Le défenseur syndical est une personne habilitée à assister ou à représenter le salarié ou l’employeur devant les juridictions. La liste des défenseurs syndicaux est établie par l’autorité administrative. La création de cette fonction entraîne la création du statut de salarié protégé[1]. Les autres salariés exerçant un mandat extérieur à l’entreprise doivent informer leur employeur afin de bénéficier du statut protecteur, ce qui n’est pas, a priori, le cas du défenseur[2]. L’information est assurée par la direction régionale du travail.
Quid en cas de licenciement en l’absence d’information par l’autorité administrative de la qualité de défenseur syndical à l’employeur ? C’est l’objet de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 14 septembre 2017[3].
En l’espèce, un salarié conteste la rupture de la période d’essai de son contrat à durée indéterminée au motif qu’il serait consécutif à son inscription sur les listes de défenseurs syndicaux[4]. L’employeur estime ne pas avoir été informé de cette qualité et ne le réintègre pas dans l’entreprise. Le Conseil de prud’hommes a dit qu’il n’y avait pas lieu à référé. Le salarié interjette appel afin d’obtenir la nullité de la rupture du contrat de travail et obtenir la réintégration à son poste de travail. La Cour d’appel de Paris répond par la négative. En effet, en application des articles L.1453-9 et L.2411-1 du Code du travail, le salarié doit informer de l’existence de son mandat à son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable. L’obligation de l’autorité administrative d’informer l’employeur ne vaut pas présomption de connaissance des listes de défenseurs syndicaux à son égard. Par conséquent, le salarié bénéficiant dudit mandat n’est pas dispensé d’informer son employeur de cette qualité, sauf s’il apporte la preuve que son employeur avait connaissance du mandat.
I) Le bénéficie du statut de salarié protégé du défenseur syndical conditionné par l’information de l’employeur de l’existence du mandat[5]
Une application d’une solution générale s’agissant des salariés protégés bénéficiant d’un mandat extérieurs à l’entreprise
Jusqu’au 14 mai 2012, du fait de l’opposabilité[6] de la liste des mandats extérieurs (via le recueil des actes administratifs), les salariés titulaires de ces mandats étaient protégés. Cette ancienne jurisprudence était très critiquée. Un employeur pouvait ignorer, de bonne foi, l’existence du mandat extérieur à l’entreprise du salarié. La rupture du contrat de travail d’un tel salarié, sans avoir sollicité l’autorisation de l’inspection du travail, entraînait de facto sa nullité[7]. À la suite d’une décision du Conseil constitutionnel[8], la Cour de cassation est revenue sur sa position[9]
Désormais, les salariés ne peuvent se prévaloir de la protection que s’ils informent l’employeur de la détention d’un tel mandat au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement. C’est donc la nature du mandat, le fait que la fonction de défenseur syndical soit exercée en dehors de l’entreprise, qui justifie que le salarié est tenu, malgré tout, d’informer l’employeur de son existence. C’est dans cette jurisprudence que s’inscrit l’arrêt de la Cour appel, refusant au salarié le bénéfice du statut protecteur dès lors qu’il n’est pas établi que l’employeur en avait connaissance à la date de la rupture du contrat, faute d’information par le salarié.
Une application au cas d’espèce contestable
Il s’agissait d’une rupture de la période d’essai. Il n’y a donc pas d’entretien préalable. La procédure de rupture se limite donc à la remise d’un courrier. Il faut donc que l’employeur ait été informé de l’existence du mandat au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, sauf à prouver qu’il avait connaissance de son existence par un autre moyen[10]. Le salarié n’est donc pas en mesure d’informer son employeur au cours de la procédure. Il s’expose donc, en cas de rupture de période survenant peu après la publication de l’arrêté (dont le salarié peut ignorer la mise en ligne alors que l’employeur en a pris connaissance), à être dans l’impossibilité d’obtenir le bénéfice de sa protection.
II) Les conséquences d’information ou du défaut d’information de la DIRECCTE
L’obligation d’information de la DIRECCTE n’emportant pas présomption de connaissance à l’égard de l’employeur
L’intérêt pour le salarié d’arguer que le décret posait une présomption lui permettait, en cas de recevabilité de l’argument, d’obtenir la nullité de la rupture. Dans un tel cas, seul le salarié peut s’opposer à sa réintégration dans l’entreprise et le régime indemnitaire est plus favorable. En l’espèce, la Cour d’appel estime que le décret ne pose pas de présomption. Qu’en conséquence, il appartenait au salarié d’informer son employeur de l’existence du mandat ou de son renouvellement au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, sauf à ce qu’il rapporte la preuve que l’employeur avait connaissance de son mandat.
Une difficile preuve de la connaissance de l’employeur
L’information de la DIRECCTE produit cependant un effet juridique. La preuve du salarié que son employeur avait connaissance du mandat permet au salarié de réclamer le bénéfice du statut protecteur. Encore faut-il qu’il puisse en prendre connaissance.
Le défenseur syndical n’est pas informé de plein droit de la date à laquelle sa désignation a été notifiée à l’employeur. Cependant, il pourra tenter de l’obtenir en sollicitant la communication de l’acte de notification par la DIRECCTE. Pour ce fait, il pourra invoquer les articles L.311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration, et, à défaut de communication saisir la CADA[11] ou faire un référé conservatoire devant le tribunal administratif[12].
Et en cas de défaut d’information ? La responsabilité de l’État peut être engagée par la DIRECCTE qui est une administration déconcentrée : il faut démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité. En l’espèce, l’absence d’information de l’employeur de la désignation du défenseur syndical dans un délai raisonnable, en violation de l’article D.1453-2-7 du Code du travail, est une faute. Elle cause un préjudice dès lors que le salarié aurait bénéficié de plein droit du statut protecteur, si l’administration avait rempli son obligation. Cependant, on peut s’interroger sur l’indemnisation dont bénéficierait le défenseur syndical. En effet, l’administration pourra tenter de soulever le défaut d’information par le salarié pour solliciter un partage de responsabilité. En outre, le préjudice dépendra du bienfondé du licenciement. Si celui-ci était suffisamment fondé, l’inspection du travail aurait été tenu de l’autoriser (auquel cas le préjudice se limitera à l’absence de bénéfice de l’encadrement procédural, et à une perte de chance d’éviter le licenciement, en convaincant l’employeur d’y renoncer, dans le cadre la consultation des représentants du personnel). À l’inverse si le licenciement n’était pas fondé, le préjudice sera celui d’une perte involontaire d’emploi.
Santhi TILLENAYAGANE
Étudiante en Master I – Droit social à l’Université Panthéon-Assas, Paris 2
[1] Article L.2411-1 du Code du travail : l’employeur doit obtenir de l’inspection du travail une autorisation de licenciement pour les salariés protégés
[2] Article D.1453-2-7 du Code du travail
[3] Numéro d’inscription au répertoire général : S 17/01102
[4] Inscription sur la liste des défenseurs syndicaux pour la période du 1er août 2016 au 31 juillet 2020. L’intéressé se fonde sur un arrêté en date du 29 août 2016.
[5] RJS 2018 – n° 48 – Janvier – Représentation du personnel
[6] Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mai 2002, pourvoi n°00-42.213
[7] FEUILLET RAPIDE SOCIAL 15/12 (PARU LE 5/10/12)
[8] Décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012
[9] Cour de cassation, Chambre sociale, 14 septembre 2012, pourvoi n°11-28.269
[10] Cour de cassation, Chambre sociale, 14 septembre 2012, pourvoi n°11-21.307
[11] Commission d’accès aux documents administratifs
[12] L.521-3 du Code de justice administrative