Madame Christine Lagarde, Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, a dressé le 29 juillet un premier bilan sur les principales mesures phares de la loi de modernisation de l’économie (LME). Cette grande réforme issue de la loi du 4 août 2008 a engendré de nombreuses modifications dans diverses branches du droit : droit des affaires, droit de la consommation ou encore droit de la concurrence.
Adoptée le 23 juillet, « Le Petit Juriste » souhaite bon anniversaire à la loi LME tout en établissant un bilan de sa première année d’existence.
Petit rappel :
L’anniversaire de la loi de modernisation coïncide presque avec celui du « Petit Juriste ». Il y a près d’un an, nous consacrions notre premier “dossier du mois“ à la modernisation de l’économie : retrouvez l’article ici.
Outre la loi, c’est presque une trentaine d’ordonnance et une centaine de mesures réglementaires qui ont appliqué la majorité des mesures préconisées. Opérationnelle depuis le 1er janvier 2009, la loi avait et a toujours des objectifs très ambitieux malgré le contexte de crise actuel.
Philosophie et objectifs de la loi : agir pour la croissance et l’emploi
Cet objectif était annoncé par le gouvernement lors des débats parlementaires. On peut lire sur le site de la loi LME que cet objectif est « toujours d’actualité ».
Les objectifs affichés sont très clairs : relancer la croissance, créer des emplois et améliorer le pouvoir d’achat. “Rien que ça » dira-t-on surtout dans ce contexte de crise. Mais pour autant, la loi est en parfaite harmonie avec l’évolution législative initiée par la loi « Tepa » de 2007 (Travail, Emploi, Pouvoir d’achat). Il est clair que le mot “modernisation“ est présent dans tous les projets de loi des 20 dernières années. Mais si chaque texte apporte des améliorations, les mesures de la loi LME sont pour certaines assez novatrices et porteuses d’espoir.
Issue du rapport “Attali“ de la Commission pour la libération de la croissance française, cette loi se compose de quatre grands volets :
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Encourager les entrepreneurs tout au long de leur parcours
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Relancer la concurrence
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Renforcer l’attractivité du territoire
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Améliorer le financement de l’économie.
Contenu de la loi
Pour « libérer les potentiels » (Christine Lagarde), la loi de modernisation de l’économie a créé quelques mesures intéressantes et prometteuses :
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Favoriser le régime de l’auto-entrepreneur
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Réduire les délais de paiement entre entreprises
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Faciliter la vie des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et des Très Petites Entreprises (TPE)
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Lutter plus efficacement contre les clauses abusives
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Créer de nouvelles règles du jeu dans les négociations commerciales
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Favoriser les soldes
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Renforcer les aides en faveur du commerce de proximité et créer de nouvelles règles d’urbanisme commercial
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Modifier le statut des SAS (Sociétés par Actions simplifiées)
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Augmenter l’accès des français au “Livret A“
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Développer le très haut débit
173 mesures sont instaurées par la loi. L’application de ces mesures a modifié des parties importantes de certains domaines juridiques. La libre-négociabilité entre fournisseurs et distributeurs a engendré des modifications législatives importantes, tout comme la réduction des délais de paiement (création de nouvelles sanctions notamment). Le régime de l’auto-entrepreneur a laissé à la loi fiscale le soin de créer et d’aménager ce nouveau statut. Le droit de la consommation a notamment été touché par la création des soldes libres tout au long de l’année et des nouvelles règles d’implantation des entreprises. Les nombreuses mesures en faveurs des PME ont eu un impact important sur leur régime juridique (accès facilité aux marchés publics de haute technologie notamment).
La crise n’a évidemment pas facilité l’application des diverses mesures (nous vous parlions déjà des enjeux juridiques de la crise économique dans le numéro 3 du « Petit Juriste »). Bercy assure que la LME accompagnera la reprise en rendant l’économie plus flexible, plus concurrentielle et plus efficace. A l’heure actuelle, certaines mesures ont déjà connu leur succès. Mais la satisfaction n’est pas totale.
