Un tollé sur le contrôle des micro-pratiques anticoncurrentielles


 

Peu de sujets de droit de la concurrence ont fait l’objet de critiques aussi virulentes que celui du contrôle des micros pratiques anticoncurrentielles. La loi de modernisation de l’économie a concentré la plupart des pouvoirs en matière de droit de la concurrence entre les mains de l’autorité de la concurrence à l’exception du contrôle des micros pratiques anticoncurrentielles qui reste compétence du Ministre de l’Economie. C’est une illustration parfaite des incohérences, quant à la protection de la sécurité juridique, qui peuvent résulter d’un travail législatif à très large spectre tel que la Loi de Modernisation de l’Economie.



 

 

En effet celle ci a habilité le législateur à modifier le Code de Commerce afin de permettre la répression des pratiques anticoncurrentielles locales, les « Micro Pac ». L’ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence a introduit un article L. 464-9 au Code de Commerce. La disposition prévoit que le ministre chargé de l’économie est compétent pour enjoindre aux entreprises de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles lorsque celles-ci affectent un marché local si le CA des auteurs ne dépasse pas individuellement 50 M€ en France et 100 M€ en cumulé et si les pratiques ne relèvent pas des articles 81 et 82 du Traité CE. Le ministre peut soit classer les affaires soit enjoindre une société de prendre des mesures mettant fin à la pratique et/ou lui proposer une transaction qui ne dépassera pas 75000 € ou 5% du dernier CA connu en France. L’acceptation de la décision du ministre et l’exécution des injonctions éteindra toute action devant l’Autorité de la Concurrence.

 

Cette nouvelle procédure est très critiquable et très critiquée, le Conseil de la Concurrence lui-même (désormais nommé Autorité de la Concurrence) l’a dénoncée dans un avis du 18 avril 2008 en la qualifiant de dangereuse pour la sécurité juridique et les droits de la défense. Cette procédure apparaît effectivement comme très opaque.

 

 

 

 

L’article R464-9-1 du Code de commerce, prévoit que le ministre devra informer la société fautive des faits qui lui sont reprochés et lui proposer de déposer des observations dans un délai de deux mois, avant de l’enjoindre de cesser ses comportements et/ou de lui proposer une transaction. L’entreprise mise en cause peut refuser la transaction ou de se plier aux injonctions, auquel cas le dossier est transmis à l’Autorité de la concurrence, mais un comportement conforme à la décision du ministre éteindra le droit d’agir devant l’Autorité de la Concurrence.

 

Les pouvoirs sont exceptionnellement concentrés dans les mains du ministre. Cette pratique est donc très insatisfaisante car elle ne garantit pas une protection effective des intérêts des parties lésées par la pratique anticoncurrentielle. Elle est aussi très opaque ; la publicité des décisions du ministre ne s’adresse qu’à la société en question, les victimes de la pratique ne sont pas associées à la transaction entre le ministre et la société ne dispose d’aucun recours des lors qu’elle accepte la décision du ministre. De plus, l’Autorité de la Concurrence est simplement informée a posteriori des transactions conclues par le ministre.

 

Cette déconcentration des pouvoirs de contrôle entre le ministre chargé de l’économie et l’Autorité de la Concurrence est malheureuse. Après les efforts consentis pour simplifier la procédure devant les juges du droit de la Concurrence (en faisant de l’Autorité de la Concurrence le « guichet unique » du contentieux de la concurrence) et la rendre plus respectueuse des droits des justiciables (rappelons que la France avait été sanctionnée par la CEDH pour non respect des droits des justiciables dans le cadre de la procédure devant le Conseil de la Concurrence),cette nouvelle procédure opère un retour en arrière qui se justifie probablement sur un plan politique mais en aucun cas sur celui de la sécurité juridique offerte aux justiciables, qui rend nécessaire la cohérence et la transparence des procédures choisies. L’ensemble des praticiens du droit de la concurrence réclame aujourd’hui une refonte de cette procédure.

 

 

Tristan Lemonnier

Master 2 Droit Européen des Affaires, Université Paris II Panthéon Assas

 

 

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