L’opération de rachat de SFR par Numericable et Altice a été notifiée à l’Autorité de la concurrence le 6 juin dernier. À l’aune du dossier soumis, elle a décidé d’entreprendre un examen approfondi le 30 juillet en raison des risques d’atteintes à la concurrence soulevés tant sur le terrain de l’attractivité des offres et des prix pour les consommateurs que sur celui des capacités d’action de ses concurrents sur le marché. Retour sur cette décision du 27 octobre 2014.
LES RISQUES D’ABUS DE POSITION DOMINANTE ET DE CONFLIT D’INTÉRÊTS
L’Autorité de la concurrence a détecté différents risques d’entraves à la concurrence.
D’abord, elle a analysé la position de Numericable/SFR sur l’accès à internet très haut débit pour les particuliers. Elle en a conclu que le nouvel ensemble est non seulement susceptible de préempter la clientèle très haut débit de l’ancien opérateur SFR, mais qu‘il est également en mesure de faire obstacle au déploiement de la fibre optique entrepris par SFR, Orange, Free et Bouygues Telecom, qui sont tous en retard par rapport à Numericable sur ce segment.
L’Autorité s’attaque ensuite à la réduction du nombre d’opérateurs télécoms pour le marché professionnel, c’est à dire à destination des entreprises. En effet, le nouvel ensemble se retrouverait en situation de duopole avec l’opérateur historique Orange. L’intensité concurrentielle ainsi que la compétitivité des offres ne seraient alors plus garanties.
Par ailleurs, la part de marché détenue par Numericable à La Réunion et à Mayotte en matière de téléphonie mobile est également montrée du doigt puisqu’elle conduit à une position forte à La Réunion (66%) et un quasi-monopole à Mayotte (90%). Or, seuls trois opérateurs sont actifs sur ce territoire : Orange, SFR et Outremer Telecom, rachetée il y a un an par Altice, elle-même maison mère de Numericable.
Enfin, la participation de 20 % de Vivendi (qui détient notamment le groupe Canal Plus) dans le capital de Numericable group est vue d’un mauvais œil. Elle risque de permettre à Vivendi un accès étendu aux informations stratégiques de la nouvelle entité, ce qui lui confèrerait ainsi la possibilité d’adapter son comportement concurrentiel.
DES ENGAGEMENTS À LA FOIS COMPORTEMENTAUX ET STRUCTURELS
Numericable devra avant tout ouvrir son réseau câblé aux opérateurs concurrents. Les autres opérateurs pourront ainsi profiter des infrastructures de Numericable pendant une durée déterminée. Ceci est destiné à donner à ces opérateurs le temps de développer leurs propres infrastructures tout en offrant une palette de forfaits très haut débit fixe à leurs clients. Cet engagement est renforcé par l’obligation de laisser SFR et les autres opérateurs développer le réseau de fibre optique comme il était prévu avant l’opération de rachat.
Afin de réduire la pression concurrentielle sur le marché professionnel, Numericable devra céder le réseau de Completel, opérateur à destination des professionnels, ce qui permettra d’éviter un duopole.
Numericable devra ensuite se séparer d’Outremer Télécom afin de ne pas faire obstacle à la concurrence effective. Ceci permettra également de stimuler l’offre mobile et d’assurer la variété des offres et des prix proposés à La Réunion et à Mayotte.
Enfin, le nouvel ensemble devra prendre des dispositions strictes afin qu’aucune information commerciale stratégique ne soit transmise à Vivendi sur les marchés où les deux groupes sont en concurrence.
Il s’agit de mesures provisoires limitées à cinq ans renouvelables. Le respect de ses engagements sera soumis au contrôle d’un mandataire indépendant agréé par l’Autorité.
Ytto El Adel
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