Par une décision du 7 septembre 2016[1], les juges de la première chambre civile de la Cour de cassation ont rappelé qu’une clinique dont les installations ne procurent pas le degré de sécurité normalement attendu manque à ses obligations contractuelles à l’égard du médecin libéral exerçant en son sein. Néanmoins, sa responsabilité doit être limitée à 50 %, compte tenu de la faute du praticien victime.
Les faits sont les suivants. Un médecin-anesthésiste exerçait depuis septembre 1996 son activité au sein d’une clinique en vertu d’un contrat d’exercice libéral conclu avec la société civile professionnelle de médecins anesthésistes. En mai 1997, il présente une hépatite. Il impute cette affection à un dysfonctionnement des installations de la clinique ne permettant pas d’assurer une élimination des gaz anesthésiques. Il assigne celle-ci en responsabilité et indemnisation, après avoir sollicité en référé une expertise médicale et technique.
Les juges du fond retiennent « que l’hépatite contractée par le praticien était une hépatite toxique, par exposition au gaz halotane, en lien de causalité direct avec son activité au sein de la clinique, et que ce dernier était fondé à se prévaloir d’un manquement de celle-ci à ses obligations contractuelles à l’égard de la SCP, lié à la mise à disposition d’un système de ventilation et de renouvellement d’air ne présentant pas, en raison de son insuffisance, le degré de sécurité normalement attendu ». Néanmoins, la responsabilité de la clinique est limitée à 50 % des préjudices subis par le médecin. Le médecin se pourvoit alors en cassation.
La première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Dans un premier temps, les juges rappellent « que l’installation n’a pas été conçue pour assurer un taux de renouvellement de l’air de 15 volumes par heure et ne le permet effectivement pas, qu’elle occasionne une concentration en gaz halogéné bien supérieure à 2 ppm et qu’elle ne présente donc pas les conditions de sécurité recommandées par les pouvoirs publics et généralement admises par la profession, de sorte que la clinique a violé son obligation de mettre à la disposition du praticien des installations procurant le degré de sécurité normalement attendu et doit l’indemniser du préjudice directement résulté de cette violation contractuelle »
Dans un second temps, ils relèvent qu’une faute a cependant été commise par le demandeur et que celle-ci a notamment contribué à la stagnation anormale des gaz ayant provoqué son hépatite. Ils précisent « que l’anesthésie en circuit ouvert, telle qu’elle était mise en oeuvre par le praticien, sans utilisation du système d’évacuation des gaz anesthésiques « Séga » installé par la clinique et/ ou de doubles masques, entraînait une diffusion des gaz non absorbés dans l’air ambiant, et qu’expérimenté et ne pouvant ignorer cet état des connaissances en matière d’anesthésie, le praticien aurait dû en tirer les conséquences pour sa pratique professionnelle, l’arrêt relève que celui-ci n’indique pas avoir tenté d’utiliser ce système ou toute autre technique d’anesthésie qui lui aurait permis de réduire sensiblement la concentration en air pollué dans la salle de travail, alors qu’il était maître de la technique qu’il employait et était en mesure de solliciter, en tant que de besoin, auprès de la clinique, la fourniture des matériels lui permettant d’assurer sa propre sécurité, au-delà du système de ventilation de la salle d’induction ».
Partant, le médecin-anesthésiste étant expérimenté, il ne pouvait ignorer qu’en l’absence de système d’évacuation spécifique et/ou de port de doubles masques, l’anesthésie en circuit ouvert qu’il pratiquait entraînait une diffusion des gaz non absorbés dans l’air ambiant. Pour les juges, «il aurait dû, en tant que maître de la technique qu’il employait, prendre ses précautions et adopter un comportement (une pratique professionnelle) différent en demandant à la clinique de lui fournir du matériel lui permettant d’assurer sa propre sécurité».
Les juges de la Cour d’appel ont donc justement limité la responsabilité de la clinique à hauteur de 50 % des préjudices subis.
[1] Cass. 1ère civ., 7 sept. 2016, N° 15-18.654, D