Le Petit Juriste : Êtes-vous satisfait en tant que notaire d’être conforté dans votre monopole de l’acte authentique ? Que vous inspire l’acte sous seing d’avocat ?
Pierre Néau : Le rapport de la Commission Darrois réaffirme une évidence : le notaire officier public, authentifie les conventions au nom de l’État et leur confère force exécutoire et probante. Son rôle essentiel est celui de rédacteur d’acte auquel est attaché un devoir de conseil. Il n’a pas pour vocation première la défense des intérêts d’un client en particulier car il recherche le caractère équitable de la convention.
La circonstance qu’un acte sous seing privé soit rédigé par un avocat, donc un professionnel du droit, lui confère certainement une grande fiabilité juridique. Pourquoi ne signerait-il pas son œuvre ? Il en prend ainsi la responsabilité en tant que conseil. Pour autant il ne pourrait s’agir d’un acte authentique auquel sont attachés les effets ci-dessus rappelés (force exécutoire et probante).
Il a d’ailleurs de tout temps été demandé aux notaires, officiers publics, de déposer dans leurs minutiers (archives légales) des actes sous seing privés, pour leurs donner date certaine et au-delà, à l’appui de la reconnaissance d’écriture et de signature des parties à l’acte par le notaire, de conférer à ceux-ci l’authenticité sans que pour autant le libellé de l’acte relève de la responsabilité et de l’initiative du notaire déposant.
LPJ : Un des points discutés par la commission concerne l’acte authentique européen (soutenu lors de la présidence française de l’Union européenne). Que pensez-vous des perspectives offertes par cette mesure ?
Pierre Néau : Le développement de nos traditions juridiques latines peut s’appuyer sur le notariat qui mobilise son énergie et ses finances pour favoriser des projets aussi divers que la naissance du notariat chinois, l’acte authentique électronique et l’amélioration des relations juridiques entre pays européens autour de l’acte authentique reconnu dans tous les pays de l’union.
Le chef de l’État a récemment déclaré « l’économie de marché est un marché régulé mis au service du développement, au service de la société, au service de tous ». On peut également citer Marie-Anne Frison-Roche, professeur et directeur de la chaire Régulation à Sciences Po Paris qui a écrit « le notaire, qui utilise sa puissance normative pour créer avant même l’échange économique un titre incontestable, […] est un outil majeur d’une régulation économique internationalisée ».
LPJ : Que vous inspire le rapport Darrois sur ses propositions en ce qui concerne le métier d’avocat ?
Pierre Néau : Après une première lecture rapide, la recherche d’une meilleure organisation, cohérente du métier d’avocat apparaît tout à fait souhaitable. L’émiettement des compétences et la faible structuration professionnelle ont longtemps nuit à leur activité. Le notaire que je suis, partenaire des avocats au quotidien dans des dossiers de toute nature, ne peut que se féliciter des évolutions proposées.
La reconnaissance de la spécificité de l’acte authentique et du rôle du notaire dans le rapport de la Commission Darrois permettra, je suis sûr, de faire taire querelles et animosités entre les professionnels complémentaires et développer une collaboration plus efficace entre les deux professions dont le rôle est différent.
Le rapprochement des formations notaires et avocats me semble tout à fait souhaitable sans nuire à la diversité des choix de carrière de chacun.
LPJ : Que pensez-vous de l’augmentation du nombre de notaires préconisée et réaffirmée par la Commission Darrois ?
Pierre Néau : Le maillage territorial des notaires est nécessaire à leur mission. L’accroissement du nombre de notaires parait donc nécessaire pour densifier l’offre de service notarial.
Le développement déjà avéré de structures d’exercice collectif (SCP, SELARL) permet de maintenir ce maillage territorial et éviter l’isolement du notaire. Les solides structures collectives de la profession ayant pour clé de voute le CSN (Conseil Supérieur du Notariat ndlr.) prennent en compte les problèmes des uns et des autres en épaulant chaque notaire face à ses difficultés d’exercice.
La présence de jeunes juristes de talent associés ou salariés au sein d’offices notariaux structurés et engagés dans la « démarche qualité » permet de développer la fiabilité du service notarial et l’offrir à tous les citoyens qu’ils habitent une métropole urbaine ou un chef-lieu de canton.
LPJ : Quel est selon vous l’avenir de votre profession ? Que diriez-vous à des jeunes étudiants en droit désireux d’être notaires aujourd’hui ?
Pierre Néau : Pour avoir formé au sein de mon office plusieurs « assassiens » qui ont choisi la profession de notaire, je ne peux qu’inciter les jeunes juristes dans cette voie qui tout en exigeant la rigueur de travail et le contrôle de l’application des règles de droit au sens le plus strict, permet d’exercer un métier « d’instituteur du droit » consistant à faire comprendre et admettre la règle à tous et à chacun, en recherchant en permanence, la conciliation, la médiation, de part l’autorité conférée par sa qualité d’officier public.
Pierre Néau
Notaire à Nantes