Le bilan de la loi
Un bilan rapide est présenté sur le site de la loi LME par la ministre de l’Economie en personne. Si de nombreuses mesures ont connu un succès certains, la crise a légèrement terni le bilan de la loi, laissant attendre d’éventuels succès de certaines mesures.
Des succès
Voici quelques chiffres du gouvernement sur l’application de la loi :
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182 000 Français sont devenus auto-entrepreneurs
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Les créations d’entreprise ont augmenté de 60 %
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Les délais de paiement entre entreprises ont diminué de plus de dix jours
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Les prix des produits de grande consommation ont baissé de 0,65 % depuis décembre 2008
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23 813 opérations de soldes « libres » ont été organisées
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La consommation des ménages résiste bien à la crise
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Les projets de surfaces commerciales de proximité ont doublé
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Plus de 7 millions de Français ont ouvert un livret A en dehors des trois réseaux « historiques »
Dans un panel de mesure aussi hétéroclite, il est difficile de connaitre exactement l’impact économique de tels chiffres. Mais plusieurs avancées sont perceptibles.
Tout d’abord, le statut d’auto-entrepreneur a semble-t-il connu un succès encourageant. Grâce à un régime juridique, fiscal et social adapté, les possibilités pour les entrepreneurs sont facilitées : la suppression de l’obligation d’immatriculation au registre du commerce est un exemple de ces facilités (tout comme le prélèvement libératoire de 13% du chiffre d’affaire et autre assouplissement de l’usage du local d’habitation à des fins professionnelles).
Les mesures pour les PME peuvent être aussi source de grandes satisfactions : pour améliorer leur état de trésorerie, les délais de paiement se voient pour leur part plafonnés à 45 jours fins de mois ou 60 jours (sauf accords interprofessionnels donnant matière à décret).
D’autres mesures ont, par plusieurs applications juridiques, engendré de nombreuses avancées : attraction du haut-débit, projets de surface commerciale…
Des attentes
« Il est clair qu’une loi promulguée un mois et demi avant le déclenchement de la crise n’a pas pu produire les effets escomptés […] ». Par ces mots, Christine Lagarde justifie les atteintes, voire les craintes, de certains.
La concurrence était un des piliers de la loi, surtout en ce qui concerne les grandes surfaces (qui influent directement sur la consommation des ménages). Mais nous l’avons vu lors des évènements du mois dernier (la vente du lait dans la grande distribution et la critique des marges des grand-magasins) la question est délicate. Car la grande distribution ne connait quasiment pas de concurrence dans la fixation des prix.
La mise en place de la « Haute autorité de la concurrence » (voir l’article dédié du « Petit Juriste ») a répondu à certaines inquiétudes en ce qui concerne la concurrence : la nouvelle autorité est opérationnelle depuis le 2 mars et a déjà examiné 16 cas de concentrations et infligé pour environ 104 millions d’euros d’amendes.
Le gouvernement assurait l’an dernier que la loi de modernisation de l’économie permettrait d’accroître la croissance de 0,3 point par an et de créer 50.000 emplois, surtout dans la grande distribution. Aussi, l’application des mesures devaient “soulager le porte-monnaie des français“ de 1 000 euros par an. Bien sur, il faut prendre ces objectifs chiffrés de façon pragmatique. D’une part, la crise a engendré de nombreuses difficultés. Plus encore, les ordonnances et règlements pris en application de la loi ne sont apparus que progressivement. On ose alors espérer un bilan toujours plus positif pour les deux ans de la loi. Quoi qu’il arrive, « Le Petit Juriste » sera au rendez-vous !
Adrien Chaltiel
Pour en savoir plus : |
Le site de la loi (très utile avec des schémas clairs) L’actualité de la loi LME – un an après sa mise en œuvre – Article des échos – La loi de modernisation de l’économie a favorisé la concurrence mais l’effet prix se fait attendre |