieur devient obligatoire.
Ainsi, l’employeur ne peut librement sanctionner ses salariés, tant que ces dernières ne sont pas expressément prévues par le règlement intérieur l’entreprise. En effet, depuis 2010 , la Chambre Sociale de la Cour de Cassation interprète strictement les articles du code du travail entourant le pouvoir de discipline de l’employeur, notamment en ce qui concerne la fixation des sanctions dans le règlement intérieur : celui-ci ne dispose pas d’un pouvoir de sanction général et absolu. Cela se comprend aisément : le salarié doit pouvoir savoir exactement pour quels faits il peut être sanctionné, et dans quelle proportion il le sera.
Or, ici, le problème n’était pas que le règlement intérieur n’abordait pas le point litigieux des sanctions, mais bien son absence pure et simple. La Haute Juridiction a ainsi tranché le litige dans la continuité de sa jurisprudence dans laquelle elle établissait que l’absence de sanctions dans un règlement intérieur empêchait l’employeur de sanctionner3.
Il convient néanmoins de rappeler que cette jurisprudence ne vaut, bien évidemment, que pour les sanctions qui ne sont pas expressément prévues par la loi. Ainsi, par exemple, le licenciement étant une sanction consacrée dans le code du travail à l’article L.1231-1, l’absence de règlement intérieur ne pourra pas empêcher l’employeur de licencier son salarié pour faute.
Enfin, si le juge des référés prud’homal ne peut annuler une sanction prise par le chef d’entreprise (en dehors de certains cas précis), cet arrêt rappelle que rien ne l’empêche d’ordonner à l’employeur de l’annuler lui-même, par exemple sous astreinte.
Guillaume COSSU
1https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000034277987&fastReqId=2011154299&fastPos=1
2Article L1331-1 : Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
3Cour de cassation, Chambre sociale, 26 octobre 2010, 09-42.740 : « Attendu que pour refuser d’annuler cette sanction et décider que l’employeur pouvait, eu égard à la faute commise, prononcer une mise à pied de cinq jours, même si le règlement intérieur de la société Jabil Circuit ne comportait pas de dispositions limitant dans le temps une telle sanction et ne pouvait être utilement invoqué, l’arrêt retient qu’une telle sanction est inhérente au pouvoir disciplinaire de l’employeur, lequel a la faculté, en l’absence de dispositions restrictives d’un règlement intérieur ou d’une convention collective, d’en faire usage sous la seule réserve du contrôle de l’autorité judiciaire ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »