Mes 100 premiers jours en cabinet

Campagne des 1001 jours[1] ou des 100 fleurs[2] ? 

Nous avons tous connu cette angoisse des premiers moment de collaboration en étant plus ou moins bien préparés. Comme associés nous observons souvent un comportement bienveillant de nos structures avec les stagiaires que nous espérons recruter dans la majorité des cas. Pour les nouveaux collaborateurs leur perception[3] démontre un réel changement de posture, avec un tolérance beaucoup moins grande, parfois mal perçue.

C’est pourquoi il y a deux ans un groupe de stagiaires et de jeunes collaborateurs nous a proposé, pour mieux préparer les nouveaux arrivants, de concevoir ensemble un séminaire « réussir ses 100 premiers jours en cabinet ». Devenu partie intégrante de notre processus d’accueil, il est aujourd’hui animé avec d’anciens stagiaires ! Pour structurer le foisonnement d’idées durant les brainstormings et faciliter la mémorisation des idées nous avons choisi quatre axes d’attention pour construire une carrière dans un cabinet d’une certaine taille[4] : moi, mon équipe et mon futur !

Grognard ou voltigeur ?

CAPA en main, vous êtes impatient d’exprimer votre talent ! Premier rappel qui semblerait vulgaire : y compris dans les moments de stress, il est impératif de rester poli même avec les personnes avec lesquelles on ne travaille pas. Cela commence par dire bonjour et sourire dans les ascenseurs ! Ensuite tirer parti du tour de présentation réalisé à votre arrivée avec votre chaperon, « buddy », parrain. Quelle que soit son appellation, il vous donnera un certain nombre d’informations qu’il vous sera nécessaire de challenger pour vous faire votre opinion et non suivre le consensus de « radio staff ».C’est le moment de poser des questions et de montrer votre curiosité, de tester la perception de votre personnalité et de commencer à observer et donner des gages de civilité. Cela peut commencer par l’habillement, mieux vaut arriver en smoking à une soirée tongs que l’inverse. N’oubliez pas qu’à chaque instant vous pouvez croiser un client perdu dans les locaux. Il est important de travailler à son intégration : le volontariat pour préparer les formations, les réunions internes techniques, les propositions de service ou encore le partage de quelques chouquettes avec les voisins de bureau, les para-legal, les autres spécialités et les assistantes ne pourront que jouer en votre faveur. Et puis ne pas louper votre photo d’accueil, ce portrait sera utilisé sur votre badge, pour les propositions de service ou le cadeau de bienvenue et sera largement diffusé pour informer de votre arrivée !

De votre côté « solo » n’oubliez pas de prendre du temps pour suivre l’actualité de vos matières. Cette routine fait partie de la journée de travail comme la lecture d’un quotidien et doit s’imprimer dans vos besoins élémentaires pour votre métier d’avocat. Surtout si vous voulez prédire le droit plus que le dire ! Ensuite, révisez vos séances de recherche documentaire pour immédiatement être opérationnel, dès la première demande. Cette première demande, il est indispensable de la comprendre, de savoir ce que l’on attend de vous, le niveau d’analyse, de détail, l’utilisation de votre travail, le contexte, le délai, le “job code” de facturation et tout autre éléments permettant de vous adapter à la demande de l’associé. C’est ici que vous laisserez votre première impression.

Si vous avez des impératifs de vie personnelle prévenez la personne qui vous donne le travail,et si besoin sachez à terme dire non, en imaginant une solution de repli pour votre interlocuteur. Très rapidement certains stagiaires ou collaborateurs se retrouvent chargés, d’autres en « loss » par le hasard ou la réputation. Autant d’éléments que la solidarité entre débutants peut gommer.

 

Collectif ou collectiviste ?

Votre premier cercle de travail en général sera votre spécialité et ce même si avec des programmes comme EYU[5] vous en changez tous les ans. Votre parrain dans le cabinet ou la personne qui vous est assignée, sera plus ou moins habile pour cette fonction d’accompagnement qui permet pourtant aussi bien de trouver ses premiers dossiers, de réparer le photocopieur, d’appeler un taxi tard le soir et de vous conseiller dans vos choix de carrière. Alors si besoin recherchez votre mentor tout en respectant ce premier jalon et en ayant vis-à-vis de vos confrères, un rapport équilibré qui ne les transforme pas en votre faire-valoir !

Assurez-vous aussi de toujours documenter vos différentes phases de travail pour faciliter leur supervision, éclairer le dialogue avec vos clients, protéger votre cabinet en cas de discussion et vous aider à mieux travailler. La formalisation du travail demandé, votre compréhension, le budget et le job code ne pourraient- t-ils pas être les figures imposées des débutants pour éviter les mauvaises surprises ?

