L’été 2010 a connu en France le goût de la polémique sur un sujet passionné : le droit des étrangers. Qu’il s’agisse des modifications prévues du droit de la nationalité ou de l’expulsion de Roms en situation irrégulière, médias et politiques, associations et citoyens se sont violemment opposés. Mais à quoi correspondent vraiment les mesures de reconduites à la frontière ? Retour sur une procédure administrative complexe.
A titre de préliminaires, il convient d’opérer une précision sémantique importante. Les mesures de reconduites à la frontière font partie de la catégorie plus large des mesures d’éloignement des étrangers. Cette dernière catégorie comprend, outre ces mesures de reconduite stricto sensu définies à l’article L 511-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA), l’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), l’expulsion, qui concerne les étrangers en situation régulière mais ayant gravement porté atteinte à l’ordre public, et l’extradition, relevant de la procédure pénale et s’appliquant aux personnes faisant l’objet d’une procédure à l’étranger et dont le pays souhaite la présence.
Les mesures de reconduites à la frontière concernent les étrangers qui sont présents sur le territoire national sans titre, soit qu’ils n’en ont jamais disposé (entrée irrégulière), soit que leur titre n’est plus valable (refus de renouvellement, retrait, expiration du visa, OQTF depuis au moins un an). Elles concernent, par extension, les étrangers qui ont font l’objet d’une condamnation définitive pour falsification, contrefaçon ou établissement sous un faux nom d’un titre de séjour, ceux qui ont travaillé sans autorisation administrative ou encore ceux qui représentent une menace pour l’ordre public.
Certaines personnes sont exclues de cette procédure. Il s’agit globalement, ou de personnes vulnérables (mineurs de moins de 18 ans, invalides à 20%, personnes malades ayant besoin de soins) ou de personnes ayant acquis un certain lien avec la France (résident régulier depuis 10 ans, marié avec un Français depuis 3 ans, parent d’un enfant français mineur, résident depuis ses 13 ans, etc.) ou encore des ressortissants de l’Union Européenne qui bénéficient d’un droit au séjour permanent.
Dans tous les cas où peut s’appliquer cette mesure de reconduite à la frontière, elle ressort de la compétence du préfet de département ou du préfet de police à Paris. Elle prend la forme d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) motivé, souvent précédé d’une OQTF dans le délais d’un mois. L’APRF constitue un acte administratif unilatéral exécutoire et faisant grief, donc susceptible de recours devant le juge administratif. Ce recours, suspensif, s’effectue dans les 48 heures s’il a été notifié par voie administrative (en direct) ou 7 jours s’il a été adressé par voie postale. Il ressort, en première instance, de la compétence du président du tribunal administratif qui doit statuer, en l’absence du commissaire du gouvernement, dans les 72 heures.
L’APRF doit obligatoirement mentionner le pays vers lequel doit être renvoyé l’étranger. En vertu de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, un étranger ne peut être renvoyé vers un pays où sa vie ou sa liberté sont menacés, ou s’il craint de subir des tortures. De plus, les étrangers peuvent bénéficier d’une aide au retour financée par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII)1.
Dans le cas où il s’avère impossible de renvoyer immédiatement l’étranger, ce dernier peut être placé en centre de rétention administrative (CRA), sorte de prison « douce » et qui n’est pas gérée par l’administration pénitentiaire2. Il peut également être astreint à une mesure de résidence surveillée, en attendant son expulsion, mesure qui comporte obligation de se présenter à échéances régulières aux services de police ou de gendarmerie.
L’APRF est ensuite exécuté par les forces de police qui accompagnent, par avion le plus souvent, sur le territoire du pays de renvoi, l’étranger soumis à cette mesure.
Selon Le Monde, seuls 30,47% des mesures d’éloignement prises en 2009 ont effectivement été exécutées. Conclusion : beaucoup de bruit pour rien ?
Hicham Rassafi
Hicham Rassafi