Le dispositif de la loi Macron permet d’évincer les associés majoritaires d’une entreprise en redressement. Si elle heurte des droits sociétaires fondamentaux, cette possibilité a été jugée constitutionnelle[1] et pourrait permettre une implication accrue des associés.
Afin de passer outre le refus d’associés majoritaires de voter une augmentation de capital prévue par un plan de redressement, le juge pourra leur imposer une dilution ou ordonner une cession forcée de leurs titres en capital.
Des actionnaires récalcitrants écartés
La loi Macron instaure un nouvel article L.631-19-2 du Code de Commerce qui permet au tribunal, si un plan de redressement d’une entreprise d’une certaine importance(voir conditions ci-après) comporte une modification du capital à laquelle s’oppose l’assemblée des associés, d’évincer les associés majoritaires récalcitrants.
Le juge peut en effet opérer une dilution forcée de leurs droits par la désignation d’un mandataire chargé de voter l’augmentation de capital en lieu et place de ces associés réfractaires, en faveur notamment des créanciers. Le juge peut encore ordonner la cession des titres de ces actionnaires majoritaires en droits de vote.
Néanmoins, ces mécanismes s’accompagnent de garanties dont notamment le recours à un expert en cas de désaccord entre les associés sur la valeur de leurs droits, mais ils portent une atteinte directe au droit de vote et au droit de propriété de l’associé. Dans une décision rendue le 5 août 2015, le Conseil constitutionnel a néanmoins déclaré ce dispositif conforme à la Constitution au regard de son objectif d’intérêt général et de son champ d’application. En effet, il ne s’appliquera qu’aux entreprises de plus de 150 salariés, à la double condition que leur cessation d’activité soit de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale et au bassin de l’emploi, et que la modification du capital apparaisse comme la seule solution sérieuse permettant de l’éviter et de permettre la poursuite de l’activité.
Des incertitudes compensées par l’implication accrue des associés
Ce dispositif est cependant porteur d’insécurité juridique. Depuis l’ordonnance du 31 juillet 2014, l’article 1843-4 du Code civil, qui prévoit le recours à un expert en cas de contestation du prix de cession des droits sociaux, ne s’applique plus que dans les cas où la loi renvoie à celui-ci. Or aucun renvoi n’est opéré ici, ce qui fait perdre à l’associé la garantie tenant à lier l’expert par les modalités conventionnelles ou statutaires de détermination de la valeur des titres. L’évaluation risque dès lors d’être elle aussi source de contentieux, ralentissement incompatible avec la rapidité requise dans ce type de procédure.
Il permet en outre de surmonter l’attentisme de certains associés et d’éviter des prises de décisions guidées par leur seul intérêt personnel, au détriment de celui de l’entreprise. Surtout, la menace qu’il constituera favorisera l’implication des actionnaires dans le sauvetage de leur entreprise en les poussant à négocier davantage, accepter certaines concessions et même parfois renoncer à certains de leurs titres. Les recours à ce dispositif radical en seraient ainsi limités.Enfin, le critère du « trouble grave à l’économie nationale ou régionale et au bassin de l’emploi » a un caractère flou et ne manquera pas de faire débat quant à ses contours. Ce dispositif présente toutefois un intérêt pour les créanciers en leur permettant de convertir leur créance en capital sans avoir à solliciter l’accord de l’assemblée des associés.
Joséphine Maire
[1] Décision n° 2015-715 DC du 05 août 2015