La décision du Conseil constitutionnel, saisi le 15 juillet 2015 après adoption définitive de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, est intervenue le 5 août 2015.
Elle censure dix-huit dispositions contenues dans la loi mais parmi lesquelles ne figurent pas les mesures phares de la « Loi Macron », qui elles, vont être promulguées. Certaines sont écartées car contraires à la Constitution en elle-même alors que les autres sont inconstitutionnelles de par leur procédure d’adoption car elles ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi initial ce qui est contraire à l’article 45 de la Constitution.
Le premier Ministre a cependant affirmé que les mesures écartées allaient être représentées devant le Parlement prochainement.
- Droit social
La censure la plus importante intervient en matière de droit social. Le Conseil a tout d’abord jugé contraire à la constitution les dispositions concernant l’encadrement des indemnités octroyées par les juridictions prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’article 266 instituait un d’encadrement en fonction de l’ancienneté du salarié et des effectifs de l’entreprise. Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié. Il juge que le critère de l’ancienneté dans l’entreprise est en adéquation avec l’objet de la loi mais pas celui des effectifs de l’entreprise. La censure est prononcée pour méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
Les dispositions concernant le travail le dimanche sont en revanche définitivement adoptées.
- Commerce
La procédure d’injonction structurelle dans le secteur du commerce de détail en France, qui aurait permis à l’Autorité de la Concurrence d’imposer la modification d’accords ou la cession d’actifs d’une entreprise ou d’un groupe, en cas d’existence d’une position dominante et de détention d’une part de marché supérieure à 50 %, a été censurée sur le fondement de l’atteinte disproportionnée portée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre.
Les dispositions permettaient à l’Autorité de la concurrence d’obtenir la communication de données de connexion auprès des opérateurs de communications électroniques ont été écartées dans la mesure où, faute de garanties prévues par la loi, une atteinte disproportionnée était portée au respect de vie privée ce qui violait donc la Constitution.
Le projet de modification des Chambres de Commerce et des Métiers et notamment la fusion de certaines Chambres de Commerces a également été écarté, les dispositions ayant été adoptées selon une procédure irrégulière.
- Professions règlementées
Le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution, au nom du principe d’égalité devant les charges publiques, les modalités d’indemnisation du titulaire d’un office (notaire, huissier de justice ou commissaire-priseur judiciaire) lorsque sa valeur patrimoniale est atteinte par la création d’un nouvel office. En effet, cette disposition avait pour effet de faire supporter au titulaire du nouvel office la charge de compenser la dépréciation de la valeur patrimoniale de l’ancien. Cependant, le titulaire d’un office subissant un préjudice anormal et spécial résultant de la création d’un nouvel office peut en demander réparation sur le fondement du même principe d’égalité.
Concernant la contribution à l’accès au droit et à la justice, les dispositions selon lesquelles le pouvoir réglementaire pouvait en fixer l’assiette de cette taxe sont inconstitutionnelles dans la mesure où cette mission revient au législateur en application de l’article 34 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel juge que le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence. La disposition est donc contraire à la Constitution.
En revanche, la quasi-totalité des articles relatifs à la réforme des professions réglementées du droit a été validée.
- Divers
D’autres mesures ont été censurées en raison de leur procédure d’adoption, par amendement, contraire à l’article 45 de la Constitution car n’ayant pas de rapport avec le projet de loi initial.
Sont ainsi censurées, notamment, les dispositions suivantes : celle qui prévoyait un assouplissement des conditions de publicité pour l’alcool au nom du patrimoine culturel, celle permettant aux citoyens de saisir la Banque de France en cas de refus d’ouverture de compte, l’extension de la réduction d’impôt en faveur de l’entretien et de la réhabilitation des bâtiments historiques ou encore le projet d’enfouissement des déchets nucléaires.
Les décrets d’application des mesures validées seront pris dans les prochains mois.
Evane PEREIRA-ENGEL
Elève avocate