Anne-Marie Idrac est actuellement secrétaire d’Etat en charge du Commerce extérieur auprès de la ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi. Ancienne présidente de la RATP et de la SNCF, Madame Idrac dévoile aux lecteurs du Petit Juriste la stratégie de sortie de crise économique mondiale et les solutions apportées au déficit commercial de la France.
Le déficit commercial de la France s’est établi aux alentours de 43 milliards d’euros en 2009, contre 55,7 milliards en 2008. Le bilan du commerce extérieur français est-il positif ?
Positif serait un terme excessif, notre commerce extérieur a fortement chuté du fait de la crise, comme tout le commerce mondial .Par ailleurs, la baisse du déficit est surtout due à la diminution de notre facture énergétique Je dirais plutôt que notre bilan 2009 est encourageant ; en effet, nous n’avons pas perdu de parts de marchés dans le monde puisque, dans la tourmente, nos exportations ont proportionnellement mieux résisté que celles des autres pays.
Quelles sont les perspectives pour l’année 2010 ? Quelles sont les mesures pour améliorer la compétitivité des entreprises pour cette année ?
En 2010, nous devons tirer parti de trois choses : primo, de la reprise qui s’annonce dans les pays émergents, en y dynamisant nos exportations- qui restent trop concentrées sur les pays européens où la croissance est faible ; deuxio, des accélérateurs de compétitivité mis en place comme fil rouge de la politique économique du gouvernement –j’y reviendrai ; tertio, des progrès en efficacité de notre dispositif d’accompagnement des entreprises à l’international – ce que j’appelle « l’équipe de France de l’export ».
Comment expliquer que pour la sixième année consécutive, la France ait connu une balance commerciale déficitaire ?
La principale explication est que nous avons perdu en compétitivité, c’est flagrant lorsqu’on se compare à l’Allemagne ; il y a aussi l’insuffisance du nombre de PME assez fortes pour exporter-nous en avons trois fois moins que les allemands, deux fois moins que les Italiens !
Mais pour 2009, année de crise historique, le maintien d’un haut niveau d’importations est aussi le reflet positif de ce que notre croissance a bien mieux résisté que celle de nos voisins, et qu’en particulier notre consommation n’a pas baissé, nous avons donc continué à acheter à l’étranger
Comment expliquez-vous qu’alors que les déficits publics ne cessent de se creuser (déficit de la France en exemple), la balance commerciale française, même si elle reste largement déficitaire, a connu une baisse (sensible toutefois) au cours de l’année 2009 ?
La diminution du déficit commercial, je l’ai dit, est essentiellement le reflet de la baisse du cours du pétrole sur l’année 2009. Quant à nos déficits publics, le Président de la république a engagé un processus en profondeur de redressement d’ici 2013, en veillant toutefois à ne pas casser les facteurs de reprise, car elle reste bien fragile.
Cette baisse n’est-elle pas à relativiser dans le sens où la facture énergétique française a considérablement diminué en 2009 ? Aussi la situation du commerce français n’est-elle pas pire que ce que les chiffres pourraient laisser entendre ?
Il est vrai que le déficit hors énergie n’a pas baissé ; et que nos problèmes structurels de compétitivité et de perte de puissance industrielle- notamment dans le secteur de l’automobile qui est devenu gravement déficitaire- sont très sérieux. Mais en matière de commerce, le critère essentiel est celui des parts de marché, or à ce titre, nous avons maintenu nos positions, elles se sont même très légèrement améliorées au sein de l’OCDE.L’enjeu majeur est de progresser en compétitivité pour faire partie des gagnants de la reprise mondiale. J’ai bon espoir car en 2009, nous n’avons jamais emmené autant d’entreprises à l’étranger, dans des salons où se font les contacts commerciaux par exemple, grâce à des moyens renforcés et à un état d’esprit plus offensif de la part de tous les acteurs.
Selon vous, les récentes réformes engagées par le gouvernement (baisse de la Tva, suppression de la taxe professionnelle) devraient-elles permettre d’insuffler un nouveau souffle au commerce extérieur français ?
En effet, toute notre politique économique vise à améliorer la compétitivité ; certaines réformes comme celle des Universités n’auront d’effet qu’à moyen terme ; le crédit d’impôt recherche est quant à lui déjà très efficace-les entreprisse innovantes sont dix fois plus exportatrices que les autres- ; de même nos pôles de compétitivité sont très prometteurs de positionnements commerciaux plus performants ; quant à la suppression de la taxe professionnelle, elle a un effet immédiat , celui de remédier à un handicap majeur par rapport à nos concurrents, je le constate dans toutes mes visites d’entreprises sur le terrain.
Ces réformes ont un autre effet, celui de rendre la France plus attractive pour les investissements étrangers dont nous avons aussi besoin.
L’insuffisance des exportations françaises au regard des importations n’est-elle pas le signe que la France doit se donner de nouvelles priorités, à savoir consacrer davantage de moyens à la recherche pour produire des biens compétitifs tant sur un plan technologique qu’économique ?
