Le 3 janvier 2018, le Président de la République a annoncé, lors de ses vœux à la presse, le vote d’une loi interdisant les fake news en période électorale. L’objectif : garantir la transparence de l’information pour « protéger la vie démocratique ».
Annoncée et rédigée par l’Exécutif, la loi de « fiabilité et de confiance de l’information » devrait pourtant faire l’objet d’une proposition de loi déposée par la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale.
I- Que devrait contenir la loi ?
Les plateformes internet seront responsabilisées en se voyant imposer des « obligations de transparence accrue sur tous les contenus sponsorisés afin de rendre publique l’identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent »[1].
La loi devrait également créer une nouvelle action en référé devant le juge judiciaire en cas de diffusion d’une fausse nouvelle. Pourraient alors être ordonnés la suppression du contenu, le déférencement du site, la fermeture du compte utilisateur ou le blocage de l’accès au site concerné.
E. Macron a enfin évoqué le renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), pour « lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des États étrangers ». Cette proposition vise directement la Russie, accusée d’avoir sponsorisé 3 000 messages sur Facebook lors des élections américaines.
II- Protection ou limitation de la liberté d’expression ?
La loi contre les fake news semble remplir un objectif d’intérêt général, celui de garantir le déroulement loyal des élections, pouvant alors justifier une limitation de la liberté d’expression dans toutes ses dimensions (liberté de communication, de parler, d’écrire ou d’imprimer).
Proclamée à l’article 11 de la Déclaration de 1789, la liberté d’expression est une « liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son exercice est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale » [2]. La loi ne peut donc en réglementer l’exercice « qu’en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ». Toute limitation doit donc dès lors être nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi[3].
Eu égard à la nature particulière de la liberté d’expression, le Conseil constitutionnel juge que seule une juridiction peut être habilitée à « restreindre ou à empêcher l’accès à internet » [4], dès lors qu’une telle atteinte conduit à restreindre la liberté d’expression des personnes depuis leur domicile. Compte tenu de cette jurisprudence, le législateur devra redoubler d’attention s’agissant de la répartition des compétences entre le juge des référés et le CSA. En l’état du projet, le CSA devrait tout de même pouvoir priver du droit d’émettre un média sous influence d’un pays étranger.
L’opportunité de la réforme interroge également tant sur son champ, limité aux périodes électorales, que sur sa nécessité, l’article 27 de la loi de 1881 permettant déjà de sanctionner le délit de « fausse nouvelle », y compris sur les réseaux sociaux. Des incertitudes existent aussi sur les critères pris en compte par le juge quant aux caractéristiques de l’information propre à fausser le scrutin et à l’appréciation de son inexactitude : de quoi animer les débats parlementaires.
Jeanne Patard
Le Petit Juriste, Numéro 44, Mars 2018
[1]Vœux à la presse du Président de la République, 3 janvier 2018.
[2]CC, n°84-181 DC, 11 octobre 1984, cons. 36 et 37.
[3]CC, 2009-580 DC, 10 juin 2009, cons. 15.
[4]Idem.