Autour de vous, vous entendrez parler d’activité et de compétition parfois entre les différentes spécialités, souvent entre les collaborateurs, notamment sur le « chargeable[7] » ! Ne soyez pas obnubilés par cette compétition,car les premiers temps vous ne pouvez être comptables que du travail que l’on vous donne, certes après que vous soyez allé le chercher avec insistance parfois, mais cela teste votre pugnacité ! Sur les dossiers, c’est parfois celui qui est disponible et qui accepte sans discuter qui sera retenu par nos cerveaux quand le travail tombe et pas forcément le plus talentueux. Surtout que nos recruteurs nous assurent que tous ceux qui nous rejoignent sont des hauts potentiels !

Mais attention à toujours donner une priorité dans vos dossiers, à organiser vos journées de travail et à ne pas vous laisser déborder. Sachez partager avec vos camarades de promotion, faites des assistantes des associés vos alliées, comprenez que la perception de l’équilibre vie privée/vie professionnelle est relative et nécessite de vous adapter. Pour ce dernier point, soit vous faîtes preuve de flexibilité,soit vous évitez les avocats peu réceptifs aux impératifs personnels (difficile), soit vous les prévenez suffisamment à l’avance et dans les formes, pour découvrir parfois qu’ils vous remercieront de leur montrer un espace de liberté qu’ils n’ont simplement pas connu par éducation !

Et n’oubliez pas que nous ne pouvons vous rémunérer qu’en fonction d’une équation économique reposant sur la facturation des heures réalisées. Alors très vite intéressez-vous à comprendre les modalités de facturation, reportez vos heures et précisez à quoi elles correspondent, y compris celles liées à votre apprentissage. Ces dernières vous aident à constater votre performance grandissante en perdant de moins en moins de temps. Vous pourrez à travers ce prisme économique observer le marché et échanger dans le respect de la confidentialité avec vos camarades de promotion dans d’autres structures.

Finalement quelle que soit la taille du cabinet, cette vie collective doit permettre pour être vivable des concessions et de la curiosité. Certes la promiscuité de certains locaux oblige a plus encore respecter la concentration d’autrui, de prévenir et de s’adapter, d’apprendrelavieengroupeavecdeszonesd’intimité réduite. Mais vous pouvez toujours vous éloigner pour aller prendre un café ou profiter des évènements – after, christmas, WEI, summer school, client events…- pour rencontrer dans un autre contexte vos confrères et vos patrons !

Deux derniers conseils pour tendre vers le stagiaire ou le collaborateur de rêve : pensez d’abord, comme mon premier patron me l’a appris, à toujours facturer un acompte avant de commencer à travailler ! Vos associés apprécieront ce geste de responsabilité et sauront vous le rendre. Ensuite pour les futurs stagiaires je suggère de vous fixer un objectif de stage de 4 à 6 mois minimum! Ne me demandez pas pourquoi, mais de l’avis unanime de nos stagiaires[8] , comme de nos collaborateurs, cela change… tout !

Stéphane Baller / Associé – EY Société d’avocats

[1] Période de l’histoire de France entre le retour de l’armée impériale et la fin de l’épopée napoléonienne en 1815.

[2] Politique menée par Mao de février à juin 1957 pour rétablir son autorité, l’histoire d’« une comédie qui va se muer en tragédie » (Jean-Luc Domenach). En effet, peu de temps après le lancement de la campagne, la contestation explose. Le Parti réagit rapidement et lance une répression féroce qui fera plusieurs centaines de milliers de victimes, emprisonnées, déportées et parfois exécutées.

[3] Les stagiaires et les collaborateurs première année font l’objet dans le cadre EYU dès leur séminaire d’intégration d’une formation et d’un suivi spécifique qui intègre notamment des petits déjeuners d’échanges périodiques avec remontée d’information sur une base « no name » auprès du management et des associés en charge des différentes practices.

[4] EY Société d’avocats compte 576 collaborateurs dont 210 en région, organisés en équipes allant de 14 collaborateurs à 86 afin de faciliter l’encadrement, la formation et la progression de chacun.

[5] Depuis 7 ans,EY&U permet aux collaborateurs débutant en fiscalité de changer tous les ans de spécialité,pour identifier au bout de 5 ans celle qu’ils préfèrent; ce programme a vocation à être étendu au domaine juridique à terme et permet une plus grande ouverture d’esprit des avocats après 5 ans d’expérience.

[6] Pour les nouveaux arrivants d’EY Société d’Avocats depuis 2013 avec la photo de la promotion.

[7] La notion de chargeable suivant les cultures représente les heures facturables,les heures facturées encaissées ou encore l’utilisation des collaborateurs ;on intègre alors les enseignements,les actions commerciales,le partage du savoir, le pro bono et autres pour connaitre les temps consacrés au développement du Cabinet et à la satisfaction des Clients.

[8] Voir note n°3.

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