Vous avez tout à fait raison ; nous devons continuer à travailler sur la performance de nos entreprises, notamment les aider à grossir ; mais l’enjeu principal est bien celui de l’innovation technologique ; .Le meilleur exemple en est celui des technologies vertes :la voiture électrique , ou encore les panneaux solaires dont la Chine détient un tiers du marché mondial : il nous faut proposer des matériels et des services plus performants .Ces enjeux sont à prendre en charge de plus en plus au niveau européen.
Selon vous, doit-on réellement craindre la baisse récente de l’euro pas rapport au dollar ? quelque part cette baisse n’est-elle pas une bonne nouvelle pour les exportations françaises et donc pour le commerce extérieur ?
Le sujet des parités monétaires est majeur ; c’est pourquoi Nicolas Sarkozy en fait une priorité pour le G20, dont notre pays assurera la présidence en 2011 Il s’agit de mettre en cohérence le système monétaire avec la nouvelle répartition des puissances économiques dans le monde
A court terme, l’impact des fluctuations que vous évoquez est toutefois plus complexe qu’il n’y paraît :.Nos principaux clients comme nos principaux concurrents sont en zone euro, ce qui relativise toutefois quelque peu l’importance de la question monétaire ; nos industriels les plus pénalisés par le cours de l’euro au cours des derniers mois sont ceux qui vendent en zone dollar , et en particulier le secteur aéronautique dont le principal concurrent est de surcroît américain .N’oublions pas non plus que le dollar « faible » a un impact positif sur la valeur de nos importations, de pétrole en particulier .
Quant à la volatilité récente de l’euro, j’y vois plus matière à réflexion et engagement sur la gouvernance de la zone euro
Au contraire, certains économistes soutiennent que cette sous-évaluation est un « faux problème pour l’Europe ». Ils rappellent notamment que le Yuan n’a pas vraiment baissé par rapport à l’euro (comme en 1990, aujourd’hui 1 euro vaut environ 10 yuans) et que l’exportation chinoise massive repose plus sur le très faible coût de sa main d’œuvre que sur la faiblesse de sa devise…
C’est tout le sujet de la refondation du système monétaire que j’évoquais plus haut, ce que le président de la république appelle « un nouveau Bretton Woods »,
La Chine est devenue le1er exportateur mondial en 2009, devançant l’Allemagne ; elle est aussi devenue le second importateur mondial ; d’ailleurs, l’Europe est globalement excédentaire vis-à-vis de la Chine – ceci grâce surtout aux exportations allemandes.
La Chine semble engagée dans une politique de soutien de sa croissance par la consommation intérieure et l’investissement, aux côtés de l’exportation, ce qui aura nécessairement un impact sur sa politique monétaire.
L’union Européenne doit poursuivre avec la Chine un dialogue exigeant : le point de la protection de la propriété intellectuelle par exemple est crucial pour préserver les intérêts de nos entreprises qui sont très nombreuses à investir là bas.
Pourquoi avoir porté votre choix sur la Chine pour conduire une des premières expériences de développement urbain durable ?
Nous avons en effet avec les autorités chinoises décidé –comme avec l’inde d’ailleurs- de faire du développement durable l’un des secteurs nouveaux de partenariat stratégique, en complément de l’aéronautique, du nucléaire, du ferroviaire etc. Les programmes d’investissement « verts « chinois sont immenses, et très prometteurs pour nous car .nos entreprise sont très performantes dans les services urbains, l’eau, l’assainissement, le transport, l’efficacité énergétique, ou encore l’urbanisme et l’architecture …. J’ai donc rassemblé l’équipe de France « green tech », avec un lieu de focalisation particulier qui est la ville de Wuhan, dont nous aimerions faire une vitrine de tous nos savoir faire.
En quoi le VIE multicartes représente un avantage à la fois pour les PME et pour les jeunes souhaitant en bénéficier ?
Le système du Volontariat International en Entreprise permet aux jeunes de commencer leur vie professionnelle par une expérience, avec souvent de très grandes responsabilités, à l’international, ce qui leur assure ensuite à près de 90% un recrutement ; quant aux entreprises, elles bénéficient de l’engagement formidable de ces jeunes, avec ’une aide substantielle sous forme d’allègement de charges sociales
Toutefois, pour les PME, il reste parfois trop lourd ,ou trop compliqué du point de vue management ,de recruter individuellement un jeune ; j’ai donc amélioré le dispositif pour qu’il puisse être utilisé collectivement par des PME , avec un encadrement des jeunes par Ubifrance, notre agence pour l’internationalisation des entreprises ; ce sera aussi plus sécurisant pour les VIE et leurs familles de les savoir mieux « coachés » que quand une PME les envoie seuls à l’étranger ;
Les entreprises peuvent s’acquitter de leurs obligations en matière d’apprentissage en y prenant en compte le recours à des VIE. Au-delà de cet aspect technique, j’ai voulu que cette forme d’alternance s’inscrive au cœur de nos dispositifs de formation et d’emploi des jeunes, au moment d’ailleurs où le gouvernement a entrepris de relance l’apprentissage