L’environnement et la guerre nourrissent des relations complexes. La guerre a pour théâtre l’environnement, se sert de l’environnement comme une arme et peut l’endommager lourdement. L’environnement est donc autant une arme de guerre qu’une victime de la guerre.
La destruction de l’environnement en période de conflit armé n’est pas récente, mais son ampleur et sa fréquence sont sans commune mesure avec l’histoire moderne. La guerre du Vietnam est sans doute l’une des premières fois où la destruction de l’environnement devient un objet essentiel de la stratégie militaire. Lors de cette guerre, les Etats-Unis utilisèrent des techniques pour modifier les conditions environnementales du champ de bataille. Le cas le plus illustratif est l’opération Ranch Hand, avec le déversement d’agent défoliant – le tristement célèbre Agent orange – sur les forêts vietnamiennes. D’autres conflits, plus ou moins récents, ont fait de la protection de l’environnement en période de conflit armé un enjeu crucial (la première guerre du Golfe, la guerre civile syrienne etc.).
L’impact de la guerre sur l’environnement écarte tout doute quant à la nécessité de protéger l’environnement en période de conflit armé. Le véritable enjeu de cette étude est donc celui de la nature et de l’étendue de la protection de l’environnement en temps de guerre. La place à accorder à cette protection en constitue le fil conducteur.
Un premier constat doit être formulé : il est impossible d’éviter toute dégradation de l’environnement en temps de guerre. Seulement, si elle ne peut pas être absolue, la protection de l’environnement doit-elle être une priorité ? N’est-il pas parfois nécessaire de sacrifier l’environnement au bénéfice des populations civiles ou pour obtenir la victoire ? Quel équilibre faut-il trouver entre les nécessités militaires, les impératifs humanitaires et la protection de l’environnement ? Faut-il privilégier une approche anthropocentrique, c’est-à-dire préserver l’environnement pour garantir les intérêts humains, ou une approche écocentrique, c’est-à-dire protéger l’environnement intrinsèquement, indépendamment de toute utilité pour l’homme ?
Il s’agit, au fond, d’établir une hiérarchie entre des valeurs différentes et de déterminer les priorités que le droit doit fixer en période de conflit armé. La place de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés va donc dépendre de la manière dont son objet sera appréhendé par le droit.
La problématique dégagée par cette étude est la suivante : dans un contexte de mutation des conflits armés, le droit international, en prenant en considération le nécessaire équilibre entre les exigences humanitaires, environnementales et militaires, assure-t-il une protection efficace et effective de l’environnement lors des différentes phases d’un conflit armé ? Le cas échéant, serait-il possible d’améliorer et de clarifier cette protection pour davantage préserver la valeur « environnement » dans un contexte de guerre ?
Le droit international humanitaire (ou jus in bello), qui s’attache à la réglementation de la conduite des hostilités et qui tend à protéger les victimes de conflits armés, est insuffisant pour protéger l’environnement en période de conflit armé. En effet, cette protection est limitée, subordonnée aux impératifs militaires et dépendante des considérations humanitaires. L’environnement n’est finalement que le parent pauvre de la protection assurée par le droit international humanitaire (Partie I). Pour combler les lacunes du jus in bello, recourir au droit international de l’environnement présenterait l’intérêt d’accroître le corpus normatif protégeant l’environnement en période de conflit armé. Il faudrait également s’assurer de l’effectivité de la protection de l’environnement dans un contexte de guerre. La solution serait alors à chercher dans le droit de la responsabilité internationale et le droit international pénal, deux branches du droit international pouvant sanctionner les dommages causés à l’environnement en période de conflit armé.
Ainsi, les carences du droit international humanitaire commanderaient un nécessaire renforcement de la protection de l’environnement à travers une double lecture : la consolidation normative et une meilleure mise en oeuvre de la protection environnementale en rapport avec les conflits armés. Si l’étude montre que l’applicabilité du droit international de l’environnement en période de conflit armé est d’une utilité certaine à la protection de l’environnement, les mécanismes de responsabilité en droit international demeurent lacunaires pour assurer l’effectivité de cette protection (Partie II).
Cyprien DAGNICOURT
Master 2 Droit public général dirigé par le Professeur Gweltaz Eveillard. Université Rennes 1
Mémoire sous la direction du Professeur Guillaume Le Floch